Le 30 août 2017, après six années de batailles procédurales et conformément aux réquisitions du parquet de Paris, deux juges d’instruction ordonnaient le renvoi en correctionnelle du groupe pharmaceutique Servier pour « tromperie aggravée, escroquerie, blessures et homicides involontaires et trafic d’influence » et l’Agence nationale de sécurité du médicament (Ansm) pour « blessures et homicides involontaires par négligence ».
Le 23 septembre 2019, onze personnes morales et quatorze personnes physiques se sont retrouvées à la barre du tribunal judiciaire de Paris (17°) où s’est tenu le procès du Médiator clôturé en juillet 2020 après 500 heures de débat.
Neuf mois de délibéré plus tard, les magistrats, par la voix de la présidente de la 31e chambre correctionnelle, Sylvie Daunis, ont rendu leur décision. La Justice a condamné les laboratoires Servier pour « tromperie aggravée » et « homicides et blessures involontaires » à une amende de 2,7 millions d’euros. Jean-Philippe Seta, ancien numéro 2 du groupe, a écopé de 4 ans de prison avec sursis. L’Ansm a été condamnée quant à elle à une amende de 303.000 euros.
En se basant sur la dernière expertise judiciaire, le parquet de Paris avait chiffré entre 1520 et 2100 le nombre de décès à long terme causés par le Mediator et dans son réquisitoire de près de 600 pages, estimé que les laboratoires Servier avaient mis en place une « stratégie » pour dissimuler son caractère anorexigène et n’avaient pas signalé les risques d’hypertension artérielle pulmonaire, une pathologie rare incurable, et ceux de graves lésions des valves cardiaques (valvulopathies) qui lui étaient imputables.
Prescrit pendant plus de 30 ans
Prescrit pendant plus de 30 ans à 5 millions de personnes en France, le Mediator, un antidiabétique largement détourné comme coupe-faim, a été retiré du marché en novembre 2009, cinq ans après l’Espagne et l’Italie.
La pneumologue du CHU de Brest, Irène Frachon, qui a assisté à tout le procès, a dénoncé la première ce qui est devenu un scandale sanitaire.
Mis au point par les laboratoires Servier, le Mediator a été commercialisé de 1976 à 2009. Une étude de la Caisse nationale d’assurance maladie a montré que sur cette période d’utilisation, le nombre de cas de valvulopathies (une défaillance cardiaque qui affecte le débit sanguin) a été multiplié par quatre.
Le procès s’est tenu en l’absence du principal intéressé, Jacques Servier, le fondateur des laboratoires, décédé en 2014 à l’âge de 92 ans.
Son successeur Jean-Philippe Seta s’est donc tenu sur le banc des prévenus poursuivi pour « obtention indue d’autorisation », « tromperie sur les qualités substantielles et sur les risques inhérents à l’utilisation du Mediator », « mise en danger de l’homme », « homicides involontaires » et « blessures involontaires », alors qu’il était n° 2 du groupe.
Cinq ans de prison dont trois ferme et 200.000 euros d’amende ont été réclamés à son encontre par l’accusation et une amende de 200 000 pour l’ANSM.
3600 malades ont fait le choix d’une indemnisation
2238 personnes se sont constituées partie civile dont 44 Réunionnais auxquels il faut ajouter 336 personnes morales, et 470 ayants droit. Près de 400 avocats ont été mobilisés pour assurer leur défense.
Environ 3600 malades auraient fait le choix d’une indemnisation de la part de Servier en s’engageant à ne pas le poursuivre. Si certains ont choisi le volet pénal, d’autres pourront, à l’issue de cette condamnation des laboratoires Servier, se constituer au civil directement auprès des tribunaux dionysiens et saint-pierrois.
Une procédure en parallèle est toujours à instruction au pôle santé publique du parquet de Paris et concerne ces victimes qui se sont déclarées après la clôture de la première procédure. Il y aura donc forcément un deuxième procès Médiator dans les prochaines années.
Voire un troisième si les laboratoires Servier choisissaient de faire appel de la décision tombée ce lundi 29 mars 2021.