Il devrait se méfier de ses sensations premières, ce pauvre Ben. Comme de ne plus savoir qu’il a un bracelet électronique et, pire, ne plus le sentir à son paturon. Il aurait dû aussi ne pas oublier qu’il avait un compte débiteur avec la Justice. Il n’est pas du tout atteint d’Alzeimachin-là. C’est pire : il est un peu tête folle.
C’est pas sa faute : il oublie
Un gars bien sous tous rapports, le Ben. Grand, bien balancé, propre, dégingandé juste ce qu’il faut, poli et tout ça face à ses juges. Il a plutôt intérêt à se tenir peinard car son CV est copieusement chargé à 22 ans : 8 mentions dont les premières ont commencé au Tribunal pour enfants. Vols, violences aggravées, re-vols etc. Entre les condamnations avec sursis et les autres, plus fermes, il accumule déjà les séjours au Beachcomber de Domenjod… d’où il sortait avant de venir à l’audience.
C’est pas sa faute, il oublie. Comme les 110 heures de TIG (travail d’intérêt général) qu’on lui avait gentiment accordées pour lui permettre de bosser, jamais effectuées.« Ben… mwin la oublié ». Il n’a pourtant pas l’air d’un poisson rouge, comme ça.
Récemment, le JAP (juge d’application des peines) lui a accordé le port du bracelet électronique afin de lui permettre de travailler. Or, si le bracelet est un avantage consenti par les juges, cet engin diabolique est également bourré de duplicité : il vous empêche d’aller où vous voulez.
Autrement dit, votre périmètre de pérégrinations est plus restreint que la retraite des Vieux. Et si vous passez outre, l’alarme retentit chez les condés.
Car, légalement, c’est une évasion. Eh oui ! Cherchez pas, c’est une de ces subtilités dont la langue française a le secret.
« Pas 10 minutes ! Deux jours à boire… »
Or, les 20, 21 et 22 septembre, Ben va contrevenir aux obligations les plus simples. Si certains se débarrassent de ce système chafouin à coups de sécateur, lui il choisit plus simplement de l’ignorer. Ou de l’oublier. Dans la journée du 20 septembre 2019, c’était hier, il commence par s’enfiler une bouteille de vodka. Puis, les sens émoussés par l’alcool, donc ne « sentant plus » son bracelet, il quitte son domicile. Ce qui lui est formellement défendu ! Il ne devait porter son colifichet judiciaire que 6 mois et il ne lui restait pas grand-chose à tirer.
Bref, il passe trois jours et trois nuits à faire on-ne-sait-quoi. Lui-même n’en sait fichtre rien. Ah ! cette fichue mémoire à tiroirs !
Enfin, quand il dit avoir oublié… pas oublié tout, quand même. Par exemple, à un moment donné, il rentre chez lui et entend le téléphone rugir. Il décroche et reconnaît… la voix du JAP. Celle-là, il ne l’a pas oubliée. Pas folle, la guêpe : le ton ne lui suggère rien de bon. Ben raccroche au nez du JAP et ressort tranquillement de chez lui.
« La peste soit de votre incroyable distraction, s’est amusé le président Molié. C’est vrai qu’un bracelet électronique, c’est très confortable. Nous comprenons que vous l’ayez oublié ».
Ben n’a pas saisi l’allusion et a simplement répondu : « Mais oui ! J’ai pas fait attention ».
« Pas fait attention ? Mais c’est la deuxième fois quand même ».
La procureure Carniéllo a précisé que la distraction du prévenu n’était pas de 10 minutes : « Il est parti deux jours. Deux jours à s’alcooliser et faire n’importe quoi. Le juge l’appelle, il lui raccroche au nez et ressort de chez lui ! »
Quand un Juge a été gentil avec vous, faut pas lui gratter les poils dans les roustons. Il n’appréciera que très modérément.
Et la procureure de réclamer 2 mois fermes à son encontre. Réquisition suivie par le tribunal.
Deux mois de plus que son total habituel. Et sans bracelet électronique cette fois : on n’en a guère besoin à Domenjod.