Clap de fin pour le procès de Didier Robert, Jean-Louis Lagourgue, Vincent Bègue et huit anciens conseillers techniques et chargés de mission de l’ancienne mandature à la Région Réunion. Un procès hors normes pour cette affaire politico-judiciaire démarrée il y a trois ans avec un signalement fait par la Chambre régionale des comptes (CRC) au parquet de St-Denis suivi de l’ouverture d’une enquête préliminaire par le procureur de la République de l’époque. Hors-normes par la présence en tant que prévenu d’un ancien président de Région, un ancien sénateur et des collaborateurs de cabinet soupçonnés un temps d’avoir été recrutés pour faire de la politique et qui ont finalement été poursuivis pour avoir occupé des emplois fictifs le temps de leur passage au sein du cabinet de l’ex-homme fort de la pyramide inversée.
L’audience qui devait durer trois jours s’est achevée ce vendredi avec la plaidoirie des avocats de la défense qui ont tous plaidé la relaxe. De façon unanime, les robes noires ont dénoncé une enquête menée à charge, impartiale et incomplète et qui laisserait à désirer puisque la charge de la preuve est revenue à leur client et non pas à la partie poursuivante, une fois n’est pas coutume. Convoqués pour être entendus dans le cadre de l’enquête menée par les policiers de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales, l’OCLCIFF, certains des anciens collaborateurs de Didier Robert l’ont été sans qu’ils sachent ce qui leur était reproché ont décrit les conseils. Charge à leur client par la suite de démontrer qu’ils avaient réellement effectué les missions qui leur étaient confiées, une aberration du point de vue de la défense.
Après le déploiement des nombreux policiers dépêchés sur l’île pour réaliser leurs investigations, l’enquête a connu une phase dite de contradictoire où les avocats des mis en cause ont été invités à faire leurs observations. Tous les conseils ont expliqué au cours de leur plaidoirie qu’ils s’étaient appliqués à étoffer les dossiers de leur client avec des preuves. Celles-ci n’auraient pas systématiquement été prises en comptes par le parquet qui n’a pas changé son fusil d’épaule en décidant que tous les protagonistes auraient droit à un procès devant le tribunal correctionnel.
Soupçons d’emplois illégaux à la Région : « La fin ne saurait justifier les moyens »
Un procès qui laisse à ceux qui y ont assisté un goût amer, à l’image des réquisitions du parquet qui s’est montré peu offensif tout au long de l’audience, à l’instar du passage à la barre de Didier Robert à qui la procureure de la République n’a posé aucune question. Le tribunal qui s’est montré patient et très à l’écoute n’a pas non plus fait preuve de combativité, ce qui ne présage cependant en rien sa décision qui sera rendue le 21 mai prochain à 13h45.
D’ici là, le président du tribunal, Stéphane Duchemin et ses deux assesseures devront décider si Didier Robert a commis un détournement de fonds publics à hauteur d’1,5 million d’euros en faisant embaucher illégalement ces huit collaborateurs ainsi qu’une prise illégale d’intérêt s’ils estiment que le président a retiré un intérêt personnel dans ces embauches. Le tribunal va également examiner si les procédures de recrutement ont été transparentes et respectées. Ils devront apprécier si Jean-Louis Lagourgue a été complice de ce détournement présumé en apposant sa signature par délégation sur sept des huit contrats concernés et s’il a eu un quelconque intérêt dans l’arrivée au cabinet d’Yves Ferrières. Les magistrats devront ensuite se pencher sur le rôle de Vincent Bègue, fonctionnaire et ancien directeur du fameux cabinet. Enfin, les juges devront examiner le cas des ex-conseillers et chargés de mission et décider si oui ou non, ils ont occupé un emploi fictif. Des questions cruciales à quelques semaines des élections européennes, la défiance des citoyens avec le monde politique s’exprimant à travers des taux d’abstention préoccupants.
La Région, partie civile au procès, a demandé à ce que le million et demi d’euros correspondant au détournement reproché soit remboursé ainsi que les salaires indûment touchés.
Didier Robert n’en a pas fini avec les ennuis judiciaires puisque, selon toute vraisemblance, il pourrait être de nouveau appelé à la barre du tribunal correctionnel prochainement pour s’expliquer sur des indemnités de résidence (dites de séjour ou de logement) qu’il n’aurait pas dû toucher entre 2016 et 2019.
Indemnités de logement : Didier Robert jugé en correctionnelle dans quelques mois