“Ce n’est pas un simple bisou volé”, tente de lui faire comprendre la présidente du tribunal.
Les faits se sont produits en juillet 2022 en fin de service. Jordan*, boulanger en charge des stagiaires, est persuadé qu’il se passe quelque chose entre lui et Noémie*, la nouvelle stagiaire de 16 ans. “On se taquine, se jette de la farine…J’ai vu un feeling ; j’ai tenté une approche ; je l’ai embrassé ; j’ai vu qu’elle n’était pas d’accord, j’ai arrêté”, brosse naïvement la situation Jordan. Pour l’homme de 30 ans, il n’y a pas eu agression sexuelle puisqu’il n’y a pas eu violence. “C’était déplacé, mais pour moi, il n’y avait rien de mal”, persiste Jordan dans son erreur.
“Comment s’assure-t-on du consentement de l’autre ?”, fait œuvre de pédagogie la présidente du tribunal qui lui rappelle également que les femmes ne sont pas des objets. Deux fois, Noémie a ainsi refusé ses invitations à aller manger au fast-food. Quand l’homme l’a embrassée, elle était d’abord sidérée, elle n’a rien dit puis elle est revenue lui dire “plus jamais”. Le refus de Noémie d’avoir une relation autre que professionnelle avec Jordan est clair. “J’ai tout mélangé, j’ai pas réfléchi”, s’excuse Jordan, en couple et père de famille au moment des faits.
“Tous les hommes ne sont pas M. Jordan”
Pourtant, les deux autres employées de la boulangerie lui avaient demandé à plusieurs reprises de revoir son comportement inapproprié avec les stagiaires, plaide pour la victime Me Victoria Rouxel.
Depuis les faits, Noémie n’a plus voulu retourner à la boulangerie, a également arrêté ses études et se sent mal à l’aise au contact des hommes.
“Il n’a pas compris que l’agression sexuelle, c’est de la violence physique, mais c’est aussi la surprise ou la contrainte”, déplore le procureur de Saint-Pierre. Pour aider la jeune Noémie à surmonter le traumatisme, à devenir de plus en plus résiliente, le procureur l’invite à adopter le Protocole 6C. Cette approche de premiers soins psychologiques permet aussi de ne plus se voir comme une victime, mais comme une rescapée. “Tous les hommes ne sont pas M. Jordan”.
Dans cette affaire d’agression sexuelle sur mineur de plus de 15 ans par une personne ayant autorité sur la victime, le tribunal a suivi les réquisitions du parquet. Jordan avec sa 5e mention au casier judiciaire écope de huit mois de prison avec sursis probatoire. L’obligation de travailler, de réparer les dommages, mais aussi l’interdiction de contact et de paraitre au domicile de Noémie ont été prononcées. Il devra également suivre le stage de lutte contre le sexisme et de sensibilisation à l’égalité entre les femmes et les hommes. “C’est le b.a.-ba, mais dés fois ça fait du bien », précise la présidente du tribunal. Inscrit au Fijais, Jordan devra enfin dédommager Noémie de 1.500 euros pour son préjudice moral.
*prénoms d’emprunt