C’était l’un des points forts de la campagne du candidat Macron : l’obligation d’un casier judiciaire B2 vierge pour tous les candidats à des élections. Et sans doute l’un des arguments qui avaient poussé nombre d’indécis à voter pour lui.
Lundi soir, les députés ont enterré cette exigence lors de l’examen du projet de loi sur la moralisation de la vie publique car, selon la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, cette mesure comportait « un risque d’inconstitutionnalité ».
Il s’agit, à n’en pas douter, d’une erreur monumentale qu’Emmanuel Macron risque de payer cher dans les prochains sondages car même si les députés ont voté une « peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité en cas de manquement à la probité », cette notion plus floue et plus difficile à cerner risque de ne pas être ressentie de la même façon par le citoyen électeur.
Tout ce qu’il retiendra, c’est qu’Emmanuel Macron a été capable d’exiger de ses candidats aux législatives un casier judiciaire vierge pour pouvoir bénéficier de l’investiture de son parti mais qu’une fois élu, il accepte l’idée qu’une mairie ou une autre collectivité puisse être dirigée par un condamné alors même que ses employés, fonctionnaires, ont eux dû produire ce fameux casier vierge pour être embauchés.
Tout comme ceux de près de 396 autres professions où un casier judiciaire vierge est exigé sans que personne n’ait jamais soulevé un quelconque risque d’inconstitutionnalité…
Si l’on va au bout des choses, un Thierry Robert par exemple qui s’était vu refuser l’investiture du parti En Marche du fait d’une condamnation passée, aurait-il pu attaquer cette décision en raison de son inconstitutionnalité?
De nombreux spécialistes de Droit constitutionnel réfutent ce risque d’inconstitutionnalité. Mais même si cela était avéré, il aurait mille fois mieux valu qu’Emmanuel Macron prenne le risque de faire voter sa loi, quitte à ce qu’elle soit censurée par le Conseil constitutionnel. Il aurait alors eu beau jeu d’expliquer aux Français que ce n’était pas de sa faute, qu’il avait tenu sa promesse mais que c’étaient les Sages qui l’avaient censuré. Et alors seulement, il aurait proposé un autre projet de loi prévoyant la fameuse peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité en cas de manquement à la probité.
C’est Richard Ferrand, le président du groupe La République En Marche à l’Assemblée nationale, qui a pris l’initiative de cet amendement supprimant l’obligation de produire un casier judiciaire vierge. Est-ce parce qu’il craint de se voir prochainement condamné dans l’affaire de l’immeuble loué dans des conditions particulièrement favorables par la mutuelle dont il était le directeur à sa femme? Et qu’il a préféré ainsi prendre les devants en faisant disparaitre cette épée de Damocles au dessus de sa tête?
Dans la version adoptée en première lecture par les députés, il est prévu de rendre inéligibles les personnes qui n’en sont pas dignes en raison de manquements à la probité. Sont notamment prévus « les faits de discrimination, injure ou diffamation publique, provocation à la haine raciale, sexiste ou à raison de l’orientation sexuelle« . Le gouvernement a aussi inclus des éléments venus du Sénat sur les délits de harcèlement et de violences sexuelles, ainsi que d’autres propositions MoDem sur le recel de délits boursiers.
Notons également au passage l’abandon par les députés d’En Marche de la mesure interdisant d’exercer de façon « concomitante » un mandat d’élu et une activité de conseil…