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Chez Casquette, Ti-Couloir, les Bons amis… P’tits restos, p’tits bistrots pas chers d’autrefois

« Je vous parle d’un temps/Dont les moins de vingt ans/N’ont même pas idée » (pardon Aznavour). La restauration rapide, aujourd’hui, a semé à travers l’île quantité de camions-bars et fast-food à la qualité… dont on peut penser (hum !) tout ce qu’on veut. Fut une époque où il était possible de manger vite, bien […]

Ecrit par Jules Bénard – le samedi 08 juillet 2017 à 01H39

« Je vous parle d’un temps/Dont les moins de vingt ans/N’ont même pas idée » (pardon Aznavour).

La restauration rapide, aujourd’hui, a semé à travers l’île quantité de camions-bars et fast-food à la qualité… dont on peut penser (hum !) tout ce qu’on veut. Fut une époque où il était possible de manger vite, bien et pour pas cher mais cela avait une autre allure : manger vite et bien était aussi synonyme de bien manger et s’en foutre plein la lampe dans une ambiance d’une étonnante convivialité.

« Chez Casquette », un univers surprenant.

Tout autour de l’île, nous avions la chance de disposer de quantité de petits restos proposant tous une cuisine de haute qualité même si rapidement exécutée. Chinois, créoles, malbars, ces antres du plaisir gourmand étaient quasiment ouverts toute la journée, parfois même dès quatre heures du matin. On ne peut tous les citer, cela va de soi, mais il y en a plusieurs qui tenaient le haut du pavé, qu’on va tâcher de ne pas oublier.

Michel et moi avons connu Chez Casquette, à côté de l’ancien Prisunic, alors que nous étions encore pensionnaires à Leconte-de-Lisle. Un jeudi après-midi, quelques congénères lycéens nous entraînèrent Chez Casquette. Il y avait là, entre autres, Marcel Soubou, Thérésien Payet, Ti-Aimé Lebon… L’entrée de Chez Casquette nous fit plonger illico dans un univers qui nous était alors étranger. Une marche assez haute nous fit accéder à une salle à la lumière avare, enfumée, avec cinq tables recouvertes de nappes plastifiées à la propreté douteuse.

Pendant que nos mentors se faisaient servir des rhums-kinas, nous eûmes droit à un coca (fallait quand même pas soûler les p’tits jeunes !) et vîmes débarquer des « choses » blanches, fumantes, appétissantes. Nos tout premiers bouchons.

Des bouchons fait-main !

Il faut tout-de-suite oublier ces machins industriels surgelés, bien calibrés, que l’on achète en grandes surfaces. La viande y est moulue au mixer, assaisonnée n’importe comment et de façon uniforme.

Les bouchons d’alors étaient fait-main par de vieux Chinois, voire de vieilles Chinoises qui se levaient à quatre heures du matin. La viande était hachée au couperet, voire au sabre à cannes plus aiguisé qu’un rasoir. Ces bouchons-là étaient forcément assaisonnés un à un et un vieux Fils-du-Ciel m’a un jour raconté qu’il y mettait un peu de pâte de crevettes (miam !) pour renforcer le goût. Ils ne se ressemblaient pas comme des grains de galabert.

Sous les regards amusés de nos hôtes, nous les dégustâmes religieusement, les trempant comme indiqué dans les coupelles remplies d’un savant mélange de siaw-huile de sésame-piment.

Je suppose que l’ambroisie des dieux de l’Olympe devait avoir un goût approchant. Nos potes plus âgés sirotaient leur rhum-kina en guise de nectar.

Où est passé notre Rosé-Napoléon ?

Plus tard, après le bac, alors que j’avais débuté dans la vie professionnelle en qualité de pion, je me mis à fréquenter très régulièrement Chez Casquette. En qualité de surveillants à Leconte-de-Lisle, nous étions nourris à l’œil mais quasiment tous les soirs, nous étions attablés chez notre Chinois favori, le sieur Maxo, propriétaire de Casquette, homme à l’amitié (et au talent) indéfectibles. C’était si peu cher, aussi, et si succulent.

C’était quasiment un rituel. Nous débarquions à quatre, Joël Dupont, Zalan, maître P.R., avocat très connu, et votre serviteur. Nous nous installions à la table la plus proche de la vitrine donnant sur la rue Grand-Chemin. D’autorité, le serveur, un grand Cafre souriant, nous mettait de grands verres ordinaires, qu’il emplissait à ras bord de martini rouge. Un chacun, bien sûr.

Les choses sérieuses commençaient alors. Maxo, en souriant, demandait simplement, de derrière son comptoir crasseux :

« Comm’ d’habitude minm ? »

Et, sans attendre de réponse, nous faisait envoyer quatre assiettes pleines de 20 bouchons (chacun !) C’était pour l’apéritif. Ensuite débarquaient une omelette aux crevettes ou un steack à la chinoise, en guise de hors-d’œuvre. Après quoi venaient le riz cantonnais avec bèf-brèd’ sinonsa cari langous’, sinon shop suey camarons ou tout ce que vous pouvez imaginer.

Le rituel des restes

Le temps de liquider nos bouchons et les plats étaient devant nous, avec une bouteille d’un vin qui a disparu aujourd’hui, le Rosé-Napoléon. Ah oui ! une bouteille aussi par tête de pipe, bien sûr. Faut c’qui faut !

Il faut dire que les clients que nous étions étaient soignés aux petits oignons. Car même si ce n’était vraiment pas cher, nous y laissions des notes substantielles chaque soir.

Ces plats étaient mitonnés sur feu de bois mais pour le savoir, il fallait oser aller dans l’arrière-salle et s’écarquiller les yeux au milieu de toute cette fumée qui avait fini par imprégner les murs de la cuisine et un peu celle de la salle où l’on mangeait.

Pendant que nous étions attablés, quelqu’un n’en perdait pas une miette, si j’ose dire. De l’autre côté de la vitrine nous séparant de la rue, un jeune Cafre dégingandé, dans les trente ans, pieds nus, dépenaillé, crasseux, nous observait avec une patience gourmande.

C’était un rituel. Il savait qu’il resterait toujours quelque chose dans nos plats : un ogre n’aurait pu tout liquider tant c’était hyper-copieux. Lorsque nous en avions fini, on le regardait et un grand sourire s’épanouissait sur ses traits d’une étonnante beauté.

Le serveur apportait des masses de papier kraft (les barquettes en plastique n’existaient pas), mettait tout ce qui restait sur ces plats improvisés, le bonhomme entrait vite fait en jetant des regards apeurés en direction de Maxo.

Il s’emparait de son festin et disparaissait aussi sec dans la nuit. Nous n’avons jamais échangé la moindre parole : il ne nous en laissait pas le temps. Devait avoir sacrément faim, le pauvre.

Ah ! le « Ti-Couloir »…

Il en allait de même autour de tous ces petits restaurants conviviaux autour de l’île. La pauvreté était telle, et le nombre de SDF si inquiétant, que des quémandeurs, il y en avait partout. Nous le savions, les restaurateurs le savaient et tout se passait bien.

Un autre haut lieu de la restauration chinoise à bon marché ouvrit ses portes peu après Chez Casquette. Je veux parler du légendaire Ti-Couloir.

Cette adresse est encore dans les mémoires, de nombreuses années après sa disparition. Ti-Couloir se tenait rue Jules-Olivier, à peu près où a siégé Le touareg par la suite. Lui aussi, hélas disparu.

Son nom venait de ce que pour accéder au restaurant, il fallait emprunter un petit couloir d’une dizaine de mètres de long, plongé dans une pénombre douteuse et des fumets de cuisine succulents. Un mètre de large bien pesé ; le long de cette entrée peu habituelle courait un petit caniveau chargé de toutes les eaux grasses de la cuisine, des eaux de lavage de la vaisselle et du parquet, plus quelques cafards ou souris, selon les jours. On le savait, on s’y était fait et cela n’aurait jamais empêché qui que ce fût d’y entrer.

Il en irait autrement maintenant. Un inspecteur des services sanitaires mettrait le lance-flammes en marche avant même de discuter. Parce que nous vivons dans un monde ultra protégé mais je dois dire que chez Ti-Couloir et ses semblables, PERSONNE n’est jamais tombé malade. Sinon d’hypertrophie stomacale.

Une fois, pour faire une sale blague à ma belle-doche Evelyne, je l’y ai emmenée, pensant la dégoûter et qu’elle allait s’enfuir ventre-à-terre. Tu parles ! C’était mal connaître ce tempérament sicilien mâtiné de nord-africain et de méridional français : elle a mangé plus que moi.

Un cuisinier à dix mains !

Au fil des ans, le Ti Couloir a supplanté Casquette. Il y avait là, dans quelques mètres carrés, une petite dizaine de tables pleines aussi bien le midi que le soir. Il fallait arriver tôt,  sinon tard, si l’on voulait avoir immédiatement une place assise. Sinon, ne restait plus qu’à faire le pied de grue, avec un whisky ou une dodo, devant le plan de cuisine où le maître-queux opérait au vu et au su de chacun. Il disposait de quatre karays sur feux chinois, de toute une batterie de marmites et, derrière lui, de ses ingrédients, viandes diverses, filets de poissons, crevettes décortiquées, œufs en pagaille, bottes d’oignons verts, et de tout un tas de choses indispensables dans son registre culinaire.

Ce qu’il y avait de frappant, c’était sa vitesse d’exécution. On avait l’impression qu’il avait six bras et quelques dizaines de mains, taillant, hachant, tranchant, touillant dans les divers récipients à la fois. On se demandait quand même comment il pouvait ainsi se démener dans ce noir quasi absolu : les murs, les carreaux du plancher, le plafond, étaient noirs de suie. Lui-même n’avait plus rien de jaune, sinon un vague souvenir peut-être ? Seuls ses yeux effilés dénonçaient encore son origine.

Aucune crainte chez le client qui était sûr de ne pas attendre sa commande plus de quelques minutes. Et quelle commande… Outre les plats que l’on dégustait aussi Chez Casquette, Ti-Couloir proposait des soupes chinoises d’une surprenante saveur : je n’en ai JAMAIS avalé d’aussi bonnes. Il en allait de même de son riz cantonnais qui, chez lui, se hissait au rang de chef-d’oeuvre gastronomique.

« Ti-Couloir », « Chez Casquette » : tout pour la gueule !

On mangeait serrés comme des sardines, les tables ayant été installées tout près les unes des autres. On s’en foutait. C’était si bon qu’on s’y livrait à de vrais péchés de gourmandise, commandant bien au-delà du simple nécessaire. Lors de la sortie, on bénissait le Ti-Couloir d’avoir une entrée aussi étroite nous permettant de nous appuyer des deux côtés à la fois. On imagine dans quel état…

Saint-Denis disposait bien d’autres restaurants chinois de valeur également, mais ils étaient plutôt dans le genre bc-bg. Que ce fût au Mandarin, chez Georges, au Bangkok, Chez Max rue Laferrière, ou encore au New Escale, on y mangeait mieux que bien mais c’était, comme on dit, « une autre classe » pour les lieux et l’installation.

Chez Casquette et au Ti-Couloir, c’était « tout pour la gueule » et le décor, qu’est-ce qu’on s’en foutait, mais alors là…

On mangeait bien et pour pas cher aussi à L’Hôtel d’Europe, à L’Hôtel du Levant, mais c’était clair et net.

En revanche, je dois impérativement vous parler d’un restaurant du style bizarroïde, face au Rio.

Le « restaurant sans nom »

Il y en avait quelques-uns dans le même genre, près de l’église de Saint-Louis, près de la gare du Port, dans les parages du marché couvert de Saint-Benoît, mais aucun ne lui arrivait à la cheville. Il ne portait aucune pancarte, aucun nom.

On y entrait par une petite porte donnant de plain-pied sur la rue Grand-Chemin, donnant accès à une salle d’au moins 16 m2 ! Il y régnait une chaleur de bête. Si place il y avait, on s’installait vaille que vaille, sur un haut tabouret quand toutes les chaises étaient occupées, à une des quatre tables où s’incrustaient douze à seize personnes au bas mot. Et on attendait qu’on mît devant vous une assiette déjà garnie. Pleine à ras-le-bord serait plus juste. Y’avait d’quoi faire. On faisait.

Là, fallait chercher aucune gastronomie, aucun style, aucune cuisine hors du commun. On s’y gobergeait, certes, mais tu mangeais ce qu’on mettait d’autorité devant toi : c’était ça ou rien ! Mais c’était très comestible malgré tout : cari poulet la cour, cari le thon, rougail la morue èk bringelles, cari cochon ti-pois, rougail zandouilles, massalé cabri, cari capitaine, civet zourite… avec gros-pois sinon z’haricots rouges. Les assiettes étaient « pitonnées » mais on liquidait tout.

Le plus drôle, c’était la boisson. Qui avait l’imprudence de demander « un verre de vin rouge » s’entendait demander par la jolie Cafrine de service (qui ne boutonnait jamais entièrement sa chemise… spectacle servi sans supplément) :

« In canon ? »

L’imprudent disait « oui » et était tout-de-suite provisionné d’un grand verre de cinquante centilitres plein de Kiravi à ras-bord ! Pour la première gorgée, mieux valait avoir une main qui ne tremblait pas.

Et on en ressortait rassasié, prêt à y revenir et délesté de l’équivalent de deux euros à peine.

«  Oté la grosse Virginia… »

Ceux qui fréquentaient le Grand-Marché, rue du Grand-Chemin (Maréchal-Leclerc pour ceux qui ont oublié le changement de nom de nos rues), se souviennent certainement de ce petit coin très convivial, au fond du marché, où l’on servait à boire et à manger depuis très tôt le matin.

Cette  coutume remonte à la nuit des temps, quand les personnes pieuses sortant de la messe, vers 5/6 heures, allaient y siroter leur premier ti-café-la-grègue. L’endroit a plusieurs fois changé d’exploitant mais subsiste à travers les âges.

Dans les années 50/60 y officiait une brave dame qui servait aux clients un repas comme au « resto sans nom » : on ne choisissait pas. On prenait ce qu’il y avait mais comme c’était toujours très bon, on engloutissait sans arrière-pensée. La tenancière était ce que l’on peut appeler « une forte femme ». L’interrogation venait de son poids, jamais défini avec précision : pesait-elle plus ou moins… de 150 kilos ?

Certains prétendent que c’est cette gentille femme qui a donné l’idée au célèbre groupe Los Fantasios de créer « La grosse Virginia » :

« Oté la grosse Virginia

« Toué lé gros com’ in macatia      … »

Restaurant Madoré

Enfin, nous ne saurions terminer ce tour d’horizon des recoins dionysiens sans mentionner l’Etoile-des-Neiges, en haut de la rue Jules-Auber. Il s’agissait d’un simple commerce d’alimentation qui, dans son arrière-boutique, proposait sur deux tables bancales « le menu du jour ». A savoir un riz cantonnais avec steacks, chinois aussi.

La différence avec les autres restaurants comiques était le spectacle : des musiciens venaient parfois s’y produire, à la grande satisfaction de tous. Notre ami Narmine, entre autres, y a passé plus d’un après-midi.

Et pour rester dans ce domaine gastro-musical restreint, une autre boutique, face à l’ancienne gare du CPR. Là, on dégustait plutôt sur le pouce, sandwiches jambon-zachards-gros-piment en attendant la micheline-l’autorail, après le ti-train au bois. Le grand intérêt du lieu était la présence quasi quotidienne d’un de nos plus célèbres bardes créoles, le grand, l’illustre Madoré. Un homme simple à la gentillesse proverbiale… quand il n’avait pas trop picolé.

C’est là que ce doux bonhomme donnait des leçons de guitare à de jeunes apprentis qu’il engueulait (gentiment) lorsque l’index plaquait mal le barré du sol majeur.

Nous l’y avons vu moult fois et, à sa demande, lui payions volontiers un « coup-coup-coup de… de-de… de rouge, marmailles », crachotait-il en souriant. Il nous régalait de savoureuses histoires à ne pas mettre entre toutes les oreilles.

« Les Bons Amis » ancienne façon

Les petits restaurants style sympa-pas-chers, il y en avait ainsi partout autour de l’île, souvent adossés à des boutiques. On en trouvait autour de la gare du Port, des marchés de Saint-Louis, Saint-Leu, Saint-Pierre… Mais autour de l’île, il y avait aussi des restaurants bien surprenants, qui ne le cédaient en rien à Casquette ou au Ti-Couloir. Il y en a qu’on ne peut décemment passer sous silence.

Par exemple Les Bons Amis de Saint-Louis, autrefois installé de l’autre côté de la route, juste après la station de l’entrée Nord. Une vieille maison créole avec deux pièces intérieures mais surtout le jardin avec sa pièce d’eau, ses tables avec parasols. Pour la cuisine, même topo qu’au Ti-Couloir, un antre enfumé où officiait le vieux papa, un Van Gogh, que dis-je, un Beethoven du shop suey ! C’était très copieux, très bon, très bon marché. Oubliez vite la manière de cantine infâme qui se pare aujourd’hui du même nom mais est loin de lui arriver à la moitié de la cheville.

« Chez Fanfan » : scoops et rôti de porc

Madame Ah-Peng, près de l’église de Saint-Joseph, servait une cuisine très convenable sur quelques vagues tables de son arrière-boutique. Les repas de l’hôpital, non loin, devaient être si peu alléchants que l’essentiel de son chiffre d’affaires venait des malades et leurs accompagnateurs. J’ai connu madame Ah-Peng lorsque je m’installai quelques jours avec mon Pépé Justinien, dans cet hôpital où il entamait son ultime parcours.

Chez Fanfan, près du marché couvert de Saint-Pierre, était bondé jusqu’au petit jour. Le meilleur rôti de porc de toute l’île. C’est là que mon comparse, Jean-Pierre Santot du JIR et moi venions glaner nos tuyaux et scoops contre un coup de rhum à nos informateurs. En reluquant les poivrots et les putes qui attendaient les restes pendant que les marchandes de légumes sortaient leurs caisses de salades et de citrons des coffres de leurs Mercédès !

Enfin, il reste deux recoins très peu connus dont je ne peux pas ne pas vous parler avant de clore ce papier-souvenirs. Une vieille boutique-Chinois de Trois-Bassins et le Malbar-Camarons de Ravine-des-Chèvres.

Des bouchons… de dame-jeanne !

Au plein cœur de Trois-Bassins se tenait, juste face à la route venant de Saline-les-Hauts, une vieille boutique-Chinois en gris et vert. L’entrée de la boutique proprement dite était à droite. Tout contre existait un vieux couloir large de trois à quatre mètres. L’entrée de ce couloir était dévolue à la cuisine. Enfin, cuisine, si l’on peut dire : une immense caray posée non pas sur un feu à rampes mais sur un bec Bunsen.

Le vieux Chinois cuisait en fonction des arrivées, sauf le riz cantonnais qui partait à longueur de journée. J’y allais souvent avec des potes enseignants de La Chaloupe, à 15 minutes en voiture.

On nous installait à une table bancale avec vue directe sur cette « cuisine ». Le patron nous mettait la bouteille de Johnny Walker sur la table :

« Hein ! Zot va dir à moin après combien zot la boir ! »

Il prenait commande et l’exécutait sous nos yeux époustouflés, en moins de temps qu’il n’en faut pour avaler trois whiskies chacun !

Shop suey, poisson grillés, salade soja, énormes steacks chinois, déboulaient en un rien de temps. Un régal.

Mais ce qui nous surprenait régulièrement là-haut, c’était la taille des bouchons qu’il nous offrait en apéritif. Enormes. De vrais bouchons de dame-jeanne ! Les meilleurs que j’ai jamais dégustés avec ceux de Maxo.

L’addition était aussi minime que vous pouvez l’imaginer.

Engarde si tantine na l’corps po emparer !

A l’écart de la route nationale (l’ancienne), à Ravine-des-Chèvres, se tenait une petite boutique tenue par un Malbar. Cet homme servait des repas uniquement sur commande, notamment un des tout meilleurs massalés cabri de La Réunion.

Avec les potes, nous y allions moins pour son massalé que pour un petit apéritif très-très spécial dont j’ai déjà parlé à quelques-uns d’entre vous : son rhum-camaron. Le plus puissant des aphrodisiaques de la planète Terre et Dieu sait si j’en ai essayé. Ben oui !… on ne vit qu’une fois. C’était du temps où il y avait encore des camarons dans nos cours d’eau.

Lui pêchait les siens dans l’étang de Bois-Rouge. Il les mettait à passer le temps dans une bassine à l’eau régulièrement renouvelée. Sa recette était simple…

Il trempait, sous vos yeux, son camaron frétillant, dans un petit verre de rhum de Rivière-du-Mât mais je suppose que n’importe quel autre rhum fait aussi bien l’affaire. Surpris par ce liquide, inhabituel pour un camaron normalement constitué, le crustacé « largue » un produit qui crée un léger trouble dans la boisson claire.

Hop ! Tu siffles la boisson. Et au bout de quelques minutes, mon camarade, tu te payes un p… de braquemart, j’te dis que ça. Engarde après ça si tantine na le corps po emparer !

Tempéraments fragiles s’abstenir : certains sont atteints de priapisme aussi king size que longue durée. Quelques tantines y emmenaient bonhomme lorsque celui-ci avait un peu perdu sa vigueur. Du moins on le dit mais les gens ont si mauvaise langue…

Je vous souhaite bon app’ avec votre « pain-bouchons-gratiné-beurk » !

[Suivez le Blog de Jules Bénard]urlblank:http://www.zinfos974.com/julesbenard/

 

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