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Entretien – Le ciel de la SAPHIR s’éclaircit avec la vente d’eau brute aux fermiers, plus lucrative et régulière

110 techniciens de la SAPHIR veillent à la bonne distribution de l’eau brute vers 16.000 hectares de terres agricoles à La Réunion, principalement dans le sud de l'île, son coeur historique. Malgré son nom, la Société d’Aménagement de Périmètres Hydroagricoles de l’Ile de La Réunion se déporte petit à petit sur le terrain de la distribution de l’eau brute aux fermiers ensuite transformée en eau potable à destination des populations. Une manne bien plus rentable et plus régulière que la vente d'eau brute aux agriculteurs. La société d’économie mixte n’est-elle pas en train de dévier de sa mission initiale ? Son directeur Philippe Lorion a répondu à toutes nos questions en transparence, tout d'abord en reconnaissant que la vente d'eau brute aux fermiers était plus profitable que la vente d'eau brute aux agriculteurs, et même au point de reconnaître quelques largesses sur l'utilisation des équipements mis à disposition par le Conseil départemental.

Ecrit par 1639 – le jeudi 03 novembre 2022 à 09H41

Combien d’abonnés comptez-vous sur chacun des périmètres d’irrigation ?

On dessert aujourd’hui 3 périmètres. Le périmètre sud résulte de la fusion du périmètre du Bras de la Plaine et du Bras de Cilaos. Le périmètre du Bras de la Plaine est à l’origine de notre histoire puisque ça a commencé en 1969 avec la SABRAP. Le périmètre ouest c’est depuis 2017 avec la reprise de l’irrigation du littoral ouest et un petit périmètre que nous avons en gestion aussi en prestation de service du côté de Champ borne à Saint-André. Sur ces périmètres – nous on parle en « branchements » mais on peut aussi parler en « abonnés » – il y a environ 3400 abonnés sur le sud, 1100 sur l’ouest et puis 160 abonnés sur Champ borne.

Quelle est la part des agriculteurs sur chacun des périmètres ?

Là-dessus essentiellement que des agriculteurs. A peu près 2600 sur le sud, environ 800 sur l’ouest et 160 sur Champ Borne, c’est-à-dire que la quasi totalité de nos abonnés sont des agriculteurs dans l’Est. 

Alors il faut savoir que ce sont des abonnés agricoles « professionnels ». Pourquoi est-ce que je fais la distinction entre abonné professionnel et abonné « classique » ? C’est parce que nos abonnés professionnels bénéficient d’une tarification au mètre cube avantageuse mais par contre il faut justifier de son activité professionnelle comme avoir la carte Amexa (l’assurance maladie des exploitants agricoles, ndlr) et un certain nombre de documents pour pouvoir bénéficier de cette tarification. 

Sinon, nous avons à peu près 740 abonnés « non professionnels » ou quelques industriels aussi qui bénéficient de points de livraison de la SAPHIR, quelques abonnés « espaces verts » également et bien sûr les abonnements des fermiers intercommunaux car maintenant il ne faut plus parler en « communes » mais en « intercommunalités » car la compétence a été transférée au 1er janvier 2020. Nous livrons de l’eau brute à RUNEO, à SUDEAU, à l’ensemble des fermiers communaux. Cette eau brute n’est pas potabilisée. A charge au fermier de potabiliser l’eau car nous, nous livrons une eau brute. 

Qui sont les abonnés « espaces verts » ?

On a la possibilité dans nos contrats de proposer des contrats « espaces verts », notamment aux collectivités ou aux aménageurs par exemple. Si le réseau SAPHIR passe à proximité d’une zone qui peut être livrée en eau brute – plutôt que la commune utilise de l’eau potable pour arroser les espaces verts – on propose un tarif privilégié. Alors pour nous c’est intéressant puisque le tarif est bien plus important que le tarif qu’on propose aux agriculteurs. Mais pour la commune aussi ça a beaucoup d’intérêt puisque, un, ça permet de ne pas utiliser de l’eau potabilisée, et deux, ça leur permet d’avoir accès à un contrat à un prix avantageux. 

Comment se passe la transition des communes vers les interco ?

La CASUD par exemple a déjà transféré depuis un moment la compétence eau. On a moins de liens avec les communes de l’ouest même si on livre au Port et à la Possession via le point de livraison de Pichette. Mais ces villes n’étaient pas actionnaires historiques de la SAPHIR. La seule qui était actionnaire sur le territoire du TCO, c’est Saint-Leu. Et puisque la commune a déjà délibéré sur cette question, on préconise à la commune de vendre leurs actions SAPHIR à leur intercommunalité de façon à ce que ça soit l’intercommunalité qui soit l’interlocuteur de la SAPHIR et que nous soyons au plus proche des possibilités éventuelles de partenariat avec l’intercommunalité TCO. Ça c’est en cours (ndlr : réponse apportée en milieu d’année 2021). Évidemment ça représente quasiment rien puisque Saint-Leu n’a que 4 actions au sein de la SAPHIR donc la représentation de Saint-Leu est vraiment homéopathique mais malgré tout, c’est plus logique que ça soit l’intercommunalité qui soit actionnaire que Saint-Leu puisque la ville perd sa compétence eau. C’est un sujet stratégique sur lequel on travaille aujourd’hui avec le TCO.

Quelle est l’évolution du nombre des autres profils d’abonnés (collectivités, espaces verts, usages agricoles non professionnels) ? Le sens de l’histoire va-t-il vers un éclatement des usages ? 

Il n’y a pas d’éclatement à proprement dit. Ce que l’on peut constater par contre c’est que la population de la clientèle « agricole » – et en tout cas le volume d’eau qui est livré aux agriculteurs – a tendance à baisser. Alors il y a plusieurs raisons qui peuvent justifier ça. Et notamment ça se vérifie surtout dans le sud plus que dans l’ouest. On a une courbe d’évolution des ventes d’eau agricole qui est en baisse. Je l’explique par un certain nombre de phénomènes. Le premier à mon sens c’est une urbanisation qui, aujourd’hui, a tendance à prendre sur les terres agricoles. 

Deuxième explication peut-être, c’est qu’il y a aujourd’hui une optimisation de la consommation d’eau par parcelle puisque les agriculteurs ont la possibilité d’avoir des outils de gestion de leur consommation en eau avec de la télégestion, du goutte à goutte et de la technicité qui leur permettent de moins consommer d’eau à la parcelle. Tout cela participe à une gestion raisonnée de la consommation d’eau.

Donc une tendance plutôt à la baisse que je nuancerais malgré tout car nous sommes aujourd’hui sur des extensions de périmètres. Nous conduisons une opération pour le compte du Département avec des extensions de périmètres notamment dans le sud, sur Mont Vert Petite île, sur les hauteurs de Saint-Louis, sur les hauteurs de l’Etang Salé, sur chemin Stéphane (entre le Tampon et Saint-Pierre). Et ces extensions de périmètres vont peut-être nous permettre de repartir sur un certain nombre d’agriculteurs potentiels. L’inconvénient pour nous c’est que ces secteurs sont sur les hauteurs, et qui dit hauteur dit « remontée de l’eau » et donc une facture énergétique progressive.

Sinon, on va dire que le volume des interco via leur fermier est plutôt en progression, et c’est bien pour nous. C’est aussi le résultat d’un gros travail que l’on mène déjà depuis 5, 6 ans avec les différentes communes. Je rencontre systématiquement les maires pour les inciter à acheter de l’eau en gravitaire à la SAPHIR plutôt que d’utiliser les nappes phréatiques. 

On a fait un gros travail avec Saint-Pierre, on a fait un gros travail avec le Tampon. On est aussi sur des actions avec le TCO. Et c’est vrai qu’aujourd’hui cet axe du chiffre d’affaires est en progression et nous permet de voir l’avenir plus sereinement.

Vous venez de citer le TCO, est-ce que vous vous substituez aux régies communales des eaux (comme La Créole pour Saint-Paul) ou aux délégataires des services publics ? 

Non, pas du tout. On n’a absolument pas vocation à se substituer aux fermiers. Chacun est compétent dans son domaine d’activité. Les fermiers, il s’agit pour eux de livrer l’eau potable et de gérer les réseaux intercommunaux. Nous, nous captons l’eau dans les rivières et on l’achemine sur des points de livraison.

Pour en revenir au TCO et à sa régie intercommunale La Créole, il n’est pas question pour nous de se substituer à La Créole. Par contre on souhaiterait que La Créole achète plus d’eau avec nous. Quand on compare une commune comme Saint-Paul, c’est à peu près 1,5 million de mètres cube d’eau vendue par année alors que Saint-Pierre on est à 10 à 12 millions de m3. Donc vous voyez le potentiel que peut avoir une commune comme Saint-Paul et c’est ce qu’on souhaiterait faire comprendre à l’intercommunalité TCO : inciter sa régie à acheter plus d’eau avec le basculement de l’eau et des points de livraison de l’ouest. Sachant que notre plus gros point de livraison dans l’ouest concerne le Port et la Possession via le point de livraison de Pichette qui représente 4 millions de m3. Ça donne une idée du chemin qui reste à faire dans le partenariat à mettre en oeuvre avec Saint-Paul. On espère être entendu avec la nouvelle gouvernance (ndlr : réponses apportées en milieu d’année 2021).

Tous périmètres confondus, quel est l’usage qui domine aujourd’hui ?

Il y a 50% en agricole et 50% en eau brute à destination des fermiers en termes de volume. Par contre, en termes de chiffres d’affaires ce n’est pas la même chose car les prix ne sont pas les mêmes. Le mètre cube d’eau vendu à l’agriculteur est moindre que le mètre cube d’eau vendu au fermier.

Au final, dans la balance, est-il préférable d’avoir plus d’agriculteurs ou plus de fermiers ?

Forcément, si je prends la casquette de chef d’entreprise que je suis…

Oui, c’est la casquette commerciale évidemment. L’eau agricole c’est combien de centimes ?

C’est 0,09 centimes du m3, ce n’est pas un secret d’Etat alors qu’on est à 0,18 centimes pour le prix de l’eau brute. Vous voyez tout de suite la différence. Mais, au-delà de la possibilité d’avoir un meilleur chiffre d’affaires sur la vente d’eau brute, avec les fermiers intercommunaux vous n’avez aucun souci de paiement.  

En effet, même si ça tarde, ça finit par payer…

On a quand même l’assurance d’être payé de la part d’un fermier communal (et désormais intercommunal, ndlr). On est à 100% de paiement sur les fermiers intercommunaux, avec des paiements qui sont réguliers. Ce qui n’est pas tout à fait le cas du monde agricole. Mais il faut savoir malgré tout que nous avons mis en place une politique rigoureuse de recouvrement à la SAPHIR avec ce que l’on appelle des « comités des risques ». On évalue sur chaque poste de chiffre d’affaires potentiel la difficulté de recouvrement.

Et aujourd’hui sur notre activité de recouvrement « clients agricoles », on est à 95% de recouvrement. Mais ça demande une énergie considérable. Ça demande un suivi rigoureux. Et ça demande aussi un accompagnement du monde agricole à travers des modalités de paiement comme des paiements échelonnés etc. Mais avec l’écoute et l’accompagnement, on arrive à avoir des impayés homéopathiques.

Dans chaque périmètre, quelle est la part d’agriculteurs spécialisés en canne et la part d’agriculteurs spécialisés en maraîchage ? 

C’est plutôt à la direction agricole du Département d’y répondre, soit la Chambre d’agriculture, soit la DAAF. Je peux vous dire à la louche : 65% filière canne et 35% autres filières (maraîchage, élevage). 
 
Vous apportez la matière, après peu importe l’usage finalement ?

Evidemment ça nous intéresse quand même un peu de le savoir même si ce n’est pas la finalité pour nous. Et puis c’est quelque chose qui bouge énormément. La mono culture « canne à sucre » a plutôt tendance à se réduire au profit de cultures mixtes type maraîchage ou canne à sucre/maraîchage ou canne à sucre/élevage. Tout cela bouge dans le temps et l’incertitude de la filière canne a amené un certain nombre d’agriculteurs à se tourner vers la banane par exemple, l’ananas Victoria, l’oignon… donc il y a une vraie diversification des possibilités de culture aujourd’hui et c’est très difficile de suivre les statistiques par rapport à cette évolution.

En 2019, la vente d’eau brute fournit à elle seule 63% des recettes de l’exercice 2019 de la SAPHIR sur le périmètre ouest et 80% sur le périmètre sud. D’où proviennent les autres recettes de la SAPHIR ? Du volet ingénierie ? Est-ce qu’au-delà de la mission historique de la SAPHIR, la partie outillage, avec vos magasins, occupe une place de plus en plus importante dans votre chiffre d’affaires ?

Il faut savoir que notre chiffre d’affaires sur les ventes en irrigation « eau brute » sur l’ensemble des périmètres ça représente grosso modo 10 millions d’euros de chiffre d’affaires. 

Ensuite on a effectivement une diversification à travers nos points de vente agricole. On en a trois maintenant puisqu’on a ouvert un point de vente sur l’Est. Et l’ensemble de ces magasins représente un chiffre d’affaires de 2,5 millions d’euros.

Après, nous intervenons aussi sur le réseau lors des casses, des commandes de particuliers pour remettre en état les routes et aussi de l’accompagnement d’irrigation à la parcelle. Nous vendons aussi nos prestations d’équipement d’irrigation. Tout cela représente grosso modo à peu près 600.000 euros de chiffre d’affaires. 

Et effectivement nous avons notre département ingénierie qui prend de plus en plus d’importance avec des opérations qui sont suivies en conduite d’opération soit sous la forme de maîtrise d’ouvrage mandatée soit sous forme d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour le compte de la collectivité départementale. Ce volet représente à peu près 600 à 700.000 euros de chiffre d’affaires annuel. 

Et on souhaite évidemment étendre la part de cette direction ingénierie dans notre activité. Nous avons par exemple suivi les travaux du Bras de la Plaine en maîtrise d’ouvrage mandaté du Département. Le captage du Bras de la Plaine a été refait depuis deux ans. Ce chantier était particulièrement complexe avec évidemment une difficulté technique mais pas que. Il y avait aussi énormément de difficultés environnementales, de la continuité de la faune, de la flore, des soucis de dévalaison, de remontaison de la faune aquatique. Nous avions aussi la contrainte de la présence de colonies de salanganes et en plus, les contraintes pour la piste afin d’accéder au chantier. Voilà un exemple typique d’opération qui a été conduite en maîtrise d’ouvrage mandaté par la SAPHIR pour le compte du Département et qui était à mon sens une très très belle réussite collective puisque l’on a travaillé bien sûr en étroite collaboration sur le sujet. 

Un chantier salué par la visite de la secrétaire d’Etat

En effet, la secrétaire d’Etat à la biodiversité, Mme Abba, a souligné toute la difficulté d’un tel chantier. Et on est sur d’autres opérations. Je pense à l’extension de Dassy avec le deuxième réservoir. On a reçu la visite du président du Département. 20.000 m3 supplémentaires sur Dassy qui vont permettre de renforcer la capacité de stockage du réservoir actuel qui est de 10.000. Ce qui va nous permettre d’avoir 30.000 m3 de réserve pour l’eau brute sur le secteur. C’est vraiment un site stratégique qui est en train de se mettre en place. Et puis il y a d’autres opérations comme MEREN qui est un magnifique projet dans l’Est. 

Historiquement, vous agissez pour le compte du Département mais est-ce qu’au fil des  années, vous proposez des prestations d’ingénierie pour le compte d’opérateurs privés ? 

Non, on travaille exclusivement pour le compte de notre autorité déléguante, donc le Département de La Réunion. Ce qui nous conforte aussi dans le fait que l’on puisse prétendre au contrat in-house (ou « quasi-régie, ndlr). Pour cela évidemment, on doit respecter un certain nombre de critères pour pouvoir obtenir la possibilité de passer des contrats in-house. Et donc à ce titre-là on s’interdit de passer des contrats in-house avec d’autres collectivités déjà, même si elles sont actionnaires de la SAPHIR. Rien ne nous l’interdirait mais malgré tout on préfère le faire avec l’actionnaire majoritaire qui détient 80% des actions, de façon à ne pas envisager d’ambiguïté sur la notion de possibilité de passer des contrats in-house. 

Ce qui ne nous empêchera pas d’évoluer vers la possibilité de répondre à des appels d’offres classiques, sur d’autres opérations. Aujourd’hui, je pense qu’on a une direction avec un certain nombre de compétences – on a recruté des ingénieurs qui sont, dans leur domaine, des experts – et permettant peut-être de répondre en appels d’offres classiques sur des opérations pour le compte de la CIVIS ou pour le compte du TCO ou de la CASUD. 

C’est déjà un peu le cas avec le deuxième réservoir du site de Dassy non ? La CIVIS projette d’utiliser ce réservoir pour la population saint-pierroise ?

Le réservoir que nous utilisons est un ouvrage départemental, c’est l’ouvrage historique de Dassy. Le deuxième réservoir qui est en cours de réalisation est un ouvrage départemental également. 

Par contre la CIVIS, à côté de nos infrastructures, est en train de mettre en oeuvre aujourd’hui son usine de potabilisation qui va permettre, derrière, de livrer la population (ndlr : unité livrée en septembre dernier). Donc nous, nous allons livrer l’eau à partir de nos réservoirs vers un point de livraison qui sera juste à côté de l’usine de potabilisation qui distribuera ensuite l’eau pour le compte de l’intercommunalité. 

Mais ce sont deux chantiers complètement différents bien sûr avec évidemment des interférences en termes techniques mais très hermétiques sur le plan juridique.  

Oui, ça évite à la CIVIS de tirer le réseau et de créer elle-même son cheminement depuis le Bras de la Plaine ?

Ils n’ont pas besoin de le faire. Ils récupèrent l’eau directement sur le site et ils ont ensuite leur réseau spécifique de distribution qui part de Dassy, qui descend vers Ligne Paradis et qui distribue de façon gravitaire sur la commune.

Pourquoi la SAPHIR bénéficie du régime de prestation en quasi-régie (ou in-house) alors que les SEM en sont exclues ?

Vous me dites que vous avez l’information que les SEM seraient exclues du régime en in-house. Ce n’est pas mon avis. Ce n’est en tout cas pas l’avis du cabinet qui travaille avec nous et que nous avons évidemment consulté. On a consulté le cabinet Charrel qui est expert sur la commande publique. En fait, pour bénéficier d’un contrat in house, il faut 3 critères, c’est pas compliqué. 

Il faut d’abord que le contrôle analogue puisse se faire sur la structure, 

Il faut que l’on travaille à plus de 80 % pour le compte de notre adjudicateur, donc la collectivité départementale. 

Pour ces 2 critères il n’y avait absolument aucune ambiguïté concernant la SAPHIR. Là où il y avait peut-être une incertitude, entre guillemets, c’est sur la participation de capitaux privés et donc la SEM est une structure juridique qui accepte la possibilité d’avoir de l’actionnariat privé mais la loi dit bien : « sans capacité de contrôle ni de blocage permettant d’avoir une influence décisive ».

Donc nous avons demandé à nos experts juridiques de vérifier ces points-là. Nous avions jusqu’à il y a encore quelques années un actionnaire qui était administrateur privé au sein du conseil d’administration : TEREOS pour ne pas le citer. Nous, nous avons demandé à TEREOS de sortir du conseil d’administration de manière à ce que nous puissions garder au sein du CA que des actionnaires publics. 

Même si avec un administrateur au sein du conseil d’administration, vous n’avez aucune influence, on a préféré être plus prudent pour blinder ce dispositif en sortant TEREOS du conseil d’administration de la SAPHIR. TEREOS est maintenant censeur, ce qui veut dire qu’ils n’ont pas de droit de vote et nos administrateurs sont tous des administrateurs publics. Nos actionnaires sont tous acteurs publics. 

Le Conseil départemental a cinq administrateurs, la CIVIS en a un. Un pour les actionnaires minoritaires représentés par la CASUD, un pour la Chambre d’agriculture et un censeur, sans droit de vote : TEREOS (ndlr : depuis cet entretien, le TCO a désigné un représentant au CA de la Saphir le 27 juin dernier).

J’imagine que cette exclusion de TEREOS s’est jouée lorsque vous avez obtenu au 1er janvier 2017 les nouveaux contrats de délégation de service public ?

Oui, c’est à ce moment-là. Ça s’est fait dans la foulée, on a rencontré TEREOS, on leur a expliqué qu’on voulait absolument blinder ce dispositif qui nous permettait d’avoir accès à ce critère de contrat in-house. 

Aujourd’hui, ce qui a mis un petit peu le doute dans la tête de tout le monde, c’est le fait que la direction des affaires juridiques de Bercy n’a pas cette lecture juridique là et elle est influencée par le lobbying de la fédération des EPL (Entreprises publiques locales, ndlr). Mais sur ce sujet, aucune autorité juridique tel que le Conseil d’Etat n’a émis un avis. On en est resté à la lecture initiale. 

Pourtant, la réponse d’un ministre interrogé par un député semble dire le contraire en excluant les SEM des contrats en quasi-régie…

Ça c’est une lecture qui est issue de ce qu’a écrit la direction des affaires juridiques de Bercy et il y a une réponse ministérielle qui va dans ce sens-là mais on est resté à la lecture initiale. Me Charrel est parfaitement au courant de ces éléments-là et il nous a bien dit qu’il n’y a pas de jurisprudence aujourd’hui qui interdit de le faire. Je ne pense pas qu’il y en ait une en tout cas. Bon, oui, le ministre il dit ce qu’il veut mais il n’a pas autorité juridique pour pouvoir statuer. Et en tout cas notre cabinet dit très clairement qu’il n’y a pas d’interdiction de passer des contrats in-house. 

Évidemment çà reste un sujet délicat et fragile. On est en veille régulière. Une fois c’est ok, une fois ce n’est plus ok,… c’est très fluctuant. 

Ensuite, si le Conseil d’Etat estime un jour que les SEM en sont exclues et le dit très clairement, ou la chambre juridique de Bercy, à ce moment-là on devra opérer une évolution juridique de la structure, soit en passant en SPL, soit….

Même si les actionnaires privés n’ont aucune influence sur les décisions de la société, toutefois la SEM nous permet de garder ces quelques actionnaires qui, historiquement, ont créé la SAPHIR. C’est quand même un peu gênant d’aller leur dire : « bon maintenant vous ne faites plus partie de la société… »

Justement, qui sont les actionnaires privés de la SAPHIR et quelles sont leur part de participation et de rémunération ?

Il y a 79,6% exactement d’actionnariat du Département de La Réunion, environ 10% d’autres collectivités publiques comme la CIVIS, la CASUD, la commune de Saint-Leu, peut-être demain le TCO j’espère, et la Chambre d’agriculture.

Qui sont les actionnaires privés ?

Il y a grosso modo 10% d’actionnaires privés comme BRL le bureau d’études, le Crédit agricole, quelques coopératives agricoles, VEOLIA et quelques agriculteurs historiques comme la famille Michel, la famille Brun et la famille Canabady. 

Ce sont en fait de vieux propriétaires historiques du sud qui ont participé à l’époque à la création de la SABRAP (l’ancien nom de la SAPHIR, ndlr). Mais ce sont 4 ou 5 actions chacun, c’est rien. Et, avec l’âge, on ne les voit quasiment plus aux conseils d’administration. 

Est-ce que c’est le Département qui vous met à disposition le bâtiment où est installé votre magasin ici à Mon Caprice ? 

Oui il est mis à disposition par le Département, ça fait partie de la DSP (délégation de service public). Nous, on a pris à nos frais les aménagements du magasin, on en a eu pour quasiment 200.000 euros de travaux, à la charge de la SAPHIR. On n’a pas demandé au Département de faire des travaux là-dessus. 

Est-ce que la Saphir paye un loyer pour occuper ce bâtiment ? Je parle du magasin.

Non, c’est en cours de mise en oeuvre justement. Moi j’ai demandé effectivement à ce que la SAPHIR scinde les deux activités, je trouve cela assez logique…. Alors, pourquoi c’est comme ça ? Parce que ce bâtiment est aussi réservé aux pièces qui sont des pièces alimentées dans le cadre de la DSP donc c’est pour ça que, historiquement, la SAPHIR n’a jamais payé de loyer mais, bien sûr, à charge pour elle de maintenir en l’état l’infrastructure dans le cadre de la DSP. Mais je pense qu’à terme – c’est pour ça qu’on a pris en charge les travaux – j’ai demandé au Département de scinder le fait que nous puissions avoir ces activités commerciales et pouvoir mettre en place un bail commercial. 

Ce qui n’est pas le cas sur nos deux autres points de vente car dans l’ouest on est propriétaire et dans l’Est également. 

Dans le secteur ouest et Est, les points de vente sont destinés à de la vente à destination des fermiers ou bien est-ce qu’il y a aussi une part de vente pour les particuliers, les sociétés ?

Essentiellement une clientèle agricole (90%), quelques clients privés probablement pour des installations d’aménagement, d’arrosage ou des choses comme ça mais le gros des clients dans l’ouest ce sont des agriculteurs du secteur.

Pour les réparations sur les systèmes d’irrigation, est-ce que vous intervenez uniquement pour le compte du Département ou aussi en faveur de clients privés ? Lors des maintenances ou lorsqu’il y a de la casse ?

Lorsqu’il y a de la casse, on intervient sur notre réseau. Les seuls moments où on peut intervenir sur le réseau privé c’est lorsqu’on a un équipement d’irrigation à installer par exemple où là on met en place un contrat (…), on dimensionne son installation et voilà. On propose un équipement d’irrigation.  

Du coup cet agriculteur-là il est quand même sur votre réseau à vous ?

Il est sur sa parcelle. Le réseau est à proximité donc on y installe une borne d’irrigation et lui ensuite il fait son installation privée sur sa parcelle. 

Je vais prendre un exemple : votre canalisation passe ici, monsieur Payet habite là. Le raccordement incombe à qui ? Est-ce que c’est vous qui l’amenez et si c’est vous, est-ce que vous le faites facturer ? 

En général, c’est nous qui l’amenons car derrière on a accès à l’irrigation de la parcelle. Après, s’il s’agit de coûts trop importants, on peut envisager une négociation avec le client bien sûr. Ça peut tout à fait se mettre en place. 

Quelle est la part que représente le volet exploitation pour les privés, comparé aux réparations pour le compte du Département ?

Pour l’équipement d’irrigation, on est à peu près à 10% d’activités privées. En tout cas, nos activités coeur de métier représentent 80% et l’activité d’équipement d’irrigation représente à peu près 10%. 

Toutes ces questions, vous l’aurez compris, sont en lien avec le fait que vous bénéficiez d’un contrat en quasi-régie où vous êtes entre deux eaux…

Nous contrôlons chaque année cette répartition 80/20 que nous impose ce critère. Et j’ai envie de dire que, plus on va augmenter nos ventes d’eau dans le cadre de la DSP, moins on sera fragilisé par ce critère-là. 

Après, les activités d’ingénierie sont intégrées aussi dans l’activité principale puisqu’on travaille pour le compte de la collectivité. C’est uniquement cette activité négoce qu’il faut que l’on vérifie de près pour ne pas faire en sorte que ça ne dépasse pas les 20% qui sont autorisés dans le cadre des contrats in-house.  

Est-ce que votre service ingénierie ne travaille que pour le Département ou aussi pour les particuliers ? 

Exclusivement pour le compte du Département. 

A quoi est dédiée votre antenne du côté de Mon Repos à Bellemène Saint-Paul ? 

C’est pour la télégestion du périmètre et c’est le départ du périmètre. 

A Mon Repos, qui prend en charge les frais généraux du site ? S’agit-il aussi d’une mise à disposition du Département ?

La SAPHIR, dans le cadre de sa DSP, gère les ouvrages départementaux et gère évidemment aussi la totalité des travaux, de renouvellement, d’amélioration, de factures d’électricité, etc. Tout cela est à la charge de la DSP, bien sûr. Ici aussi dans le sud !

Le principe de la DSP c’est la mise à disposition. Tout ce qui est frais de renouvellement, d’exploitation, d’amélioration, d’aménagement, de réparation, est à la charge de la DSP. Le principe général de la DSP c’est : je prends le risque, je prends la réhabilitation et je garde le bénéfice du dispositif. On est tout à fait dans cet esprit-là.

Dernière question, la salle des fêtes ici à Mon Caprice est-elle mise à disposition des salariés de la SAPHIR à titre gratuit ? 

Oui.

Est-ce que ça pose problème selon vous ?

C’est utilisé d’abord pour l’entreprise. Elle est utilisée notamment lorsque la société fait ses repas de fin d’année. Ce sont des bâtiments qui avaient été construits à l’époque par la SAPHIR. Le contrat avait été transféré en bien de reprise par la collectivité mais à moins qu’il y ait un problème particulier par rapport à ça mais bon…

Ça peut être interprété comme une sorte…

d’avantage.

Oui,…la facilité fait que vous l’utilisez pour un usage interne 

Alors c’est exclusivement à usage interne via les collaborateurs de la SAPHIR. Ce n’est absolument pas mis à disposition autre que du personnel SAPHIR. 

Mais ça peut l’être pour des événements familiaux de ces agents-là ?

Oui. Ça peut l’être pour des événements familiaux effectivement. Après, il s’agit d’un événement familial ou de deux dans l’année, par collaborateur. Alors évidemment on ne considère pas ça comme un avantage en nature. 

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