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Pierrot Dupuy – Pourquoi pas un référendum sur le déboulonnage de la statue de Labourdonnais? Chiche Mme Bareigts?

J'ai été absent une semaine de l'ile et ce n'est donc que maintenant que j'ai l'opportunité de réagir à la décision scandaleuse de la maire de Saint-Denis, Ericka Bareigts, de déboulonner la statue de Mahé de Labourdonnais et de la déplacer, loin des regards, au sein de la caserne Lambert.

Ecrit par Pierrot Dupuy – le mardi 02 mai 2023 à 18H00

Ericka Bareigts, sans l’avouer officiellement, se positionne en porte-parole du « wokisme » à La Réunion. Pour rappel, pour ceux qui l’ignoreraient, le « wokisme » est une idéologie née il y a quelques années aux Etats-Unis qui avait pour but à l’origine de lutter contre toutes les formes de discriminations. Raciales bien sûr, mais pas que. Les « wokistes » se battent également par exemple pour la non-mixité dans les réunions de personnes subissant des discriminations, la dénonciation de systèmes d’oppression (le pouvoir légal et économique se fonderait sur l’oppression de certaines minorités), la dénonciation des préjugés liés au genre, etc.

Porté par ce qu’on qualifierait en France d’extrême-gauche, ce courant de pensée est vite tombé dans l’excès et en est venu par exemple à vouloir débaptiser certaines rues ou déplacer des monuments trop liés aux yeux de ses défenseurs au passé « colonialiste » de la France.

Et c’est ainsi que Ericka Bareigts et le petit groupe d’extrémistes qui l’entourent ont décidé de déplacer la statue de Mahé de Labourdonnais du square qui porte son nom, à proximité immédiate de la Préfecture, pour la cacher au fond de la caserne Lambert, loin des yeux du peuple.

L’esclavage a été une période sombre de l’histoire de notre ile mais le juger aujourd’hui, avec nos yeux du 21ème siècle, est une aberration historique. Mahé de Labourdonnais a été un grand gouverneur. Comme le rappelle Christian Cadet, qui fort heureusement fut le premier à sonner la révolte face à cette décision inique de la maire de Saint-Denis, il fut « un farouche défenseur des intérêts supérieurs de la France dans l’Océan Indien, un grand serviteur de la Compagnie des Indes, son employeur direct, et du Royaume de France. Outre ses victoires militaires sur les Anglais, il rationalisa et développa l’économie des Mascareignes autour de leurs atouts respectifs : à l’île Bourbon le rôle de grenier et à l’île de France, dotée de deux ports naturels, celui de place forte militaire et commerciale« .

Ce fut lui qui développa l’ile et transféra la capitale de Saint-Paul à Saint-Denis. Ce qui lui vaut aujourd’hui le ressentiment d’Emmanuel Séraphin, le maire de Saint-Paul.

Il faut bien reconnaître que le nombre d’esclaves a augmenté sous son gouvernorat. Mais c’est oublier que c’était une pratique courante à l’époque. J’oserai même dire considérée comme « normale » dans le contexte du 18ème siècle. Rares étaient ceux qui s’opposaient alors à la vente des esclaves, considérés comme des « meubles ». Ne le juger que là-dessus serait une grave erreur. Ce serait faire une croix sur tout un pan de notre Histoire.

Qui sommes-nous pour juger, avec nos yeux d’aujourd’hui, ce que firent nos prédécesseurs il y a 300 ou 400 ans?

Mahé de Labourdonnais a reconnu une enfant qu’il eut avec une ancienne esclave

D’autant que dans ce registre de la lutte contre les symboles de l’esclavage, Mahé de Labourdonnais n’est probablement pas la bonne cible. C’est méconnaitre l’Histoire de notre ile que de le jeter ainsi en pâture à une foule inculte qui ne connait de notre passé que ce qu’en disent les réseaux sociaux.

Comme le rappelle Christian Cadet, qui sait que Mahé de Labourdonnais eut une petite fille d’une relation avec une ancienne esclave, enfant qu’il reconnut et qu’il envoya dans sa famille en France pour la faire élever en la dotant au passage d’une pension?

A-t-on conscience du courage qu’il lui fallut pour oser faire un tel geste dans la société coloniale de l’époque?

Quelque part, Mahé de Labourdonnais fut un des précurseurs du métissage de notre ile et de son fameux « vivre ensemble » qui fait aujourd’hui sa renommée dans le monde entier.

Le préfet Filippini a cédé devant Ericka Bareigts

La position d’Ericka Bareigts ne m’a pas étonné. On connait ses opinions politiques, on connait celles de ses « conseillers » et ce n’est que l’aboutissement de cette idéologie que l’on sentait venir depuis plusieurs années.

J’avoue par contre avoir été beaucoup plus étonné par le feu vert donné par le préfet Jérôme Filippini. Il avait le pouvoir de dire non. Cette statue est classé aux monuments historiques, tout comme le bâtiment de la préfecture, et rien n’aurait possible s’il avait dit non.

Il a cédé, sans doute sensible à l’aura d’ancienne ministre d’Ericka Bareigts. Il m’a énormément déçu sur ce coup-là, moi qui avais une très bonne image de lui jusqu’à présent.

Pendant ce temps-là, on inaugure une place Paul Vergès

Je comprends d’autant moins la décision d’Ericka Bareigts que la ville de Saint-Denis a inauguré il y a quelques années une place en l’honneur de Paul Vergès.

L’ancien président de Région, comme tout homme, a fait de bonnes et de mauvaises choses tout au long de sa carrière. Il a parfois été un visionnaire, comme sur la crise climatique, mais s’est aussi souvent lourdement trompé. Pour s’en convaincre, il suffit de se demander où en serait La Réunion aujourd’hui si elle était devenue autonome, voire indépendante, dans les années 60 comme il le revendiquait, officiellement ou « en misouk ». Et on ne peut non plus ignorer sa condamnation pour l’assassinat d’Alexis de Villeuneuve le 25 mai 1946, condamnation dont on peut maintenant officiellement parler après avoir longtemps dû nous taire au nom de l’amnistie dont avait bénéficié le leader du PCR.

D’un côté, on inaugure une place en l’honneur de quelqu’un qui a été condamné par la Justice pour assassinat, et dont la famille possédait également des esclaves soit-dit en passant, et de l’autre on déboulonne et déplace la statue de quelqu’un qui a marqué l’histoire de notre ile et a fortement contribué à son développement. Comprenne qui pourra.

Un référendum ? Chiche !

Et pour continuer sur cette lancée, pourquoi Ericka Bareigts et ses wokistes ne se battent-ils pas pour qu’on débaptise les rues « Lénine », « Staline » ou « Karl Marx », des leaders communistes dont les mains sont rougies du sang de millions d’innocents ?

Pour conclure, je propose à Ericka Bareigts, membre de la NUPES et à ce titre adepte de la démocratie populaire et participative, d’organiser un référendum auprès des Dionysiens pour savoir ce qu’ils pensent de sa proposition. Chiche ?

Anne Hidalgo l’a fait pour des trottinettes. Notre Histoire vaut bien des trottinettes, non?

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