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Triple infanticide du Port : « Je ne pense qu’à mourir » affirme l’accusé

Daniel Dijoux comparait ce lundi et mardi pour l'assassinat de ses trois jeunes fils et la tentative d'assassinat de sa fille aînée. A la barre de la cour d'assisses, il a reconnu une relation marquée par des violences et ne pas avoir supporté la séparation voulue par sa compagne.

Ecrit par Isabelle Serre – le lundi 28 février 2022 à 20H24

Ce 24 mars 2019, dans cette petite rue de la Rivière-des-Galets, les voisins, les habitants du quartier s’étaient massés par dizaines sur les trottoirs, profondément choqués par ce qui venait de se passer : la mort de trois bambins noyés par leur père et celui-ci, sauvé in extrémis par les policiers après une tentative de suicide.

Les langues allaient bon train au sujet des circonstances de ce drame absolu. Et notamment au sujet de l’alcool ou des substances que le père infanticide aurait pu consommer. Mais rien de tout cela. Les expertises ont démontré qu’il a agi en pleine possession de ses moyens.

Ce lundi et jusqu’à ce mardi, Daniel Dijoux est jugé devant la cour d’assises pour l’assassinat de ses trois fils et pour avoir tenté d’éliminer sa fille. Chemise blanche impeccable, cheveux courts et longue barbe dissimulée sous son masque, l’accusé qui encourt la perpétuité reste impassible à la lecture des faits.

Il sort enfin de ses gonds, s’écroule et se met en position foetale lorsque la présidente lit des passages du carnet intime dans lequel il couchait régulièrement ses pensées. Il y reconnait sa violence envers la mère de ses enfants, évoque des infidélités de part et d’autre, demande à sa compagne de revenir, puis l’insulte, la menace. Il mélange l’amour et la haine, parle de ses enfants qui étaient ses « diamants ». « Je pars avec mes petits. Tu vas pouvoir respirer et vivre seule sans nous. Je vais t’enlever tout ce que tu as de plus précieux. Prends ça dans ta gueule ».

« On va aller dans le ciel, maman sera toute seule »

Après avoir refusé de répondre aux questions de la présidente de l’audience, « les enfants sont plus là, ça sert à rien », Daniel Dijoux finit par s’ouvrir au fil de son interrogatoire. Agressif envers sa compagne, Julie P., et la décrivant comme une femme infidèle qu’il n’a pas mis dehors « parce qu’elle faisait du chantage au suicide », Daniel Dijoux s’adoucit peu à peu. Il reconnait avoir tenté de noyer le petit Clément la veille à la cascade Langevin. Les trois autres dont Daniella, son ainée, devaient suivre.

Mais son plan n’avait pas marché. Inlassablement, il répète qu’il était sûr qu’il ne les reverrait bientôt plus jamais, raison pour laquelle il est passé à l’acte le lendemain.

Ce funeste dimanche, alors qu’ils étaient encore endormis, le père emmène Benjamin, Sully puis Clément dans la baignoire inutilisable qu’il vient de remplir au tuyau d’arrosage. Méthodiquement, il les immerge et les noie un à un. Puis, il s’affaire avec un fil électrique qu’il plonge dans l’eau. Daniella s’est réveillée. « Il m’a dit qu’il voulait me baigner avec mes habits dans l’électricité ». Le père entre dans le bain avec sa fille et tente de l’électrocuter : « on va aller là-haut dans le ciel et maman sera toute seule ».

Mais soudain elle comprend et pendant qu’il se pend au bout d’une corde dans le débarras attenant, elle réussit à prendre la fuite et se réfugie chez sa grand-mère. Entre temps, le courant a disjoncté.
 

Un mauvais mari mais un bon père

Daniel Dijoux s’était mis en couple en 2006 avec Julie P. alors que cette dernière, 15 ans, n’était qu’une collègienne. Pendant 13 ans, leur relation a été ponctuée de nombreux épisodes de violences conjugales. Courageuse, la mère de famille en deuil a raconté à la cour qu’elle avait essayé six fois de le quitter.

Plusieurs mains courantes avaient été déposées mais en janvier 2019, alors qu’elle avait été menacée au couteau devant les enfants, elle était partie se réfugier dans un centre d’hébergement. Sans faillir, la trentenaire a raconté sa peur, ses tentatives de départ en métropole en cachette, son séjour à l’hôpital de Saint-Paul, victime d’une commotion cérébrale suite à un énième coup. Puis, l’aide apportée par une association d’aide aux victimes.

« On lui avait recommandé de couper le contact avec lui », explique à la barre l’éducatrice spécialisée du réseau VIF. Décidée à en finir, Julie suit les conseils des professionnels qui l’accompagnent et elle s’installe dans une commune de l’est. Mais deux mois plus tard, les enfants réclament leur père. « C’était un mauvais mari mais un bon père » résume Julie qui, confiante, décide de lui laisser la fratrie pendant les 15 jours des vacances de Pâques.

« Mi déteste a mwin »

« Pourquoi avez-vous choisi de les tuer ? », demande la présidente de la cour. « Je voulais pas être séparé de mes enfants », répond l’accusé. La magistrate insiste : « c’était dans votre tête, elle n’a jamais refusé de vous les confier ». Daniel Dijoux se tord les mains, secoue la tête dans tous les sens. Il se remémore vraisemblablement l’expérience qu’il a vécue avec sa première femme qui avait fini par s’enfuir en métropole avec leurs deux filles afin d’échapper à sa violence.

« Pourquoi vous ne vous êtes pas pas tué tout seul ? », insiste la présidente. Daniel Dijoux évoque confusément sa colère et demande pardon. « Et votre fille, elle va se construire comment après ce drame? », poursuit Virginie Bellouard-Zand. « Si elle était là, je lui demanderais pardon », répond l’accusé. « Vous pensez que ça suffit ? Qu’elle va vous pardonner ? « , conclut la juge. « Mi déteste à mwin. Je veux mourir ».

Mardi matin, l’audience reprendra avec les enquêtes de personnalité et le témoignage en visioconférence de l’ex-femme de l’accusé. Le verdict devrait tomber en fin de journée.

Daniel Dijoux encourt la réclusion criminelle à perpétuité.

 

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