« Il faut sauver le soldat Petite-Ile ». La formule imagée de Serge Hoareau résume le casse-tête auquel se retrouve confronté le maire de la commune rurale du sud. Tous les scénarios envisagés ramènent inexorablement la commune à opérer une cure drastique dans les mois à venir. Quitte à « déclarer l’année 2016 comme étant une année blanche, sans manifestation ni investissement », en vient même à envisager le maire.
Il y a un mois, Serge Hoareau a appris de la Civis que 720.000 euros allaient manquer à l’appel lors du vote de la prochaine dotation de solidarité communale (DSC). Une amputation sévère couplée à la baisse des dotations de l’Etat (280.000 euros) qui envoie la commune dans le mur, comme tant d’autres sur le territoire national.
« Sans la DSC, on ne passe pas ! »
« Les comptes de la commune flirtaient déjà avec la zone rouge depuis des années ». Mais « l’effet ciseau » a lieu dès cet exercice 2015 pour ne faire que s’amplifier à l’horizon 2017. Le différentiel recettes/dépenses de fonctionnement explose avec la défaillance des partenaires financiers. « Sans la DSC, on ne passe pas ! », prévient-il.
Après une embellie anecdotique de +14.000 euros d’épargne nette en 2014, « une goutte d’eau dans un verre vide », Petite-Ile s’apprête à décrocher lors de cet exercice en cours de l’ordre de -420.000 euros. Si les projections pessimistes se confirment, ce différentiel s’aggravera encore en 2016 et 2017 (1,7 million d’euros à chaque exercice budgétaire).
« Nous ne parlons là que des décisions réglementaires prises » (Etat/Civis, ndlr), poursuit Serge Hoareau. Son prédécesseur endosse aussi une part de responsabilité, indique le maire et conseiller départemental. « Ces choix (de 2010,11,12), nous sommes en train de les payer cash ». Serge Hoareau pointe du doigt notamment l’embauche de 33 CDD qu’il « compte ne pas renouveler » lorsque leur terme arrivera. Une économie non négligeable lorsque l’on a en tête l’une des lignes budgétaires de la commune : les 15 millions des dépenses réelles de fonctionnement sont constitués de pas moins de 10,5 millions rien qu’en charges de personnel.
« Aujourd’hui je ne sais plus comment faire »
Après le constat, les perspectives. Serge Hoareau est clair : hormis les CDD évoqués plus haut, « il sera difficile de toucher au personnel » dont l’évolution de carrière est telle qu’elle est, c’est-à-dire intouchable statutairement.
A la rentrée scolaire 2015, chaque repas consommé sera facturé 1,60 € au lieu d’1,30 €. L’école de musique verra ses tarifs passer de 240 euros à 550 euros annuels. Voilà pour les décisions déjà engagées.
D’autres pistes sont envisagées. Toutes douloureuses pour le contribuable à commencer par le premier levier, celui des trois taxes historiques. Le retour à l’équilibre passera aussi par la réduction des subventions versées aux associations, le non renouvellement des départs à la retraite, la révision du mode de gestion (en régie ou en DSP) de certaines prestations, voire la suppression de services facultatifs.
« Si nous étions une entreprise privée, nous serions mis en liquidation »
La rentrée supplémentaire de recettes pourrait s’articuler autour de l’augmentation des tarifs des services à la population, la revalorisation de l’occupation du domaine public ou encore la chasse aux fraudeurs (lire par ailleurs – article à venir). Mais l’apport de recettes nouvelles est à envisager avec prudence. Un exemple : rien n’empêche des parents de désinscrire leur marmaille de l’école de musique avec sa nouvelle grille tarifaire à la hausse.
Cette annonce en période de trêve a pour but d’alerter les partenaires de la commune. « Si nous étions une entreprise privée, nous serions mis en liquidation », sensibilise le maire qui dit ne pas entendre d’autres communes élever la voix. Seul le Département a parlé du non transfert financier mais « quelle action derrière ? » demande le maire. « Moi aujourd’hui je ne sais plus comment faire. Je tiens à alerter l’opinion publique. »
Serge Hoareau assure avoir adressé au président de la Civis un courrier dans lequel il demande à l’intercommunalité à ce que la baisse de la DSC soit lissée dans le temps. Toutes les communes membres sont touchées mais à des degrés divers. « Cilaos pleure, les Avirons pleure aussi, l’Etang-Salé peut absorber le choc, Saint-Pierre aussi ».
Ce jeudi après-midi, le maire rencontre son personnel communal pour tenir le même discours et préparer là aussi au discours de rigueur.