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Émile Hugot, l’empreinte d’un siècle

Émile Hugot, ingénieur talentueux disparu en 1993, laisse une empreinte inéluctable dans l'industrie sucrière locale et internationale au XXe siècle.

Ecrit par Sabine Thirel – le samedi 28 novembre 2009 à 08H16

Au début du XXe siècle lorsque Paul Charles Émile Hugot,  nait à Saint-Denis de La Réunion  (1904), son père Anatole Hugot (1869-1946) est agent de change, un homme d’affaire renommé qui deviendra  directeur d’usines sucrières.    
Entre 1913 et 1921, Emile Hugot suit des études secondaires au lycée Leconte de Lisle (Collège Bourbon) tout juste reconstruit après le terrible incendie qui l’a ravagé en 1910.
Alors qu’en 1920, le nouveau propriétaire de l’usine de L’Eperon est la société d’Anatole Hugot, brillant élément, à la rentrée scolaire son fils, Emille Hugot entre au Lycée St Louis à Paris et deux ans plus tard rejoint l’École Centrale des Arts et Manufactures de Paris en dont il suit les cours jusqu’en1926. Il en sort ingénieur.

 

L’année suivante alors que son père, Anatole Hugot devient Président du CERF, poste qu’il occupera jusqu’en 1943, Emile est élève-officier à Poitiers, puis sous-lieutenant d’artillerie. Il devient chimiste de sucreries avant de rentrer à La Réunion.
De retour à la Réunion en 1928, il est nommé ingénieur géomètre à la Société Hydro-Electrique de la Réunion (SHER 1928-1929).    
Après avoir étudié comment pomper de l’eau dans la Rivière des Marsouins pour créer de l’énergie hydraulique. Il s’intéresse au sucre. Il assiste son père au Cabinet Hugot. Il devient administrateur à la Société Adam de Villiers à La Mare en 1932  puis à celle de l’Eperon. Par la suite il prendra successivement la direction de plusieurs sucreries, l’Eperon, Savanna et Grands-Bois.

 

Lors de la seconde guerre mondiale, le lieutenant Emile Hugot, commandant de la Batterie de Côte de Pointe-des-Galets, est blessé lors du débarquement du Léopard en novembre 1942.  Membre de État Major des Forces Françaises Libres il sera à Londres, en Alsace puis dans les Alpes. Devenu capitaine il rentre à La Réunion à la fin de la guerre. Les usines de sucre de betterave sont saccagées dans l’hexagone, le sucre de canne regagne ses lettres de noblesse.
La préoccupation de l’ingénieur est désormais le sucre de canne. Le 2 décembre 1948, il crée les Sucreries de Bourbon en regroupant les usines et les propriétés de l’Eperon, de Savanna, de Grands-Bois, de la Convenance et de la Mare. Emile Hugot en devient le président directeur général  jusqu’en 1979 date à laquelle Jacques de Chateauvieux lui succède. L’habitation et l’usine de Stella rejoignent le groupe en 1952.

 

Les Sucreries de Bourbon s’équipent de machines modernes et performantes. Elles deviennent puissantes dans le milieu sucrier local jusqu’à assurer  la moitié de la production Réunionnaise. Le regroupement des terres, des usines, de la main-d’œuvre sont étudiées dans le but de limiter les dépenses de la société tant sur les plantations que dans les usines pour la fabrication de sucre et du rhum. C’est à Emile Hugot que revient la méthode de calcul du paiement de la tonne de cannes à la richesse et plus seulement au poids. Il propose des adaptions de techniques pour produire plus dans de cannes et aussi plus de sucre.

 

Fondateur de Distillerie de Savanna, il est aussi président de l’Energie Electrique de La Réunion entre 1950-1975, vice-président de la Chambre de Commerce de 1954-1974, membre de la Chambre d’Agriculture de 1946-1980 et aussi membre du Comité Economique et Social.
En 1965 à La Mare, par soucis de récupération des déchets, Emile Hugot expérimente la fabrication de panneaux d’agglomérés de bagasse sous le nom de bagapan. Mais ne pouvant éliminer totalement l’humidité de la fibre et la moisissure qui vient s’y greffer, le projet est annulé peu de temps après. La centrale thermique de Bois-Rouge,  voit le jour dans le même objectif.

 

Emile Hugot, père de six enfants, se déplaçait d’une usine à l’autre par avion. Près de chaque usine, se trouvait une petite piste d’atterrissage en terre battue signalée par une manche à air.
Mondialement connu et reconnu, Emile Hugot surnommé « Monsieur Sucre » a participé aux Congrès internationaux du sucre dont un s’est tenu à La Réunion en 1979, à plusieurs missions à Hawaï, Cuba, Porto Rico, au Brésil ou encore à Taïwan ; auteur de  « La Sucrerie de Cannes » (1950, réédité en  1970 et 1987) traduit en anglais sous le titre de « Hardbook of Cane Sugar Engineering » (1960 puis 1972 et 1985) puis en espagnol et aussi en portugais.

 

En 1985, Emile Hugot disait au sujet de l’évolution de l’industrie sucrière à Bourbon dans Témoins architecturaux et mécaniques de l’industrie sucrière à La Réunion : « La technique, elle, n’a cessé de monter. Au début, la canne était pressée entre des cylindres de bois verticaux, mus par bœufs ou mulets. Il y eut des moulins à vent et à eau ; la vapeur fit son apparition au milieu du XIXème siècle, le moulin à vent prit sa disposition moderne, et ne cessa de grossir. Le multiple effet se répandit à la même époque, ainsi que les centrifuges.
Le nombre des usines ne cessa de croître jusqu’à la crise des années 1860, pour atteindre la centaine, et de décroitre depuis lors.
L’histoire de l’île, depuis le XIXème siècle, est entièrement liée à ces avatars. Il en reste des traces éparses, mais la population a été fort peu respectueuse de ces ruines marquant les étapes successives et l’Administration ne s’est préoccupée que récemment de les protéger et de veiller à leur conservation ».
A son décès à Saint-Denis en 1993, le centre de documentation du Muséum Stella Matutina où une grande partie de sa bibliothèque personnelle relative à l’activité sucrière est consultable, prend le nom d’Emile Hugot.
 

Sources :
clg-ehugot.ac-reunion  
Le Centre  de Documentation Emile Hugot, Muséum Stella Matutina.
Distillerie Savanna
Témoins architecturaux et mécaniques de l’industrie sucrière à La Réunion
Bois Rouge – Une sucrerie réunionnaise – Bernard Leveneur-Sucrerie Bois Rouge

 

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