L’avocat du jeune policier a donné des nouvelles de son client mis en examen ce mercredi pour homicide volontaire après avoir ouvert le feu sur les occupants d’un véhicule qui forçait un contrôle de police sur le Pont-Neuf à Paris dimanche dernier vers 23H.
« C’est insupportable »
« Il a fait ce que l’on appelle la rencontre morbide. Il a rencontré la mort, il a rencontré sa propre mort, il a imaginé la mort de sa collègue (traînée sur plusieurs mètres par la voiture des fuyards, ndlr). Il a vu des images qui sont terrifiantes (…) et ensuite il a vu deux juges d’instruction qui lui ont dit : ‘tu es un meurtrier’. Pour un policier qui est entré dans la police avec la volonté de défendre les gens, c’est insupportable », a souligné son avocat.
Les deux hommes tués par balle sont deux frères connus de la justice pour trafic de stupéfiants. Ils occupaient les places du conducteur et celle du passager avant. Sur la banquette arrière avait pris place un client qui a été quant à lui blessé par le fusil d’assaut dont le policier était équipé dans le cadre de la menace terroriste.
La légitime défense n’a donc pas été retenue pour le moment mais son avocat ne désespère pas que cette qualification change au fil du développement de l’enquête.
« La qualification n’est pas très pertinente. Le policier qui fait usage de son arme pour se défendre d’une situation de danger ne veut pas tuer. Il veut arrêter, stopper. Il n’a pas une volonté d’homicide, son but est de se protéger lui ou de protéger autrui (…) C’est un prisme par lequel les magistrats prennent le dossier. Ça montre que les magistrats estiment que les tirs sont illégitimes, en tout cas certains d’entre eux. Il n’y a pas lieu de s’exciter ou de s’énerver car la qualification est évolutive. Donc peu importe la qualification retenue au départ, ce qui m’importe c’est la qualification retenue à la fin de l’instruction, dans plusieurs années. On a le temps. Il n’y a pas lieu de s’exciter ou de s’énerver contre les qualifications »
, a-t-il tempéré pour appeler au calme après l’annonce d’une manifestation ce lundi.Le syndicat Alliance Police a fait part de son intention d’organiser un rassemblement ce 2 mai devant la fontaine Saint-Michel face au tribunal de Paris en soutien à leur collègue.
Selon Me Liénard, ce type de manifestation risque de jeter de l’huile sur le feu alors qu’« il faut respecter l’institution judiciaire », a-t-il estimé tout en émettant une critique plus globale : « il faut constater que c’est aujourd’hui une machine à broyer les gens. Il y a certainement de grosses réformes, des réformes de fond sur le traitement judiciaire des affaires de police car je considère que les policiers sont traités comme des délinquants et que ça ne va pas. Ce n’est pas possible dans un état de droit. Il faut respecter le travail de police, il faut comprendre la psychologie du policier quand il va travailler. Il ne va pas monter au braquage. Son but n’est pas de tuer des gens et de braquer des banques, son but c’est d’assurer la sécurité des gens… »
Son client, un policier originaire de La Réunion, est âgé de 24 ans. Après avoir obtenu son concours, le policier stagiaire était affecté au sein d’une compagnie chargée d’assurer la sécurité sur l’Île de la Cité à Paris. En février dernier, il s’était illustré en plongeant dans la Seine pour sauver une femme de la noyade alors qu’elle tentait de se suicider.
Coïncidence, Me Liénard se trouve à La Réunion en ce moment puisqu’il assure la défense du policier portois accusé d’avoir tiré au lanceur de balles de défense (LBD) sur le jeune Steeve durant les émeutes de 2014 dans la cité portoise. Nous l’avions interrogé lundi dernier à la cour criminelle de Saint-Denis.