Depuis plusieurs années, l’avenir du Quotidien est au centre d’un feuilleton judiciaire et économique qui secoue le secteur de la presse réunionnaise. En jeu : la survie de l’un des principaux titres de l’île, confronté à une situation financière critique qui l’a poussé vers une procédure de liquidation judiciaire avec continuation d’activité en octobre dernier, sous l’égide du tribunal mixte de commerce de Saint-Denis.
La direction du média, représentée par Carole Chane-Ki-Chune, avait alerté sur l’impossibilité d’honorer ses dettes dès septembre, faisant vaciller le plan de continuation adopté deux ans plus tôt. Cet appel à l’aide avait suscité l’intérêt de repreneurs potentiels, parmi lesquels Alfred Chane-Pane, Henri Nijdam, et Jacques Tillier, chacun soumettant sa vision pour redresser le journal. Cependant, la complexité de la situation a rapidement émergé, notamment concernant les modalités de reprise du personnel et l’approche éditoriale future.
Le premier tournant de ce dossier a été l’aide exceptionnelle de 600.000 euros accordée en urgence par la Région Réunion. Cette subvention de la collectivité régionale a permis au titre de pouvoir fonctionner jusqu’à la décision du tribunal administratif.
L’autre moment clé de ce feuilleton a été le retrait de Jacques Tillier, le président-directeur général du Journal de l’île de La Réunion initialement parmi les prétendants à la reprise. Son désistement a laissé le champ libre à Alfred Chane-Pane, propriétaire de ICP Roto, et Henri Nijdam, dirigeant de Média Capital Réunion. Les deux hommes d’affaires ont alors affiné leurs propositions, conscients de l’importance de convaincre non seulement l’administrateur judiciaire mais aussi les salariés du journal et leurs représentants syndicaux.
Des arguments de poids pour les candidats
Le dialogue entre les repreneurs potentiels et les représentants des salariés a été marqué par une série de réunions et d’auditions visant à clarifier les perspectives offertes par chaque offre. Les enjeux étaient de taille : préservation des emplois, garantie d’une ligne éditoriale de qualité et viabilité économique du projet, l’administrateur judiciaire ayant pour rôle de veiller à la recevabilité des offres et d’encourager les parties à les améliorer.
Le scénario s’est complexifié avec l’approche de l’échéance pour le dépôt des offres finales, mettant les deux candidats restants, Chane-Pane et Nijdam, dans une course contre-la-montre pour présenter des projets convaincants et financièrement solides. La proposition de Chane-Pane s’est distinguée par la promesse d’une réduction significative des coûts d’impression grâce à sa propre imprimerie, tandis que Nijdam a mis en avant un renforcement de son apport financier pour assurer une transition en douceur.
Ces développements ont culminé dans une audience au tribunal de commerce de Saint-Denis, où Chane-Pane et Nijdam ont défendu leurs visions respectives pour le futur du Quotidien. Le délibéré, attendu aujourd’hui devait trancher entre ces deux projets, chacun ayant ses forces et faiblesses mais partageant un objectif commun : sauver et revitaliser ce pilier de la presse réunionnaise.
Finalement, la justice a décidé de confier les rênes du Quotidien à Média Capital.
Edouard Marchal, représentant du personnel du Quotidien de La Réunion, s’est exprimé suite à la décision : « C’est la moins pire des solutions qui a été choisie par le tribunal. Elle a été présentée comme telle par le président qui a bien expliqué qu’elle n’était pas idéale du tout. Il a clairement dit que l’option qu’aurait pu prendre le tribunal était de rejeter les deux offres. Ils ont préféré donner la chance à l’offre la plus acceptable. »