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Une pauvreté marquée dans les DOM, notamment en Guyane et à Mayotte

L'Insee dévoile ce mercredi son dernier comparatif concernant la pauvreté dans les DOM et en France hexagonale pour l'année 2017. On y apprend que les Ultramarins ont globalement un niveau de vie plus faible qu'en métropole et que les inégalités sont plus marquées, notamment en Guyane et bien plus encore à Mayotte. Si le taux de pauvreté monétaire au seuil national est deux à quatre fois plus élevé dans les DOM historiques (Guyane, Guadeloupe, Martinique et La Réunion) qu’en France hexagonale, et cinq fois plus à Mayotte, la proportion des prestations sociales dans le revenu des ménages est-elle "sensiblement" plus forte qu'en métropole indique l'institut.

Ecrit par Christelle Boyer – le mercredi 01 juillet 2020 à 16H57

Dans les départements d’outre-mer (DOM), le niveau de vie des habitants est globalement inférieur à celui de la population métropolitaine (figure 1). En 2017, en Martinique et en Guadeloupe, le niveau de vie médian, qui partage la population en deux parties égales, se situe respectivement à 1 360 et 1 310 euros mensuels. Cela correspond à des revenus disponibles de 2 870 et de 2 760 euros par mois pour un couple avec deux enfants de moins de quatorze ans.

Ces niveaux de vie médians sont inférieurs de 20 % et 23 % à celui observé en France métropolitaine (1 700 euros par mois). Celui de La Réunion (1 160 euros mensuels) est inférieur d’un tiers au niveau de vie médian de métro- pole et celui de la Guyane de moitié (920 euros). À Mayotte (260 euros), il ne représente qu’un sixième de la valeur métropolitaine.
En bas de la distribution des revenus, le niveau de vie plafond des 30 % les plus modestes est proche aux Antilles et à La Réunion et se situe environ un tiers en deçà de celui de la métropole.

Pour la Guyane, il lui est inférieur de plus de 50 %. Trois personnes sur dix ont un niveau de vie inférieur à 950 euros par mois aux Antilles, 850 euros à La Réunion et à 640 euros en Guyane, contre 1 340 euros en métropole. Les écarts se réduisent en revanche pour les hauts revenus. Les 10 % des personnes les plus aisées ont un niveau de vie supérieur à 2 800 euros par mois dans les DOM historiques (Guadeloupe, Martinique, Guyane et La Réunion), comme en métropole. Mayotte se démarque : seuls 10 % des habitants perçoivent plus de 1 800 euros par mois et 3 % plus de 3 000 euros par mois.

 

De fortes inégalités de niveau de vie en Guyane et à Mayotte

Conséquence de niveaux de revenus très faibles dans le bas de la distribution, les inégalités de niveaux de vie sont plus prononcées dans les DOM qu’en métro- pole. Elles sont exacerbées à Mayotte, où une partie de la population ne dispose d’aucun revenu stable (cf. infra). Les inégalités les plus fortes concernent ensuite la Guyane, puis viennent les Antilles et La Réunion, où elles sont un peu moins marquées. Cette hiérarchie entre les DOM historiques reste la même, quel que soit l’indicateur considéré.

Aux Antilles et à La Réunion, les personnes sous le niveau de vie médian, soit la moitié de la population, disposent de 27 % de l’en- semble des niveaux de vie. Les 20 % les plus aisées en disposent de plus de 40 %, soit entre 5,4 et 5,9 fois plus que les 20 % les moins dotées (S80/S20) (figure 2). En Guyane, les inégalités sont plus marquées. Les individus sous le niveau de vie médian ne détiennent que 21 % de l’ensemble des niveaux de vie. Les 20 % les plus aisés en détiennent 47 %, soit 10,5 fois plus que les 20 % les plus pauvres. À Mayotte, la valeur extrême de cet indicateur témoigne du très faible revenu des plus défavorisés, parmi lesquels une population immigrée nom- breuse, souvent de nationalité étrangère et en situation irrégulière.

Les habitants des DOM plus exposés à la pauvreté

Les niveaux de vie y étant faibles, la pauvreté est plus répandue dans les DOM qu’en métropole (figure 2). Calculé en référence au niveau de vie médian national, le taux de pauvreté monétaire s’élève à un tiers en Guadeloupe et en Martinique, contre 14 % en métropole. Est ainsi considérée comme pauvre en 2017 une personne seule qui vit avec moins de 1 010 euros par mois, 1 515 euros par mois pour un couple sans enfant ou 2 120 euros par mois pour un couple avec deux enfants de moins de 14 ans. La pauvreté est encore plus marquée dans les autres DOM : elle touche quatre personnes sur dix à La Réunion, une sur deux en Guyane et trois quarts des Mahorais. En métropole, seul le département de la Seine-Saint-Denis est confronté à un taux de pauvreté proche de ceux des DOM (28 %).
16 % à 23 % d’individus sous le seuil de pauvreté local dans les DOM historiques.

La pauvreté est une notion relative qui peut aussi se définir en fonction de la situation socio-économique de l’environnement territorial de résidence immédiat. Le taux de pauvreté au seuil « local » (encadré 2), fixé à 60 % du niveau de vie médian du département (et non pas national), permet de repérer les décrochages au sein du terri- toire considéré.

Aux Antilles et en Guyane, une personne sur cinq vit en dessous de ce seuil de pauvreté local, qui s’établit à 820 euros mensuels en Martinique, 790 euros en Guadeloupe, mais seulement 550 euros en Guyane (contre 1 020 euros pour le seuil métropolitain) (figure 2). À La Réunion, avec un seuil de 700 euros par mois, c’est le cas de 16 % de la population. Mayotte se démarque : quatre habitants sur dix vivent en dessous du seuil de pauvreté local, malgré la faiblesse de celui-ci (160 euros mensuels).

Ces personnes pauvres sont dans des situations financières très précaires. Elles sont fréquemment sans emploi, pas ou peu diplômées et sont surreprésentées dans les familles monoparentales et parmi les personnes vivant seules.
 

 

Les chômeurs durement touchés

La structure de la population et l’environne- ment économique propres à chaque territoire renforcent leur exposition à la pauvreté. Les caractéristiques des personnes pauvres dans les DOM sont les mêmes qu’en métropole, mais à des niveaux d’intensité souvent plus élevés. Les personnes vivant dans les ménages dont la personne de référence est sans emploi (chômeur ou inactif) sont les plus fortement touchées par la pauvreté, quel que soit le seuil considéré, national ou local. Au moins 80 % d’entre elles ont un niveau de vie inférieur au seuil national de pauvreté aux Antilles et à La Réunion, 93 % en Guyane et la quasi- totalité à Mayotte. Les ménages dont la per- sonne de référence est en emploi ne sont pas pour autant à l’abri de la pauvreté monétaire, même s’ils sont moins touchés (de – 12 points par rapport à la moyenne en Guadeloupe à – 25 points en Guyane). Les retraités ont un taux de pauvreté proche de la moyenne, hormis en Guadeloupe et en Guyane où il est plus modéré.

Les écarts de pauvreté selon le diplôme sont particulièrement marqués dans les DOM. Moins de 10 % des personnes vivant dans un ménage dont la personne de référence est diplômée du supérieur sont pauvres. À l’inverse, près de la moitié des peu ou pas diplômés sont pauvres au seuil national aux Antilles, et ce taux atteint 59 % à La Réunion, 77 % en Guyane et 91 % à Mayotte. Autre constante dans tous les DOM, comme en métropole, la pauvreté est plus fréquente pour les ménages jeunes, dont la personne de référence a moins de 35 ans.

Les familles monoparentales sont les plus exposées à la pauvreté. Cette précarité est due au fait que le parent isolé, souvent la mère, assure fréquemment l’intégralité des revenus du ménage ; elle est renforcée par une situation sociale souvent fragile, le parent étant plus souvent sans emploi ou peu diplômé que dans les autres types de ménages. Les ménages complexes (ménages comportant plusieurs familles, plusieurs générations…) sont plus touchés par la pau- vreté en Guyane et à Mayotte, département où ils sont les plus nombreux. À l’opposé, les couples avec enfants ont des taux infé- rieurs à la moyenne, de 4 à 13 points selon les départements. Ce sont les couples sans enfant qui ont le risque de pauvreté moné- taire le plus faible, dans tous les DOM, comme en métropole.
 

 

Les bas revenus fortement dépendants des prestations sociales

Dans les DOM historiques, les prestations sociales non contributives (distinctes de celles accordées en contre partie de cotisa- tions, comme les allocations chômage, les pensions de retraite, etc.) représentent plus de la moitié du revenu disponible des 20 % des ménages les plus modestes. Cette part atteint même 70 % en Guyane (figure 3). La part de ces prestations sociales diminue quand on monte dans l’échelle des niveaux de vie : au-delà du 3e quintile, elles entrent peu en compte dans la composition du revenu. Les prestations amortissent les inégalités, même si elles ne suffisent pas à éviter le décrochage des plus pauvres.

À Mayotte, malgré des revenus très faibles, les prestations sociales pèsent assez peu dans le revenu disponible, notamment pour les plus pauvres, en grande partie des étrangers : le RSA et les allocations familiales ne sont pas accessibles à la population étrangère non régularisée ou régularisée depuis moins de 15 ans. Ainsi, seules 16 000 personnes bénéficient du RSA à Mayotte en décembre 2018, soit 6 % de la population, contre 24 % dans l’ensemble des autres DOM. De surcroît, malgré les rattrapages de ces dernières années, le niveau des prestations sociales y reste inférieur à la métro- pole (par exemple, ‒ 50 % pour le RSA). De ce fait, ces prestations ont un effet plus marqué sur le taux de pauvreté au seuil local que sur le taux de pauvreté défini en référence au revenu médian national. Les prestations sociales et les impôts ne font baisser le taux de pauvreté au seuil national que de 1 point à Mayotte, contre 7 points en métropole et environ 10 points dans les autres DOM.

De nombreux enfants vivent au sein d’un ménage pauvre

Les enfants de moins de 18 ans sont davantage touchés par la pauvreté que les adultes : 8 enfants sur 10 à Mayotte, 6 sur 10 en Guyane, près de 5 sur 10 à La Réunion et de 4 sur 10 dans les Antilles vivent dans un ménage en situation de pauvreté monétaire. C’est en Guyane que l’écart entre le taux de pauvreté des enfants de moins de 18 ans et celui de l’ensemble de la population est le plus grand : 9 points. Il atteint 6 points à La Réunion et en Guadeloupe, comme en métropole. Il est légèrement inférieur en Martinique et à Mayotte (respectivement 4 et 3 points).

La pauvreté des enfants dépend fortement de la situation de leurs parents sur le marché du travail. Dans les DOM, pour plus de la moitié des enfants pauvres, aucun de leurs parents n’est en emploi et pour un tiers, un seul de leurs parents travaille. La situation familiale influe aussi : les enfants pauvres vivent plus souvent dans des familles monoparentales, particulièrement aux Antilles. En Guyane, à La Réunion et à Mayotte, ils sont aussi sur- représentés dans les ménages complexes.

 

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