Lorsqu’on parle de (hum !) « Grande » guerre, le premier titre sautant à la mémoire est « Ceux de 14 » de Maurice Genevois. Cette immense, horrible et splendide somme romanesque est l’ouvrage le plus complet sur 14-18. Même les historiens professionnels n’arrivent pas à la cheville du romancier dit « régionaliste », blessé par trois fois dès le début du conflit, qui a su avec une admirable justesse de ton raconter l’enfer des enfers.
On pense aussi au « manuscrit perdu » (pendant 65 ans), « Guerre », de Louis Ferdinand Céline, horrible et bordélique, bien dans le style du bon docteur Destouches.
Dominique Maraval évite à l’aise les pièges de l’imitation ou de la copie en s’y prenant différemment. Entre Charybde et Scylla, il invente des personnages qu’il aime ; qui, donc, ont forcément existé. Deux jeunes, malheureusement nés d’un côté et de l’autre d’une soi-disant infranchissable barrière sociale. L’un est le fils unique d’un hobereau de province ; l’autre est le rejeton d’un anarchiste de haute volée, droit dans ses convictions mais… con comme la lune.
Ces deux êtres improbables vont se rencontrer, se méfier l’un de l’autre avant de, très vite, s’apprécier et s’aimer. Amaury va apprendre à Floréal ses connaissances scientifiques de dame Nature ; Floréal va enseigner à Amaury les subtilités du braconnage bien compris sur les terres de son papa.
On s’aime pour moins que ça.
Amaury s’amourache de la soeur de Floréal, chose impensable alors ; la guerre se profile à l’horizon ; les deux amis se retrouvent mobilisés… à vous de lire la suite.
Tout l’art de Maraval est d’utiliser un langage simple mais précieux ; une langue française qui m’est aussi chère que MA langue créole et que je défendrai à couteaux tirés jusqu’au bout.
Maraval connaît les mots et leurs subtilités. Sans pédanterie aucune, il remet à l’honneur des vocables que je me désolais être le seul à savourer encore. Comme ce « gougnafier », tiens, que j’ai entendu dans la bouche de Me Boniface à Champ-Fleuri un jour. Cinquante ans que je ne l’avais pas entendu.
Vous l’aurez compris – ou alors, je m’exprime vraiment mal – ce roman est un petit bijou.
Le Maraval nous fourvoie entre passions et drames affreux avec une aisance de grand faiseur.
Que lui demander de plus ?
C’est quoi ton prochain délire, de Bonnery ?
J.B.
« Crosses en l’air »
Dominique Maraval de Bonnets
Editions Orphie
En librairie, 18 euros.