« Sybarite : personne qui mène une vie facile et voluptueuse » (Petit Larousse illustré).
Je ne sais si le mot colle totalement à la personnalité de ce Jacky-là. Qu’il adore la volupté, soit. Mais vie facile ? Pas vraiment. Au travers de toutes ses aventures, au hasard de ses pérégrinations dans le monde, il n’a pas connu une vie des plus aisées. Mais qu’importe !
Ce roman d’aventure, que l’on devine collant à la réalité du vécu, se lit avec un plaisir rarement éprouvé par les temps qui courent.
Ce qui séduit, avec ce roman/vérité très enlevé, c’est qu’il couvre une très large part du 20è siècle, avec de fréquents rappels à des époques qui n’évoquent plus grand-chose pour nos jeunes générations. Mais aussi pour celles et ceux qui ont banni l’Histoire de leurs souvenirs.
Pourtant, nous, Réunionnais, sommes concernés ô combien !
Car ce roman, qui traverse je-ne-sais-combien de décennies, débute avec la révolte malgache de 1947. Avec ses horreurs, ses ignominies, ses monstruosités ; y compris celles perpétrées par l’armée française en guise de représailles.
Représailles ! Le mot prêterait à sourire s’il ne sous-entendait d’immondes massacres « légaux » sur des personnes ne revendiquant que le droit de choisir elles-mêmes leur destin.
Très vite on voit émerger la personnalité de Jacky, métis franco-malgache, esprit rebelle, aventureux. Amoureux des coutumes des tribus malgaches. Qui ne semble pas vraiment avoir envie de vivre selon les codes couramment admis alors. Qui s’affranchit, à 18 ans, de la tutelle parentale (mais l’amour parental est omniprésent) pour traverser, seul et à pied, tout le grand Sud malgache, avec une carabine pour tout viatique.
Cet épisode, un de mes préférés de tout ce roman, est l’occasion de passages particulièrement savoureux se dégustant avec une volupté de fin gourmet. L’occasion de toucher du doigt les idées préconçues que le grand public, les savants se faisaient à propos des Noirs.
Celle-là, je ne résiste pas au plaisir de vous la rapporter. C’était avant l’indépendance. Dans le grand Sud, au milieu de milliers de formidables baobabs, Jacky tombe sur une expédition de soi-disant savants venus déterminer si les Antandroy étaient d’origine asiatique ou africaine. Pour ce faire, ces crétins de chez troudkis imaginent rien moins que mesurer la quéquette des hommes du village. Au moyen d’un pied-à-coulisse ! Sous l’influence de Jacky, au lieu de larder les importuns de flèches, les guerriers acceptent de se la laisser mesurer… sous réserve de récompense en monnaie.
Certains se sont même payé le luxe de passer plusieurs fois pour recevoir triple et quadruple ration de monnaie. Nos minables savants n’y ont vu que du feu.
La suite du roman ne dit pas si nos Antandroy en avaient une plus longue que les autres. Comme le disait en riant le regretté di Bango : « Je ne sais pas si nous en avons une plus grande mais… on sait s’en servir ».
Voilà ! Tout le roman est de cette même veine, bondissante, inattendue, surprenante, fraîche, revigorante, et c’est pourquoi je vous laisse le plaisir de la découverte. Sans plus tarder.
Courez à la suite de ce faux-sybarite, à la découverte d’un monde en surprenante évolution : vous ne serez pas déçu du voyage.
Un petit bémol, il manque une sévère correction mais je vous rassure, le plaisir de lire n’est pas Jacky le sybarite
Francine George
Editions Orphie
En librairie, 16,50 euros
J.B