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Une voie vers l’autosuffisance alimentaire à La Réunion

La volonté d’atteindre l’autosuffisance alimentaire à La Réunion semble faire l’unanimité tant dans les discours que dans les intentions affichées par les uns et les autres. Le souvenir du blocus de l’île pendant la seconde guerre mondiale et de la pénurie alimentaire qui s’en suivit reste encore vivace dans la conscience collective réunionnaise. Pourtant nous […]

Ecrit par – le lundi 05 décembre 2016 à 10H04

La volonté d’atteindre l’autosuffisance alimentaire à La Réunion semble faire l’unanimité tant dans les discours que dans les intentions affichées par les uns et les autres. Le souvenir du blocus de l’île pendant la seconde guerre mondiale et de la pénurie alimentaire qui s’en suivit reste encore vivace dans la conscience collective réunionnaise. Pourtant nous n’en avons jamais été aussi loin. La réaliser concrètement implique nécessairement de mettre sur la table la question de l’agriculture intensive de la canne à sucre et celle de la propriété foncière sur l’île. Autant dire affronter de puissants intérêts qui n’ont absolument aucune envie que la situation actuelle change. Aussi importante soit-elle, la question de l’autosuffisance alimentaire ne se limite cependant  pas seulement à l’agriculture mais doit aussi prendre en compte l’élevage et l’industrie agro-alimentaire. C’est tout le modèle de production et d’importation qu’il nous faut mettre à plat.

Anticiper la fin de la monoculture intensive de la canne à sucre

Ultra majoritaire dans l’île, la culture de la canne utilise massivement des pesticides qui se retrouvent ensuite dans les nappes phréatiques puis dans l’eau de nos robinets. Les sols réunionnais en sont fortement impactés tout comme les cultures adjacentes plus propres. Malgré ces méthodes la canne à sucre n’est économiquement pas viable. Elle bénéficie de subventions publiques massives, TEREOS est ainsi la multinationale qui touche le plus d’aides de la PAC à hauteur de 11 millions d’euros, qui ne profitent bien souvent qu’à quelques gros exploitants. La majorité des agriculteurs, prisonniers de ce système, n’en vivent pas décemment, obligés de réclamer régulièrement leur obole à Paris ou Bruxelles, sans parler des ouvriers agricoles qui survivent dans la plus grande précarité. Il ne s’agit pas de souhaiter la fin ou non de la monoculture de la canne, celle-ci étant inéluctable, mais bien de l’anticiper en prenant en compte les savoir-faire locaux, les besoins de la population et les caractéristiques agricoles de chaque microrégion.
Imposer un début de réforme agraire.

Département le plus inégalitaire de France sur le plan des revenus, La Réunion est également marquée par une concentration de la propriété foncière entre les mains de quelques grandes familles. Legs direct de l’époque coloniale, cette situation empêche de fait la transition agricole vers une agriculture paysanne permettant de nourrir décemment et sainement les agriculteurs et la population. La Réunion a tout le potentiel nécessaire pour arriver à l’autosuffisance alimentaire à condition d’avoir la volonté politique de procéder à un début de redistribution agraire. Afin d’éviter de trop grandes crispations de la part des possédants, il faudra procéder progressivement dans la redistribution et intelligemment dans le choix des terres. Néanmoins la situation actuelle ne peut perdurer : les jeunes agriculteurs n’ont aucun accès à la terre, les sols réunionnais sont empoisonnés par les pesticides, les importations constituent 90% de notre balance commerciale.

Promouvoir les alternatives vertueuses en matière agricole

Il existe déjà sur le territoire réunionnais un certain nombre d’alternatives. Parmi celles-ci il apparaît clairement que la permaculture possède un potentiel sans équivalent. Agriculture globale, très faiblement mécanisée, basée sur des principes d’autorégulation, de valorisation des ressources renouvelables, d’intégration de la diversité ou de non-production de déchets ; elle permet de dégager des rendements supérieurs à toutes les autres formes d’exploitation, respecte l’environnement et notre santé et permettrait d’assurer l’autosuffisance alimentaire de La Réunion. Les connaissances et les savoir-faire pour développer la permaculture en milieu tropical sont présents chez nous. Ainsi, s’inspirant des techniques créoles anciennes de mise en valeur de la terre, les spécialistes les ont enrichies des dernières connaissances scientifiques. Le résultat est réellement spectaculaire et correspond parfaitement aux différentes caractéristiques agricoles locales. Une volonté politique affirmée permettrait d’inscrire cette approche de manière décisive dans le paysage réunionnais. A cet égard nous pouvons être un territoire pilote pour la transition agricole.
Renforcer les filières d’élevage.

Aussi importante soit-elle l’autosuffisance alimentaire ne se résume pas uniquement  à l’agriculture. La question de l’élevage doit être prise en compte pour atteindre cet objectif. Les conditions de vie et de travail des éleveurs sont actuellement désastreuses à La Réunion. Touchés de plein fouet par la concurrence mondiale comme leurs homologues hexagonaux, les éleveurs réunionnais se retrouvent de plus dans une situation de captivité face aux monopoles. Contraints d’importer des bêtes malades qu’ils doivent rembourser même après leur décès, ils se voient également dans l’obligation d’acheter leur alimentation à une coopérative, URCOOPA, qui profite au maximum de sa situation monopolistique. Cette situation a de forts impacts sanitaires pour la population. Ainsi le lait produit à La Réunion concentre un taux très important d’antibiotiques car le cheptel est fortement touché par des maladies. Le programme que nous portons permettra de briser les monopoles en mettant en place des circuits de distribution publics. Cela développera la filière tout en améliorant la qualité des produits pour les consommateurs.

Mise en place d’un bouclier douanier pour protéger les productions locales

L’industrie agro-alimentaire réunionnaise fait face à de nombreuses difficultés. La principale d’entre elles réside dans le fait qu’elle ne peut pas rivaliser face aux mastodontes mondiaux du secteur. Dynamiques et créatives nos entreprises doivent être protégées par l’Etat et non abandonnées dans la jungle du libre-échange planétaire. Dans une optique de relocalisation de l’économie, de lutte contre le chômage, de lutte contre le réchauffement climatique et d’autosuffisance alimentaire, nous mettrons en place un bouclier douanier. Celui-ci prendra notamment la forme d’une taxe kilométrique pour les importations modulée en fonction de l’impact carbone mais également d’un accès privilégié pour les produits réunionnais aux marchés hexagonaux et européens. 

L’objectif d’autosuffisance alimentaire, tout comme celui d’autonomie énergétique, est parfaitement atteignable à La Réunion. Pour y parvenir l’Etat doit impulser et planifier une politique volontariste allant en ce sens. Disposant des ressources naturelles nécessaires et d’un marché intérieur suffisant, nous pouvons reprendre le contrôle de notre souveraineté alimentaire. Condition indispensable pour améliorer concrètement nos conditions de vie, maîtriser un développement anarchique, sauvegarder  notre écosystème insulaire et rétablir des relations solidaires avec les pays de l’Océan Indien.

Perceval GAILLARD Porte-parole du Parti de Gauche à La Réunion

 

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