Certaines histoires de famille sont lourdes à porter, mais d’autres sont parfois exceptionnelles. C’est le cas de celle d’Alexandre Dällenbach, le premier Réunionnais qualifié aux Jeux Olympiques de Paris, qui a puisé ce rêve et sa motivation dans l’histoire de sa maman Chantal Dällenbach-Fontaine. Victime d’un très grave accident qui va la plonger dans le coma, elle est pratiquement condamnée. Par miracle, elle va guérir et pratiquer la course à pied afin de se remettre en bonne santé. Un an plus tard, elle prenait la ligne de départ lors des JO d’Atlanta de 1996.
« Je vais avoir le même âge qu’elle pour les JO, 33 ans. C’est une belle histoire, cent fois plus belle que la mienne. Je pense toujours à son histoire quand j’ai besoin de me motiver. Car c’est ce qu’elle m’a transmis et que je veux transmettre à mes enfants : ne jamais abandonner, travailler et toujours chercher à devenir la meilleure version de soi-même », explique Alexandre Dällenbach.
La route des JO, un long fleuve pas vraiment tranquille
Depuis qu’il est âgé de 7 ans, le jeune Alexandre rêve de suivre les traces olympiques de sa mère. Très sportif, il pratique de nombreux sports et se retrouve rapidement en équipe nationale de triathlon et de course à pied. De bonnes bases pour le pentathlon moderne qui se compose de la natation, de l’escrime, de l’équitation, de course à pied et de laser run, un enchaînement de tirs au pistolet laser.
Il découvre le pentathlon grâce à sa sœur qui le pratique. C’est en 2014, à la naissance de son premier fils, qu’il se décide à se lancer pleinement dans ce sport. « Je ne savais pas faire de cheval, de tirs ou d’escrime. J’y suis allé avec beaucoup d’arrogance au départ, mais finalement ce sport m’a apporté beaucoup d’humilité. Car le cheval que vous montez pour la première fois se fiche de qui vous êtes et l’escrime à une seule touche fait que vous pouvez battre le numéro un mondial sur un match, puis perdre le suivant contre votre grand-mère « , s’amuse-t-il.
Même si le pentathlon moderne est très peu pratiqué à La Réunion, c’est bien dans l’île qu’il a préparé ces disciplines qu’il ne connaissait pas. Pour l’équitation, c’est au haras des cocos à Piton Saint-Leu qu’il est monté sur un cheval pour la première fois. Pour l’escrime, c’est au Bourbon Escrime Club de Saint-Marie qu’il a fait ses premières touches. Enfin, c’est à l’Athletic Club du Tampon qu’il a renforcé son niveau en athlétisme. « On s’entraîne trois fois par jour, parfois de 8h à 21h, voire plus. C’est la discipline qui demande le plus d’heures de travail », explique-t-il.
Il avait envisagé la retraite…
Toujours investi dans son rêve olympique, Alexandre a préparé les JO de Tokyo en 2021. Malheureusement, il fait un arrêt respiratoire en plein pendant les qualifications. Des ennuis de santé qu’il va traîner longtemps. « Durant six mois, je n’osais pas aller nager seul dans ma piscine de peur de me noyer », explique-t-il. Nécessairement, il pense qu’il s’agit de la fin de sa carrière sportive.
Finalement, c’est un ami brésilien qui va le remotiver en l’invitant à faire un stage avec l’équipe d’Italie au Portugal. Entre le Réunionnais et les Italiens, c’est un véritable coup de foudre qui s’opère. « Le directeur technique est venu me voir en me disant qu’ils avaient besoin de quelqu’un comme moi dans leur équipe. Ils aimaient la joie de vivre que j’apportais chaque jour », indique l’athlète.
Finalement, avec son épouse, ils décident d’aller s’installer en Italie pour tenter la dernière chance de décrocher un billet pour les JO. « Cette installation n’était pas que pour le sport. On voulait vraiment que nos enfants profitent de cette expérience de vie et puissent connaître un autre pays et une autre culture. C’est réussi parce qu’après un an, ils parlent mieux italien que moi », souligne-t-il en remerciant sa femme de l’accompagner dans cette aventure.
…mais le meilleur arrivait
En mars 2023, il participe à une compétition où il termine parmi les derniers. Pourtant, quatre mois plus tard, il prend le départ lors des Jeux Européens 2023, à Cracovie, en Pologne. Il parvient à décrocher l’une des 8 places directes pour les JO. « J’ai eu la sensation qu’on m’enlevait un rocher de 200 kg des épaules : j’allais enfin réaliser mon rêve de participer aux JO. »
Bien évidemment, l’appétit vient en mangeant. « Le rêve des qualifications s’est à présent transformé en rêve de médaille. Ce que je veux à présent, c’est aller au bout de mes capacités. Paradoxalement, je préfère terminer 4e en ayant tout donné, plutôt que 2e en me disant que j’ai fait des fautes de concentration. »
Car au final, Alexandre Dällenbach affirme « être plus excité par la route vers les JO que les JO eux-mêmes. Je vis la meilleure année de ma vie. C’est grisant de battre tous ses records et de devenir la meilleure version de soi-même ». Une béatitude qui va le guider jusqu’au Stade de France avec derrière lui pas un, mais trois pays. « Je suis un Réunionnais qui va représenter la Suisse (sa deuxième nationalité, NDLR) et qui boit du café italien », s’amuse l’athlète. Mais nul doute que si médaille il y a, elle aura bien une saveur réunionnaise.