Cette fois-ci, point de travail dissimulé ou de fraude fiscale, c’est au sujet du terrain sur lequel se trouve la société de terrassement, de démolition et de recyclage du saint-andréen.
Humble à la barre, le sexagénaire a reconnu les faits qui lui étaient reprochés, versant presque des larmes dans un discours empreint de victimisation déjà entendu lors de précédentes audiences. Pourtant, une fois n’est pas coutume, la messe n’est pas dite. Car en 2011, alors qu’il possédait un terrain de sept hectares dans le quartier de La Cressonnière, le célèbre transporteur avait accepté de déménager au motif que son activité bruyante dérangeait les riverains qui, peu à peu, s’étaient installés tout autour de son exploitation. En échange de son départ, la mairie lui avait proposé de venir s’installer dans le quartier de La Marine, et de s’adosser à l’usine de Bois Rouge. Le terrain d’environ 3.5 hectares était à l’époque une sorte de décharge sauvage.
Zone rouge inondable
Pour y installer sa société de traitement et de recyclage de matériaux, Jean-Bernard Caroupaye avait été contraint de remblayer la parcelle et de construire une digue afin de créer une plateforme. Entre temps, un protocole d’accord voté en conseil municipal, puis transformé en bail, avait été signé avec la commune. A cette époque, il n’existait ni Plan de prévention des risques naturels (PPRN) ni Plan de prévention du risque inondation (PPRI).
Là où le bât blesse, c’est lorsque la collectivité s’est rendue compte que le terrain en question se situait en zone rouge inondable. Un permis de construire lui avait été attribué, puis retiré en 2014 avant que le tribunal administratif annule cette décision.
En 2015, le quatrième dossier déposé par le chef d’entreprise auprès de la préfecture était enfin accepté sous réserve qu’il régularise la digue et qu’aucun aménagement ne soit réalisé en zone basse, là où les engins de chantier de la NRL étaient entreposés.
En 2017, après plusieurs arrêtés de mise en demeure, les choses n’étaient toujours pas réglées. « Les échanges constants entre les autorités et mon client tout au long de cette histoire prouvent sa bonne volonté », tonne l’avocat du prévenu, Me Frédéric Cerveaux.
Matériel saisi
Pendant ce temps, l’exploitation sur le site s’était poursuivie sans que les remblais situés sur 4400 m2 en zone rouge et 2200 m2 en zone basse ne soient évacués. En 2018 et 2019, la préfecture, qui avait au départ donné un délai d’un mois pour ce faire, renouvelait ses demandes à l’issue des nombreux passages des experts de la DEAL. Les engins de Jean-Bernard Caroupaye avaient été immobilisés courant 2019, suite à une décision de la cour d’appel. C’est toujours le cas aujourd’hui. « Au moins cette audience va me permettre de sortir de cet enfer« , s’est lamenté l’ancien président de la FNTR.
C’est un enfer
Pourtant, malgré une nouvelle demande de mise en conformité en 2020 indiquant que la plateforme empiétait toujours sur la zone rouge inondable et que la terre était souillée par les hydrocarbures, la préfecture constatait, suite à une énième étude topographique, que depuis le début du contentieux « aucune aggravation n’était constatée sur le plan hydraulique par rapport à la situation historique ».
L’incidence hydraulique étant nulle, le bras de fer entre l’entrepreneur pourrait s’arrêter là. Et à en juger par les échanges entre les magistrates, le représentant de la DEAL, Jean-Bernard Caroupaye et son avocat pendant l’audience, tous penchés sur les photographies illustrant chacune des périodes citées, il y a un espoir.
« Vous forcez la main »
« Pas d’accord » lance la représentante de la société. Pour Bérengère Prud’homme, s’il y avait un vice caché dès le départ, Jean-Bernard Caroupaye aurait dû se retourner contre la municipalité et demander des dommages et intérêts. « J’avais pas le choix », s’exclame l’intéressé qui aurait alors été dans l’obligation de cesser son activité.
« Que l’impact soit nul aujourd’hui ne change rien au fait que de 2016 à 2020, M. Caroupaye ait poursuivi ses aménagements sans tenir compte des régularisations qui lui étaient demandées », renchérit le parquet, requérant 1 an de prison avec sursis, 10.000 euros d’amende pour Jean-Bernard Caroupaye et 50.000 euros d’amende pour la SAS. Parce qu’il n’a cessé « de forcer la main », la procureure adjointe demande que le matériel saisi soit définitivement confisqué.
Alors que la zone devrait bientôt être classée en zone bleue, Jean-Bernard Caroupaye sera fixé sur son sort judiciaire le 11 mars.