Sophia l. est la première à être appelée à la barre. C’est une petite dame d’un mètre cinquante pesant environ 45 kg. Elle reconnaît avoir porté des coups à sa sœur Mariame qui, en raison de ses soucis de santé, était devenue incontinente : « Elle avait déjà pris plusieurs bains à cause de ses incontinences. Elle avait encore fait dans son linge et ne voulait pas prendre un autre bain maintenant, elle voulait dormir. J’étais énervée, je l’ai frappée avec le Ping et des claques. Elle faisait des crises où elle se frappait elle-même, on l’en en empêchait. La seule chose qui la calmait, c’était de la frapper. Elle se cognait la tête elle-même. »
« Depuis quand elle avait ces crises ? », demande la présidente. « Depuis qu’elle avait quitté son mari. Avec les médicaments, ça s’est calmé mais elle ne voulait plus les prendre », répond-t-elle. La présidente enchaîne alors une série de questions notamment sur la raison de lui avoir coupé les cheveux le jour de sa mort. « Oui, on a coupé ses cheveux. Elle n’était pas d’accord mais elle a laissé faire », dit Sophia. Alors qu’elle minimise la portée de ses coups, la présidente décide de lui montrer les photos de sa sœur le visage tuméfié, sans vie, à même le sol.
« Je l’ai frappée avec la main et le poing – pouce rentré – car elle avait fait dans son linge », reprend Sophia.
« Pourquoi vous aviez des marques sur les bras ? », Poursuit la magistrate. L’accusée n’a pas d’explication. « Vous avez tellement changé de version ! Comme dit le proverbe antillais, les menteurs n’ont pas de mémoire ! », fustige la présidente avant que l’accusée ne reconnaisse avoir perdu son sang froid ce jour-là. Elle enchaîne : « Le fils de Mariame a parlé de gourou, expliquez nous ? »
« C’est pas vrai, il n’y a pas de gourou, je ne suis jamais allée en Inde et je ne parle que français et créole », répond l’accusée avec certitude. « Vous pensez quoi de tout ça ? »
« Pour nous elle était sur le chemin de la guérison »
« Je regrette beaucoup ce qu’il s’est passé, nous on voulait être ensemble, on s’entendait très bien. Ses enfants disent que c’était compliqué de la voir et jamais seuls mais quand ils venaient, ils parlaient de ce que faisait leur père. C’est elle qui nous avait demandé. Ça la rendait agressive avec nous », conclut Sophia qui a été déscolarisée en CM2, n’a plus quitté la maison familiale après et a dormi avec le cadavre de sa tante pendant 23 ans.
Sabeira I. s’approche ensuite de la barre pour s’expliquer. « Vous êtes d’accord avec votre soeur ? Pratiquement oui », répond-t-elle. « Elle était dépressive avant le décès de maman. On l’a aidée, on lui a appris à se débrouiller. Elle avait même fait son passeport toute seule pour aller voir sa fille en métropole. Ça s’est dégradé avant le décès de ma mère. Elle faisait des crises légères au début et en décembre – le mois de sa mort – plus violentes. En crise, elle perdait le sens des choses », explique-t-elle à la cour. « Elle se cognait, se tapait et se tirait les cheveux, pourquoi vous n’avez rien dit au médecin ? », demande la présidente.
« Je n’y ai pas pensé , pour nous elle était sur le chemin de la guérison, on pensait que c’était les effets secondaires des médicaments. On n’arrivait plus à se contenir, on avait beaucoup de problèmes qui venaient se greffer les uns sur les autres », répond Sabeira. « Ce jour-là, vous étiez deux à frapper ? ». L’accusée répond non de la tête puis enchaîne : « Je la tenais, j’étais derrière Mariame ».
« Vous pensez quoi de tout ça ? ». Sabeira, qui ressemble à sa sœur, est face à la présidente et répond : « Je ne sais pas ». La présidente sent que Sabeira peut lui apporter des réponses. Elle insiste en lisant un passage de la lettre qu’elle a écrite à sa sœur en prison, lui faisant remarquer qu’elle ne parle presque pas de Mariame. Elle ajoute habillement que Sabeira avait déclaré en audition avoir porté des coups de pied, de poing et de tête à sa sœur mais elle vient de dire à la barre qu’elles avaient donné cinq bains ce jour-là à Mariame et qu’elle n’était pas là pour les deux premiers. Elle est formelle sur un point : sa sœur n’avait alors aucun hématome avant les bains.
« Oui, je voulais protéger ma soeur »
« C’était donc après ? Vous avez menti pour protéger votre sœur », ajoute la présidente. Un long silence s’ensuit avant que l’improbable ne se produise. « Oui, je voulais protéger ma soeur« , chuchotte Sabeira. Il aura fallu 4 ans pour qu’elle avoue ! C’est un coup de théâtre dans cette affaire. Cet aveu est un véritable coup de théâtre dans cette affaire. Sabeira, 4 ans après les faits, laisse entendre à la cour que seule Sophia aurait porté des coups à Mariame.
La présidente revient sur l’épisode de la momie indiquant que Sabeira avait aussi vécu 23 ans avec le corps momifié de sa tante. À ce sujet, les deux accusées n’ont pu exprimer le moindre ressentiment à la barre, faisant comprendre à la cour que pour elles, c’était une situation normale. « Elles ont été victimes de violences elles aussi, mais elles ne le comprennent pas ! », conclut la magistrate.
Le troisième et dernier jour de procès aura lieu ce mercredi avec pour point d’orgue le délibéré. Il sera précédé des réquisitions de l’avocat général puis des plaidoiries des deux défenses, aucune partie civile ne s’étant manifestée.
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