Les premières tentatives de production de sucre à l’île Bourbon commencent entre 1785 et 1793 de à Saint-Benoît chez M. Laisné de Beaulieu, soit une quarantaine d’années après l’île de France (Maurice) mais son moulin est balayé par un cyclone. La plupart des motrices de l’époque, sont alimentées par des moulins à eau ou à vent, ou encore les manèges qui pressent la canne à la force des mulets. L’eau y est amenée par des canaux construits depuis le cours d’eau le plus proche, le débit est en rapport avec la déclinaison du terrain jusqu’au moulin.
Les colons passent la canne dans le fangourin, entre deux rouleaux de bois. Mais le vesou récolté nommé fangourin également ne se conserve pas. Alors dans tous les coins de l’île, les guidiveries (distilleries) font leur apparition. Au début du XIXe siècle, les alcools de Bourbon sont lourdement taxés, sur décision du général Decaen nommé dans l’île par Napoléon Bonaparte qui préfère favoriser l’île sœur. Les planteurs Bourbonnais qui ont beaucoup investi dans la plantation de la canne décident de fabriquer du sucre. D’ailleurs en 1804 la France perd Saint-Domingue et en 1810 l’île de France, ses plus gros producteurs de sucre.
Grand propriétaire, fils de Mme Desbassayns, Charles Panon Desbassayns fait figure de précurseur dans l’industrie sucrière. Il teste plusieurs procédés pour écraser la canne : un moulin à bras, un moulin à vent dont il reste des vestiges. Après avoir couvert le quartier du Chaudron de champs de canne à sucre, en 1815, il y monte une nouvelle usine et commande en Angleterre un moulin mécanique en fer à engrenages. En 1817, très en avance sur son temps, il l’équipe d’une « pompe à feu » d’une puissance de 6 Chevaux. Le Chaudron est donc par sa mécanisation avancée, la première usine sucrière de l’île, plusieurs autres lui succèderont. Ainsi, il apprend à bon nombre de colons la manière de produire du sucre plus rapidement et avec un besoin de main-d’œuvre moindre.
L’exploitation et la production du sucre devient une des premières mondiales grâce à la chaudière à basse température et à rotateur de Wetzell. Pionnier et novateur, Charles Desbassayns travaille avec des chercheurs, sa mère propriétaire à Saint-Paul, et son frère Joseph propriétaire de l’usine de la Rivière des Pluies et du Grand Hazier à Sainte Suzanne. La production sucrière augmente, les machines nouvelles font leur apparition comme celle inventée par Stanislas Gimart, une batterie à foyer unique pour plusieurs chaudières révolutionnant les méthodes anciennes d’un foyer pour une chaudière. La production de canne à sucre augmente à son tour grâce aux méthodes de culture à 12 pouces et de rotation triennale de plantation de la canne instaurée par l’agronome Joseph Desbassayns. Les nouveaux procédés d’exploitation font le tour des sucriers et propulsent près de 100 usines sur le territoire Bourbonnais.
La crise du café est effacée, l’exploitation et la production du sucre deviennent un modèle mondial.
Napoléon 1er est oublié, les moulins des planteurs bourbonnais fabriquent aussi bien le rhum que le sucre. La première distillerie à vapeur vient se greffer à la sucrerie de Charles Panon Desbassayns. L’usine de son frère Joseph le suivra de près. En 1834, de nombreuses usines à vapeur (plus de 150), sont en activité dans l’île. Les moyens humains utilisés varient entre 20 et 200 esclaves. Les propriétaires sont aussi bien des exploitants agricoles, des commerçants ou des notaires qui récupèrent les exploitations des petits colons qui n’arrivent pas à sortir leur épingle du jeu. L’exploitation de Bel Air St-Louis est tenue par des affranchis. Des producteurs puissants possèdent de grosses exploitations, des débarcadères personnels et parfois même leurs propres bateaux de côtes ou de haute mer.
La révolution industrielle est en avance à Bourbon. Seule ombre au tableau, le transport. Les cannes doivent être véhiculées entre les champs et les usines. Puis, une fois fabriqué, le sucre doit à son tour, être amené jusqu’au débarcadère par des hommes ou des bêtes de trait. Les moyens de locomotion sont encore arriérés et les chemins caillouteux. L’emploi de la charrette est indispensable, dans les champs, sur les chemins, aux abords des ponts embarcadères pour l’exportation. Pour amener sa production de sucre de son Habitation jusqu’au débarcadère de Saint-Denis, dans les meilleures conditions, Charles Panon Desbassyns engage les travaux sur la voie publique à ses frais. Depuis la fin du XIXe siècle plusieurs fabriques ferment, les planteurs se regroupent et les bénéfices sont répartis.
Les cannes sont transportées vers des usines de plus en plus importantes et cela jusqu’à ce jour où il ne reste plus en activité que celle du Gol à Saint-Louis et de Bois Rouge à Saint-André.
Depuis sa construction, la propriété et la maison du domaine du Chaudron, ont subi de nombreux aménagements suivant les goûts de ses occupants Lory, Sicre de Fontbrune, Bellier de Villentroy et Moreau. Une allée de cocotiers débouchant sur une fontaine mène à l’Habitation qui comprend la maison principale de style néo-classique, les cuisines extérieures, les dépendances, les hangars, les magasins, l’usine, la guildiverie et les cases des travailleurs (esclaves puis engagés). Le domaine du Chaudron est classé monument historique depuis 1981.
Sources : – Jean-François Géraud , Wetzell : une révolution sucrière oubliée à la Réunion, Revue historique des Mascareignes n° 1 p,113-156 AHOI/ Archives départementales de la Réunion 1998 .
– Sudel FUMA , Une colonie île à sucre-économie de La Réunion au XIXème siècle, La Réunion, Océan éditions,1989.
Album de la Réunion- Dictionnaire biographique de la Réunion- L’histoire de la Réunion