Le 17 février, alors que les victimes ont fait appel à une huissière de justice, un géomètre et l’ONF pour faire des marquages de terrain, Jean M. voit rouge et s’en prend violemment à ses interlocuteurs en leur reprochant d’être entrés chez lui sans son autorisation. Insultes, menaces et même une bagarre survient avec deux amis des voisins jusqu’à ce qu’il rentre chez lui et revienne avec un fusil. Il tire un coup en l’air, le seul qu’il reconnaît, ce qui a pour effet de faire fuir tout le monde. Partis se mettre à l’abri, les victimes diront qu’elles ont entendu plusieurs coups de feu. C’est l’huissier de justice qui appellera les gendarmes de Saint-Paul à l’aide. L’officier de permanence déclenchera immédiatement l’intervention de l’AGIGN.
« C’est eux qui sont rentrés chez moi et prenaient des photos »
Le tireur est interpellé puis placé en garde à vue. Il était jugé ce mercredi en comparution immédiate à Champ fleuri après avoir demandé un délai pour préparer sa défense. Devant le tribunal, il reste campé sur ses positions concernant la légitimité de son action, arguant que « c’est eux qui sont rentrés chez moi et prenaient des photos » même si, pour autant, il s’excuse d’avoir agi ainsi.
Toute la difficulté du tribunal réside dans la difficulté qu’il a de dissocier les faits de violences commis au litige qui l’oppose à ses voisins. À sa décharge, le tribunal retient qu’il ne sait ni lire ni écrire. « Je pensais que c’était des journalistes . Je me suis énervé car ils sont rentrés sur mon terrain. Lui, c’est un terrain qu’il a volé, on était là avant qu’il arrive. C’est eux qui ont été agressifs« , explique-t-il à la présidente. Les témoins, présents à l’audience, attestent tous qu’ils se sont bel et bien fait agresser dès leur arrivée.
« Sa dangerosité est notable, il détient cinq carabines sans autorisation »
La partie civile argumente sur ce conflit de voisinage qui s’éternise en expliquant que ses clients – les deux voisins – qui sont à Mafate depuis respectivement 30 et 18 ans, sont terrorisés. Le conseil demande une mesure d’éloignement. « Ce sont des enjeux qui nous dépassent, il est important de recentrer les débats sur ces faits particulièrement graves. Il a fait preuve d’une extrême violence à l’égard des personnes présentes qui voulaient faire les choses dans les règles de l’art. L’ensemble des déclarations sont concordantes par rapport aux témoignages. Malgré la détention provisoire, c’est encore le fait des autres, il n’y a pas de prise de conscience ! Sa dangerosité est notable, il détient cinq carabines sans autorisation« , avise le parquet qui demande une peine de 12 mois de prison dont 6 mois de sursis, le maintien en détention et une interdiction de contact avec les victimes.
« Aujourd’hui Mafate, c’est l’Eldorado, c’est l’exploitation du tourisme »
La défense, représentée par Me Fabian Gorce, répond au parquet en expliquant : « il vit comme on vivait à Mafate il y a 30 ans. Sans business, sans soucis mais cette époque est révolue. Aujourd’hui Mafate, c’est l’Eldorado, c’est l’exploitation du tourisme et il reste quelques Mafatais qui résistent à cela. Eux sont là pour le business. Pour lui, être sur ses terres, c’est sentimental, il ne compte pas en euros. Il faut être capable de se mettre à sa place pour comprendre pourquoi il conteste. Les menaces, elles existent et les faits je ne les conteste pas. Ce conflit de voisinage a dégénéré et je pense que l’ONF a sa part de responsabilité. On veut le faire passer pour le vilain petit canard à Mafate mais il y a 140 personnes qui ont signé une pétition lui donnant raison pour cette histoire de bornage, pas pour les violences bien entendu. Pour la petite histoire, les plaignants étaient mari et femme et possèdent à eux deux 13 concessions ! Il a toujours été libre et je vous demande de le laisser libre », plaide la robe noire.
Le conseil de Jean M. a été entendu. Le prévenu, qui n’a pas de casier, est condamné à 1 an de prison dont 8 mois de sursis. Il a interdiction d’entrer en contact avec les victimes et de les indemniser. Il n’est pas maintenu en détention pour les 4 mois ferme restants.