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Un an après avoir subi l’agression d’un patient, un aide-soignant s’estime peu considéré par le GHER

​David Fullet a subi une scène choquante l’an dernier dans les murs du groupe hospitalier Est Réunion. L’aide-soignant s’est vu menacer par un patient muni d’une arme pointée sur sa tempe. Au lieu de se dissiper au fil des jours, ce choc s’est visiblement amplifié chez lui. L'hommage rendu à l'infirmière tuée à Reims il y a quelques jours a été l'élément qui a poussé cet aide-soignant à se confier sur ce qu'il dit avoir traversé.

Ecrit par Ludovic Grondin – le mercredi 07 juin 2023 à 07H20

Le 16 février 2022, il est environ 17 heures lorsque le service des urgences de Saint-Benoît prend en charge un patient tout excité et agacé. C’est le rush à ce moment-là de la journée. Les ambulances se succèdent pour déposer chaque malade. L’agresseur est un alcoolique chronique. Tout à coup, il refuse la discussion et sort un pistolet de son pantalon qu’il pointe sur la tête d’un aide-soignant. 

« Là c’est le silence total. Ça a duré 15-20 secondes mais ce sont les secondes les plus longues de ma vie », s’en souvient David Fullet. Le personnel soignant ne saura que plus tard qu’il s’agissait d’un pistolet factice. 

Le soir de cette agression, David Fullet poursuit son service comme si de rien était. « Sur le coup, j’ai évacué le stress par de la rigolade avec les collègues. Je suis resté en poste mais à la fin de la vacation, c’est là que tout a commencé à se bousculer dans ma tête », se rappelle-t-il. Il ne se doute pas un instant qu’il s’engage alors dans ce qu’il appelle son « deuxième calvaire avec [son] administration. »

Alors qu’il inscrit sa démarche dans celle d’un personnel victime d’une agression, David Fullet comprend rapidement que son agression semble minimisée par ses supérieurs. C’est en tout cas comme cela qu’il le perçoit, avec quelques éléments pour étayer cette vision.  

« Son cadre lui a dit au début : ‘ben oui, c’est un petit pistolet à l’eau’. Sauf que c’était un pistolet à grenaille, avec des petites billes jaunes. C’est vrai que ce n’est pas super dangereux mais sur une tempe, le temps de comprendre… », soutient Gabriel Rivière, délégué syndical CFDT au GHER. David Fullet enchaîne les arrêts.

« A chaque fois qu’il a fallu déposer des arrêts maladie, ils m’ont dit : faut justifier ton accident du travail ! Qu’est-ce qui a causé ta chute ou rechute ? On m’a dit : ‘vous savez M. Fullet, c’est pas sûr que ça passe en accident de travail !' », retient-il ces petites phrases qui, dans sa tête, expriment tout simplement le peu de considération que l’administration accorderait à l’agression subie. En retour, l’aide soignant s’est aussi vu dire : « Vous savez bien que dans les urgences c’est un endroit qui est sensible, où il y a des agressions ! » « Et j’ai eu quelques pressions par téléphone. Des petites pressions mais difficiles à digérer », souligne celui qui était aussi, avant cet épisode, pompier volontaire. 

« Depuis cet événement, je n’arrive plus à sortir la tête de l’eau », dit-il malgré onze ans d’ancienneté au GHER. Lorsqu’il a repris le travail l’an dernier, la direction du GHER l’a affecté au service de stérilisation, loin du public donc, en espérant répondre à ses tourments. Mais rien n’y a fait, l’aide-soignant ne s’y retrouve pas et rechute. Là encore, la réponse de l’administration tarde à venir selon lui. 

« J’ai déposé mon arrêt maladie il y a un mois et je n’ai eu aucun retour sur la façon dont ils allaient statuer : en accident de travail ou non ? », déplore-t-il ce peu d’entrain qui le laisse dans le vague. Aujourd’hui, il demande du temps pour se « réparer mentalement et physiquement puis trouver un poste où [il] puisse [s’]’épanouir. »

Ce qui l’a motivé à sortir de l’ombre, c’est cette minute d’hommage accordée à l’infirmière de Reims tuée sur son lieu de travail le 23 mai dernier. « Lorsque j’ai vu les cadres de l’hôpital avoir de belles paroles, ça m’a ramené à mon propre cas. Dans la pratique, depuis mon agression, j’ai l’impression de ne pas avoir été pris au sérieux… », dit-il alors qu’il a pris 20 kilos en un an. 

Contactée, la direction nous expose la démarche qui a été la sienne à la suite de cet incident : 

Zinfos : Est-ce que le CHU/GHER a pris au sérieux l’événement qui est arrivé à cet agent le 16 février 2022 ?
 
La direction du CHU de La Réunion / GHER a condamné avec la plus grande fermeté l’agression dont ont été victimes un aide-soignant et un infirmier du service des urgences le mercredi 16 février 2022 et a rapidement pris la mesure de l’incident : cette agression avait fait l’objet d’un appel immédiat aux forces de gendarmerie alors que l’agent avait été reçu le lendemain par sa hiérarchie. Un accompagnement médico-psychologique avait été proposé à cet agent et un signalement effectué auprès du service de santé au travail.

Compte tenu de la nature des faits, un relais a également été effectué auprès de la cellule d’urgence médico-psychologique.

Pour rappel, toute violence physique envers un personnel hospitalier avec ITT inférieure ou égale à 8 jours est passible de 45.000€ d’amende et 3 ans d’emprisonnement (art. 222-13 du Code Pénal). La Direction du CHU de La Réunion/GHER souhaite rappeler sa tolérance zéro face aux violences commises envers les personnels hospitaliers et rappelle que toute agression verbale ou physique de l’un de ses personnels fera systématiquement l’objet d’un dépôt de plainte au nom de l’établissement.
 
Est-ce que le CHU/GHER considère normal que cet agent n’arrive désormais (presque un an et demi après l’événement) à prouver que son état de santé est réellement lié à cette agression ? Ou peut-être qu’il n’y met pas vraiment du sien malgré la proposition d’être affecté au service stérilisation ?
 
Suite à cet évènement, la direction du CHU de La Réunion / GHER s’est immédiatement mobilisé afin d’accompagner au mieux l’agent dans le cadre de sa reprise de poste. Il a été reçu en entretien par le cadre le jour même et par le cadre de pôle le lendemain de l’évènement. Il a été également reçu à la direction des ressources humaines, par le service de santé au travail et par la psychologue du travail, une protection fonctionnelle lui a même été accordée. 

Un CHSCT exceptionnel s’est tenu le 03 février 2022 pour analyser la situation et proposer des mesures complémentaires. Après un premier arrêt de travail, l’agent a été affecté au service de stérilisation conformément aux préconisations médicales lors de la visite de reprise.

Par ailleurs, l’agent, également pompier volontaire, a exigé une réparation financière du fait de son impossibilité d’assurer ses vacations pendant la période où il était en arrêt et une indemnité lui a ainsi été versée en compensation.

Depuis, l’agent a effectivement fait part de son inconfort à travailler au sein du service stérilisation auquel il a été affecté et a indiqué avoir « rechuté » du fait de l’actualité liée aux violences hospitalières. Malgré une volonté forte de la direction du CHU / GHER d’accompagner au mieux cet agent vers un retour serein à son poste de travail, nous ne pouvons que déplorer la situation actuelle mais aussi les prises de position médiatiques inexactes sur le fond de cet agent.
 
Pourquoi son dernier envoi d’arrêt maladie d’il y a un mois de cela reste sans réponse ? 
 
Cette allégation est totalement erronée. Le 25 avril 2023, la direction des ressources humaines a effectivement reçu un certificat médical pour une rechute d’accident de service. Conformément à la procédure, nous lui avons demandé par mail de nous faire parvenir une déclaration d’arrêt de travail expliquant les faits qui ont conduit à cette rechute. Un échange téléphonique a également eu lieu avec lui afin de préciser les attentes. Sur ce document, il n’indique aucun élément déclencheur à sa rechute… Sa demande de reconnaissance d’arrêt de travail est en cours d’instruction et le délai de 1 mois n’est pas inhabituel. Dans l’attente, il est en position d’arrêt maladie.

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