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Droit du sol : « Nous avons une conception très ouverte en France, mais pas adaptée à Mayotte »

Afin de ne plus rendre automatique l'accès à la nationalité française aux enfants nés à la maternité de Mamoudzou, la première de France, en termes de naissances, de parents en situation irrégulière, le Premier ministre Édouard Philippe a proposé le 8 mars dernier qu'un statut extraterritorial soit appliqué dans l'établissement hospitalier. Une solution "difficile à mettre en place" pour l'ancien déontologue de l'Assemblée nationale, Ferdinand Mélin-Soucramanien, qui propose à la place une dérogation du droit du sol à Mayotte "en se fondant sur l'article 73 de la constitution".

Ecrit par SI – le mardi 20 mars 2018 à 10H29

Est-il possible de donner un statut extraterritorial à la maternité de Mamoudzou comme l’a annoncé le 8 mars dernier le Premier ministre Édouard Philippe ?

Ferdinand Mélin-Soucramanien : Juridiquement cela n’est pas impossible, mais cela est très difficile à mettre en place car cela implique la signature d’une convention internationale avec l’Union des Comores, qui ne semble pas prête à négocier en raison du contentieux avec 1974-1975. Et quant à son efficacité, je me montre plutôt réservé sur cette proposition.

Qu’est-ce que « l’extraterritorialité » ?

C’est l’idée d’extraire d’un lieu donné l’application du droit national. C’est un statut de droit international qui permet par exemple à l’ONU d’avoir son siège à New York sans pour autant relever du droit américain. Dans le cas de Mayotte et de la maternité de Mamoudzou, l’idée pourrait être de ne pas appliquer le droit commun national à la maternité mais d’y appliquer un droit international.

Quelles solutions seraient pérennes selon vous ?

Nous savons tous que l’un des problèmes majeurs de Mayotte est l’immigration clandestine massive. Il y a une solution avancée par certains depuis longtemps, un peu diabolisée, mais qui à mon sens pourrait être envisagée, c’est de permettre à Mayotte de déroger à l’acquisition de la nationalité française grâce au droit du sol, une hypothèse évoquée pour la Guyane et qui pourrait être traitée de la même manière. Il faut diminuer l’attractivité de Mayotte concernant cette acquisition. Comment ? La règle dans le code civil prévoit d’acquérir la nationalité française en combinant droit du sol* et droit du sang*. En France, on combine les deux et c’est vrai que nous avons une conception très ouverte, mais pas adaptée à Mayotte. Je pense qu’il faudrait déroger le droit du sol pour Mayotte en se fondant sur l’article 73 de la constitution qui permet déjà au législateur d’adapter la loi nationale dans les départements et régions d’outre-mer « en tenant compte de leurs caractéristiques et leurs contraintes particulières ». D’ailleurs, il y a déjà eu des propositions de loi de députés mahorais, de droite et de gauche, qui vont dans ce sens, comme celui de Mansour Kamardine (Les Républicains, ndlr) en 2005 et celui du député socialiste Ibrahim Aboubacar en 2016.

Ce dernier avait déposé un amendement au projet de loi sur l’Egalité réelle qui allait dans même sens que Mansour Kamardine. Dans les deux cas, ils proposaient de modifier l‘article 27-1 du code civil pour prévoir que dans le département de Mayotte, « ces dispositions sont applicables lorsque l’un au moins des parents se trouve en situation régulière au moment de la naissance de l’enfant ». Actuellement, 40% des enfants qui naissent à la maternité de Mamoudzou viennent de parents en situation irrégulière et qui pourtant auront la nationalité française.

Que faudrait-il faire de plus ?

Il faudrait que le gouvernement continue de réfléchir à une stratégie globale de développement avec le gouvernement comorien sans isoler Mayotte. Il y aussi la question du développement de l’Union des Comores concernant les infrastructures. Si les femmes comoriennes viennent accoucher à Mayotte, ce n’est pas juste pour obtenir la nationalité française, mais aussi parce que les conditions sanitaires ne sont pas réunies aux Comores. Pour rappel, le PIB de Mayotte est 13 fois supérieur à celui des Comores.

*Droit du sang : quand on naît d’un parent ou de deux parents français.
*Droit du sol : quand on naît quelque soit la situation des parents sur le sol français.

 

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