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« Billy Summers » (Stephen King) – Son meilleur roman : anti-Stephen King de haute volée

L’auteur, spécialisé dans la frousse à haute dose, adore rien tant que surprendre son lectorat. Eh ben là, pour le coup, il a fait encore plus fort que d’habitude. C’est du Stephen King… tout en étant autre. Je déteste les superlatifs mais là, je dirais que c’est quand même son meilleur roman, et de loin.

Ecrit par Jules Benard – le samedi 22 octobre 2022 à 08H36

« Un type bien qui fait un sale boulot », voilà ce que dit sobrement la 4è de couve. Pour le reste, ce sont 550 pages d’un suspense époustouflant. Réservées à ceux qui, comme moi, adorent les romans qui n’en finissent plus. Ces romans où l’on ne cesse de se dire : « Mais bon Dieu, quand est-ce qu’il nous la donne, la clé de l’énigme ? »  Et dans le même temps, on se réjouit : « Chouette ! Encore 300 pages à dévorer ! »

Et ce livre se dévore avec un plaisir de gourmet/gourmand.

On est dans un polar de très haute volée ; on est au cinéma, devant un road-movie des plus serrés avec clins d’oeil appuyés à « Thelma et Louise » ; on est dans un livre de géographie, à la découverte de ces petites villes surgies de nulle part, que King affectionne ; on mijote devant les démêlées du héros qui se dépatouille avec les aléas tordus d’une existence qu’il n’a certainement pas voulue. On se retrouve plongé dans un Irak en délire, une guerre aussi sale que les autres, une guerre créée par un démiurge idiot qui a inventé de soi-disant bombes nucléaires pour détruire un dictateur, mais surtout son peuple, sa culture… Ce roman est donc également une sacrée leçon d’histoire au ras des dunes, où l’on apprend que les guerres, toutes les guerres, n’ont aucune raison d’être déclenchées. C’est donc, du même coup, une salutaire leçon d’humanisme malgré l’horreur.

Billy Summers, tireur d’élite, ex-Marine, ex-héros de la sale guerre de George WW Bush (dit « le bretzel-maudit »), a involontairement mal commencé dans la vie, en flinguant, à l’âge de 14 ans, le compagnon de sa mère, lequel venait lui-même de massacrer sa petite soeur en lui défonçant la poitrine à coups de pieds.

Voilà qui vous donne d’emblée une idée de la trame et de l’ambiance, étouffante tout au long de ces pages.

Maisons d’accueil et engagement chez les Marines à 17 ans, corps d’élite où il révèle vite ses dons de tireur hors du commun (et hop ! autre clin d’oeil à l’« American snipper » de Clint Eastwood). Chamboulé à mort après sa démobilisation, comme tous les vétérans de toutes les guerres, Billy Summers embrasse par hasard la carrière de tueur à gages. Mais ce qui fait la différence d’avec ses collègues flingueurs, c’est que lui a de la moralité : il ne tue que des salauds. Est-ce un motif suffisant ? Lui-même ne semble guère en être persuadé mais comme il ne sait rien faire d’autre…

Cher payé pour sa science du fusil à longue portée, (très) las d’appuyer sur la gâchette et de faire gicler des calottes crâniennes, il en vient à accepter un tout dernier contrat avant de se mettre en retraite. Mais c’est si bien payé aussi : deux millions de dollars, ça ne se refuse pas !

Après quoi, encore en pleine forme du haut de ses cinquante balais, il pense se retirer dans un coin peinard avec plage, cocotiers et soleil.

Ceci pourrait être semblable à n’importe quel polar noir. La différence avec King, c’est qu’il a l’art d’emmêler les pédales et quand chez lui, ça dérape, têtes-à-queues et tonneaux se mêlent à plaisir et tout virevolte mille fois.

Au fil d’un suspense haletant, où rien ne se passe comme prévu malgré l’immense savoir-faire de Billy, Stephen King accumule coups de théâtre, changements de direction et canulars sinistres en veux-tu en-voilà.

Nous l’avons dit, on est loin de l’horreur, de l’épouvante, du surnaturel auquel il nous a habitués. Il n’y a rien de commun avec ses chefs-d’oeuvre que l’on connaît, « Shining », « Carrie », « Cujo », « Christine », « Misery », « Dolorès Clairborne »… Des suspenses qui nous ont fait saliver jusqu’à plus soif et presque tous portés au grand écran.

Toutefois, si l’épouvante « kingsienne » n’est pas le moteur principal de cet ouvrage, elle est quand même là, vers la fin, quand on se dirige vers le dénouement. Notre écoeurement atteint son comble lorsque ce malicieux bonhomme nous apprend pourquoi tout ceci est arrivé. Il utilise pour cela des faits réels, des faits indignes de l’être vivant, des faits qui vous causent des serrements de rejet à la gorge. Mais King a le don, l’art de multiplier par cent-mille le fait divers le plus répulsif.

Pour apprécier au plus haut point les moindres pages, il faut prendre son temps, sous peine de rater ce qui, au fur et à mesure, donne à ce roman un indéniable charme. Personnellement, je ne vois qu’un seul de ses autres romans pouvant lui être comparé : « Dead zone ».

Cet ouvrage est aussi une petite leçon de culture sans pédanterie. King évoque souvent son amour de la littérature, américaine ou française d’ailleurs. On y apprend que King est un idolâtre de Zola (cité au moins 50 fois) ; et aussi qu’il déteste Donald Trump (« le seul pays où un escroc notoire peut devenir président de la république » !)

« Billy Summers » de Stephen King
Chez Albin Michel, 550 pages
En librairie, 28,63 euros
A ne surtout pas rater !

 

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