« Huit mules en 2021 pour 3 kg de cocaïne saisis, 14 en 2022 pour 6 kg. Et déjà 19 en 2023 pour 8 kg alors que l’année n’est pas finie. Ce sont des chiffres terribles et alarmants qui montrent un réel danger pour le territoire », alertait la représentante des douanes, le mercredi 8 novembre dernier, en audience de comparution immédiate. Cette fois, ce ne sont pas moins de 2 kilos de cocaïne qui ont failli pénétrer sur le territoire en un seul passage. Du moins pour cette fois, puisque lors de leur procès ce vendredi, les deux mis en cause ont reconnu un premier voyage en octobre dernier avec pas loin de 2 kilos entrés sur le territoire.
Il s’agit donc de la 20e mule de l’année à être fort heureusement interceptée par les services des douanes de La Réunion, tout en sachant que la 21e fera l’objet d’une autre comparution immédiate mercredi prochain pour une quantité de pratiquement 2 kilos de cocaïne, mais cette fois « in corpore ». Nous en sommes donc pour cette année 2023 à plus de 12 kilos de cocaïne que les trafiquants ont tenté de faire entrer par avion alors que l’année n’est pas finie.
Une valeur marchande à La Réunion de 299 000 euros
Lors de cette audience, la mule et son complice, tous deux âgés de 33 ans, reconnaissent les faits. Ils indiquent « avoir fait ça pour l’appât du gain« . Leurs profils sont atypiques puisqu’il s’agit de deux Réunionnais qui se connaissent depuis longtemps et vivent à La Réunion. Le transporteur avait dissimulé dans son dos deux paquets de cocaïne pesant respectivement 1013 et 986,5 grammes pour une valeur marchande à La Réunion de 299 000 euros. La cocaïne a été testée à 79 et 76% de pureté. Ils indiquent au tribunal qu’ils devaient toucher 10 000€ à la livraison dont 2000 pour celui qui assurait la protection de la mule.
Ils indiquent avoir touché cette somme lors du premier voyage en octobre 2023. Le complice, retrouvé après enquête de la police via les communications téléphoniques, devait également répondre de blanchiment d’argent en lien avec un trafic de stupéfiants. Les enquêteurs ont trouvé la trace de plusieurs comptes dont un « Revolute » avec des flux d’argent dépassant les 50 000 euros. « Ces sommes proviennent de jeux de casino en ligne et de gain au Casino de Saint-Gilles« , explique le prévenu à la barre. Après vérification auprès du casino, il apparait que les sommes ne correspondent pas.
« C’est la saisie la plus exceptionnelle sur une mule cette année »
Pour la procureur, « il s’agit d’une banalisation des imports devant le tribunal correctionnel« . Loin de croire leur belle histoire, le parquet soupçonne que le premier s’est laissé prendre pour que son complice puisse passer avec plus de quantité de cocaïne, tant le camouflage est grossier. « À elles seules, ces deux personnes représentent un tiers de la quantité saisie sur l’année 2022 ! Il faut empêcher cela comme on le peut », claironne la magistrate qui requiert 9 ans de prison avec maintien en détention et 600 000 euros d’amende douanière pour les deux prévenus. « C’est la saisie la plus exceptionnelle sur une mule cette année », conclut amèrement la procureure.
La défense du complice met en avant « son rôle secondaire » et insiste sur le fait qu’il est « un joueur de casino » pour justifier ses revenus alors qu’il est au RSA. « Je vous demande une peine plus juste car il n’a rien transporté« , plaide la défense. « On juge toujours les mêmes, jamais les têtes de réseaux« , ajoute la défense de la mule qui s’offusque que de telles quantités à corps aient pu passer au contrôle à Paris. « Des peines aussi fortes servent-elles à quelque chose ? Pourquoi La Réunion est-elle devenue une passoire ? », questionne l’avocat qui plaide pour « une peine plus juste » et insiste qu’ils « auraient dû être arrêtés à Paris ».
Les deux prévenus sont condamnés à 8 ans de prison et 400 000 euros d’amende
Les deux prévenus se connaissent également au niveau du casier judiciaire puisqu’ils ont été condamnés ensemble, à 7 ans de prison, par la cour d’assises pour viol et agression sexuelle en réunion en 2012.
Lors de son délibéré, le tribunal mentionne avoir tenu compte de cet état de récidive et de la quantité exceptionnelle transportée. Les deux prévenus sont condamnés à 8 ans de prison et 400 000 euros d’amende douanière. Ils sont maintenus en détention malgré les regrets exprimés lors de l’audience.