Le premier projet de loi porté par le garde des sceaux Eric Dupond-Moretti, dont le fil rouge est « le rétablissement de la confiance du citoyen dans la justice », a été présenté ce mercredi 14 avril en conseil des ministres. Intitulé « Pour la confiance dans l’institution judiciaire », le texte sera examiné le mois prochain par le Parlement.
L’ancien avocat souhaite que la durée des enquêtes préliminaires menées par le parquet soit réduite à deux ans, exceptionnellement trois sur « demande motivée » des procureurs. Les personnes visées devraient avoir accès à leur dossier au bout d’un an si elles font l’objet d’une audition ou d’une perquisition.
En cas de fuite d’une partie du dossier dans les médias causant une atteinte à la présomption d’innocence, les mis en cause pourront y accéder sans délai.
L’ancien pénaliste envoie un signe aux avocats de la défense en inscrivant le « secret professionnel de la défense » dans le code de procédure pénale, avec un renforcement des garanties en cas de perquisitions ou de mise sur écoute d’un avocat.
Des films à but pédagogique
Les procès pourraient être bientôt filmés et diffusés à titre pédagogique et après autorisation de la Chancellerie.
Pour l’instant, seuls les procès historiques peuvent être filmés (celui de Maurice Papon ou du sang contaminé par exemple). Désormais, Éric Dupond-Moretti souhaite l’enregistrement de tous types d’audiences : assises, correctionnelles, ou civiles, afin « que les Français comprennent mieux le fonctionnement d’une justice qu’ils connaissent mal ».
Les audiences pourront être retransmises sous forme de documentaire ou d’émission de type « reportage » une fois le jugement rendu et avec l’accord des parties. Le projet de loi prévoit que les chaînes de télévision du service public (mais d’autres auraient déjà proposé des formats) soient en charge des captations et des commentaires.
Généralisation de la cour criminelle
D’autre part, le ministre de la justice souhaite la généralisation des cours criminelles à partir du 1er janvier 2022 et donc sans attendre la fin de la période d’expérimentation fin 2022. Il fait valoir des délais d’audiencement deux fois plus courts et moins d’appels pour des peines identiques. Autre avantage : juger plus vite les criminels qui encourent 30 ans de réclusion ou la perpétuité.
Actuellement expérimentée dans 15 départements dont celui de La Réunion, la cour criminelle est composée de cinq magistrats qui jugent les crimes pour lesquels 15 à 20 ans de réclusion criminelle sont encourus. Il s’agit de viols dans la très grande majorité des cas.
Au niveau des assises, la loi compte renforcer la voix des jurés populaires qui continueront de juger les crimes les plus graves. Il faudra désormais 7 voix sur 9 (donc la majorité des 6 jurés populaires) pour condamner un accusé en première instance.
Suppression des crédits de peine automatiques
Du côté des détenus, la loi crée un contrat d’emploi pénitentiaire pour ceux qui travaillent en prison et qui pourront donc cotiser au chômage, à l’assurance-maladie et à la retraite. Elle veut également supprimer les crédits « automatiques » de réductions de peine des détenus qui ne seraient désormais plus accordés qu’au mérite, et encourager le recours au bracelet électronique comme alternative au placement en détention provisoire.
Le projet de loi a été a froidement été accueilli au sein du monde judiciaire, les syndicats de magistrature déplorant qu’il n’ait pas fait l’objet d’une concertation.