Durant deux nuits du 19 au 21 août, des échauffourées ont éclaté à la Rivière Saint-Louis, non loin de la Pharmacie du Ouaki. 15 à 50 jeunes se sont rassemblés, ont posé des barricades et mis le feu aux poubelles et au mobilier urbain. Parmi les jeunes encagoulés, beaucoup de mineurs. Si le jeudi soir, les gendarmes tombés sous une pluie de galets, bouteilles et projectiles en tout genre ont dû se retirer en faisant usage de leur grenade de désencerclement, le lendemain, en effectif renforcé, les gendarmes sont parvenus à interpeller un individu.
Romain*, 24 ans, considéré comme le meneur, affirme être descendu dans la rue ce soir-là, d’abord par curiosité, puis a participé aux jets de galet « pour caillasser la loi contre le pass sanitaire », « pour réveiller le peuple ». Un témoin a également entendu sortir de sa bouche « allé fé bour zot pass sanitaire et mèt dan zot boyo ». Sans se démonter et frisant l’insolence, le jeune homme jugé en comparution immédiate ce mercredi a nié pour autant les dégradations. « Le feu était déjà là, je n’ai fait que l’alimenter ».
L’enquête des gendarmes les a ensuite menés sur la piste de 5 autres jeunes majeurs. Laurent, 25 ans, également pointé comme un des meneurs, a finalement reconnu être sorti lui aussi par curiosité et « pour lutter contre les vaccins ».
Stanley, 24 ans, a reconnu avoir jeté des bouteilles sur les gendarmes pour faire comme les autres. Luc, 20 ans, a avoué avoir jeté des palettes dans le feu. Brice, 28 ans, et Brandon, 19 ans, ont expliqué leur présence à ces échauffourées par la curiosité.
Un guet-apens pour agresser les gendarmes
« Caillasser la loi pour protester contre le pass sanitaire finalement c’est normal », s’est affligée la substitut du procureur Emilie PetitJean, qui a reconnu que tous les mis en cause n’étaient pas sur le banc des accusés. « On voulait juste agresser les forces de l’ordre », a fustigé le ministère public, rappelant que des manifestations pacifiques se déroulent tous les samedis à Saint-Pierre. Douze épisodes de ce type se sont produits depuis le début de l’année, a-t-elle encore ajouté pour appuyer la gravité des faits et des peines de prison ferme avec mandat de dépôt requises à l’encontre des prévenus au casier vierge pour quatre d’entre eux.
Pour la défense de Brice, la bâtonnière Me Isabelle Lauret a fait valoir que « finalement le contexte anxiogène est le terreau de la contestation que l’on a en soi, se servant de tous les prétextes, notamment antivax, mais c’est souvent de l’anti soi », a-t-elle analysé. Son client est uniquement poursuivi pour avoir participé au rassemblement en vue de la préparation des violences. « La curiosité est certes un vilain défaut mais ce n’est pas suffisant pour cette prévention et encore moins pour une condamnation ».
Après lui, ses confrères ont tenté de plaider le « manque de clarté, d’évidence et de preuve », ou encore, à entendre les réquisitions, la volonté du parquet de « faire passer un message par le biais des médias de ne pas utiliser cette protestation antivax pour casser mais nous ne sommes pas ici pour ça », a relevé Me Dyall Nicolas.
Les robes noires n’ont pas été entendues. Le tribunal a suivi les réquisitions du parquet. Romain et Laurent, père de deux enfants dont un de trois mois, ont été condamnés à de la prison ferme. Considérés comme les meneurs, ils ont rejoint leur cellule pour 6 à 10 mois et à leur sortie devront effectuer 210 heures de travaux d’intérêt général.
Stanley a écopé de 15 mois de sursis pour les violences envers les gendarmes et les dégradations. Le jeune homme devra effectuer également des TIG tout comme Brice et Luc en fonction de leur degré d’implication.
Luc, apprenti boulanger et l’un des seuls à avoir un casier, a été condamné à 10 mois sous bracelet électronique. Les trois auteurs de violence contre les gendarmes devront s’acquitter de 500 euros de préjudice moral pour chaque gendarme constitué partie civile.
*prénoms d’emprunt