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Le harceleur violent s’attendait à rentrer en taule, Maître Omarjee le fait libérer

Correctionnelle Sud - Jeudi 15 mars 2018

Ecrit par Jules Bénard – le jeudi 15 mars 2018 à 15H55

Hervé G., 47 ans, grand et mince, se frotte les mains quand on l’appelle à la barre : on va voir ce qu’on va voir ! Être arrivé menottes aux poignets, entouré de trois policiers, ne semble guère lui amoindrir le moral.

Il y aurait pourtant de quoi…

« Elle n’est pas assez intelligente ! »

Gérant de société commerciale, le Guadeloupéen a épousé la Réunionnaise Isa, voici quelque douze années. Ils sont allés vivre un certain temps dans son île à lui et elle lui a donné deux filles, 10 et 12 ans aujourd’hui, dont l’aînée est autiste, ce qui a été mentionné plusieurs fois à l’audience. Le fait n’est pas sans signification, on le verra.

Rapidement, l’ambiance est devenue délétère au sein du couple ; grimaces, reproches, cris, engueulades, coups de plus en plus violents. Les prétextes sont aussi futiles que ridicules, l’homme reprochant par exemple à sa compagne de ne pas préparer assez tôt le repas des enfants. Mais surtout, comme il le reconnaît à la barre, « de ne pas être intelligente, et en tout cas, d’être moins intelligente que lui ». Un reproche fondé sur quoi ? On ne le saura jamais, évidemment car une telle attitude mentale ne peut avoir de justification.
Alors, pourquoi l’a-t-il épousée ? « Parce que je l’aime », ne cessera-t-il de répéter. Curieuse façon de le montrer…

Au bout de plusieurs années de martyre, l’épouse s’enfuit avec ses enfants et regagne La Réunion où elle monte un petit commerce qui semble assez bien marcher. Ce qui n’eût pas été le cas si elle était dénuée de clairvoyance sinon d’intelligence.

Bonhomme admet mal voir « sa chose » lui échapper et débarque plus tard ici. Après quelques palabres houleux, elle accepte de reprendre la vie commune : « Je t’aime, je ne peux vivre sans toi et nos enfants, je recommencerai plus, promis juré sur les mânes de Sainte-Bobèche ! »

La malheureuse se laisse donc embobiner et reprend la vie commune. Il n’en fallait pas plus au mari violent pour recommencer. Sainte-Bobèche n’a pas réagi. Par exemple en le foudroyant…

Le contrôleur judiciaire « lui manque de respect « !

Coups, insultes, menaces verbales ou couteau de cuisine à l’appui, jalousie aussi répétitive que maladive (« C’est qui  le gars qui t’a téléphoné en numéro masqué? »), le calvaire repart donc de plus belle jusqu’à ce que la malheureuse décide de porter plainte.
Une première fois placé en garde à vue, l’homme promet de ne plus s’approcher de l’épouse et des enfants. Mais n’en fera qu’à sa tête et va s’obstiner à la harceler. Jusqu’à plus de 70 textos et messages téléphoniques. Lorsqu’elle bloque le numéro de son tortionnaire, il utilise celui de copains complaisants.

« Pourquoi cette violence envers celle que vous prétendez aimer ? » demande la présidente Peinaud. – « Parce qu’elle ne comprend jamais ce que je lui dis. Elle n’est pas intelligente ». – « Et c’est une raison pour frapper ? »« Je ne frappais pas, je lui frottait juste un peu le visage ; je lui fermais la bouche pour l’obliger à se taire ». Ah ! On n’avait pas compris sans doute ?

Ce qui explique peut-être les traces d’abrasion sur son visage ? « Peut-être que mes ongles l’ont griffée à ce moment ? » Mais oui, bien sûr, cons que nous sommes de ne pas l’avoir tout-de-suite compris !

De fil en aiguille, les obligations du contrôle judiciaire n’étant pas respectées, il est de nouveau placé en garde à vue. Chez le contrôleur judiciaire, au lieu de faire amende honorable sinon tête basse, ne trouve rien de mieux à faire que d’engueuler le fonctionnaire de justice qui, à son avis, n’a pas assez de respect envers lui et lui parle sur un ton qui ne sied pas à sa dignité.

Course-poursuite en plein Saint-Paul

Tout, tout, tout, l’homme réfute pied à pied tous les reproches que la Justice peut lui faire. « Moi ? Je n’ai jamais agressé personne ». Et, avec l’aplomb d’un arracheur de dents : « On n’a jamais eu de problème de couple, nous. Ce sont nos familles qui ne s’entendent pas et nous dressent l’un contre l’autre ». À se demander comment, sa famille à lui vivant à l’autre bout de la planète.

« Elle me disait tout le temps que je n’ai pas de travail ni de maison. C’est dégradant, non ? Elle est manipulée par sa famille. Si elle est partie, c’est pour mieux revenir ». Ah ben celle-là, on état loin de s’y attendre. À un poil Zarabe près, il la traitait de maso en pleine audience.

Ses dizaines de textos et d’appels ? « Pour avoir des nouvelles de mes enfants ». Où avions-nous la tête ?

En pleine rue de Saint-Paul, le 20 novembre 2017, il aperçoit son épouse et ses enfants dans leur voiture. Il les suit au volant de la sienne, force la malheureuse à s’arrêter, provoquant un embouteillage monstre dont il se fout comme de l’an-quarante pendant qu’il tente de force de s’introduire dans la voiture de son épouse et arrache même la clé du tableau de bord.

C’est devant l’émeute qu’il a provoquée qu’il consent seulement à la laisser partir. Mais c’est pour mieux la suivre et la bloquer plus loin dans un parking. Ce que confirme sa fille cadette.

« Je les ai rencontrées par hasard. Je l’ai arrêtée parce que je voulais remettre les cadeaux de Noël à mes enfants et ne savais comment faire ». Okay ! Et le traineau et les rennes, alors ? Décidément, le père Noël n’est plus ce qu’il était.

« Faut me comprendre, je souffre du diabète, j’étais fatigué, je ne me contrôlais plus ».

Contrôle judiciaire révoqué, bonhomme se retrouve embastillé à Cayenne le 25 janvier 2018.

« Lu veut fé ça qu’au veut èk elle ! »

« Deux gardes-à-vue, une incarcération, des faits datant de plusieurs années, s’interroge la présidente Peinaud. On se demande jusqu’où vous êtes capables d’aller ».

« J’ai compris. Je vais me reposer en métropole, m’occuper de remettre mon entreprise à flot et voir comment m’occuper de mes enfants. Ensuite, je vais demander une médiation pour voir… « 

Ce qui a fait dire à Maître Nathalie Pothin, défendant les intérêts de l’épouse, tirant au fusil à pompe :

« Il n’entend pas abandonner sa proie ! »

L’avocate a évoqué un fait qui n’avait pas été mentionné jusqu’ici. Un soir, dans une boîte de nuit se déroule une fête sur invitations. Comme par hasard, il se présente à l’entrée où les vigiles le bloquent. 

« Je passais là par hasard ». Il veut entrer à toute force pour voir avec qui « elle » se trouve. Et se fait copieusement rosser par la famille de la jeune femme.

« Ils m’ont tapé, vous vous rendez compte ? »

Me Nathalie Pothin a insisté sur « le cas typique du bonhomme qui « possède » sa femme. Lu fé ça que lu veut èk elle ». Description des harcèlements téléphoniques, des coups reçus, de la jalousie… « Il a même dit dans un texto que même les flics ne pourraient rien contre lui ».

L’avocate a enfin insisté sur le fait que l’épouse malmenée des années durant, avait besoin de se reconstruire pour pouvoir s’occuper pleinement de sa fille autiste. Ce qui a sensiblement ému l’assistance.

« S’il va en prison, c’est très bien ! » C’est plus le fusil à pompe mais un 75 sans recul.

Après ça, il n’y avait même plus besoin de procureur. Laquelle a quand même détaillé les faits par le menu et réclamé 15 mois avec sursis et mise à l’épreuve plus toutes les interdictions et obligations inhérentes en un tel cas. À ce stade, tous voient déjà le prévenu pendu par les pouces dans une cellule sans fenêtre aux Kerguélen. Cellule dont on aurait par inadvertance jeté la clef dans la gueule d’une baleine mutine passant par là juste à propos.

On s’attendait à de la prison ferme…

C’était compter sans l’immense talent de Normane Omarjee. L’avocat ne partait pourtant pas favori. D’abord par la personnalité du prévenu, beau parleur mais piètre raisonneur, qui fait semblant de balbutier quand la question le gêne.

Ensuite par ce que Me Omarjee n’a eu que 2 jours pour préparer sa défense : Hervé G. avait un autre avocat, commis d’office, qui sans doute ne lui convenait pas. Avant hier donc, il a zappé son défenseur puis sollicité Me Omarjee.

Ce dernier a commencé par reconnaître tous les torts de son triste client.

« Il s’est fait taper dessus devant cette boîte de nuit ? À juste titre à notre avis. Ça lui a fait du bien. Il a commencé à comprendre. Il est possessif ? Oui, certainement. Mais n’est-il pas en souffrance également ? »

« Il a surtout besoin de soins. Il a déjà fait 50 jours en détention préventive… « 

Pendant la délibération du tribunal, Me Omarjee nous confiait qu’il y aurait au moins 50 jours de prison pour compenser ceux déjà passés à Cayenne, plus la peine avec sursis.

Surprise générale : la peine demandée par la procureur était rapportée à 12 mois, au lieu des 15 sollicités. Et aucune peine de prison. Même son avocat avait du mal à y croire !

Hervé G. est reparti libre.

Quand je vous disais que le Barreau sudiste comptait de sacrées pointures !

 

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