La crise du Covid19 aura agi comme le révélateur de l’inefficacité de nos politiques de santé et de l’incompétence de nos gouvernants. Cet amateurisme néfaste dépasse manifestement le seul cadre de la santé publique .
Cette crise nous imposera dans les mois à venir une triple peine :
⁃ catastrophe sanitaire,
⁃ désastre économique,
⁃ crise politique et institutionnelle.
1- Catastrophe sanitaire
Il y a d’un côté des pays, principalement asiatiques, qui ont appliqué des méthodes efficaces de prévention des épidémies : contrôle des voyageurs aux frontières dès le danger connu, isolement des malades et de leurs contacts, application stricte des règles d’hygiène, port de masques systématique de l’ensemble des personnes, traitements à visée palliative en attendant l’apparition d’un éventuel traitement curateur. Dans ces pays performants, la généralisation précoce de tests, dès le début de l’épidémie, couplée avec la mobilisation massive des moyens modernes informatiques de suivi, ont facilité le dépistage des porteurs sains ou peu symptomatiques et leur isolement spécifique, rompant ainsi la chaîne de contamination.
Et de l’autre, les pays européens où la politique de confinement aveugle (sans dépistage généralisé) a fait la tragique preuve de son échec .
Le cas le plus dramatique est bien entendu celui de l’Italie. On a prétexté que c’était l’âge moyen élevé de sa population qui expliquait cet échec. C’est oublier que le Japon, avec une population la plus vielle du monde, et deux fois plus importante que celle de l’Italie, ne compte à ce jour que moins de 50 décès contre près de 6000 en Italie. Ce dramatique échec italien de la prévention de l’épidémie par le confinement aveugle s’explique par le contrôle trop tardif des frontières et l’insuffisance des dépistages (alors que l’Italie ne manquait pourtant pas de tests, puisqu’elle en a exporté des centaines de milliers).
La France, elle, n’a défendu ses frontières que très tardivement, n’a pas généralisé le port de masque de protection faute de disposer d’un stock suffisant et de capacités de production à la mesure de ses besoins. De la même manière, elle qui prétendait bénéficier du meilleur système de santé au monde, avec une recherche médicale de pointe, n’a pas été en mesure de mettre à la disposition de ses hôpitaux et laboratoires, en nombre suffisant, des tests de dépistage précoces pour isoler les porteurs de virus, ce qui aurait évidemment permis comme en Corée d’adopter un mode de confinement plus sélectif.
Désastre économique
Les conséquences économiques de cette épidémie s’annoncent elles aussi catastrophiques.
L’arrêt de l’activité dans beaucoup de secteurs provoquera faillites en cascades, mise au chômage technique d’abord puis total d’une frange importante de la population active, défaillances des emprunteurs provoquant en aval la complète déstabilisation de tout notre système bancaire et financier.
A La Réunion notre secteur du tourisme, de la restauration seront probablement les plus lourdement impactés.
Une thérapie de choc devra là aussi être appliquée pour réparer les dégâts et remettre la machine économique en marche.
Pour ce faire, il va falloir à nos gouvernants mobiliser d’immenses ressources financières (probablement plus de 1000 milliards, soit la moitié de notre PIB) . Elles n’existent manifestement pas. Le recours massif à l’emprunt s’imposera. Gageons que les taux d’intérêt n’exploseront pas.
Il va surtout falloir actionner les leviers pertinents : soutenir l’offre (l’appareil productif), la demande (les chômeurs) ou le secteur bancaire.
Et dans le même temps la remise à niveau de notre système hospitalier s’imposera comme une urgence.
La première préoccupation de Sarkosy en 2008 avait été de sauver le système bancaire. Allons nous assister au même scénario ?
A plus long terme ce sont toutes nos logiques économiques qui sont à repense. La mondialisation des échanges et la recherche effrénée d’une pseudo optimisation de la chaîne des valeurs (comme on dit maintenant sans rire), ont révélé leurs limites. Demain on découvrira les vertus du nationalisme productif. Les thèses de Ricardo sur « l’avantage comparatif » ont pris un sacré coup de vieux. Il avait oublié de mettre dans la balance le fait que les VRP qui se rendaient à Wuhan transportaient dans leurs valises et sur leur corps autre chose que des commandes de marchandises.
La sortie de cette crise profonde nécessitera de pouvoir s’appuyer sur une légitimité solide.
Celle de Macron qui n’était déjà pas très gaillarde a été liquidée. Et on voit mal une union nationale se dessiner tant les critiques sont radicales.
Un « new deal » va donc vite s’imposer.
Ce qui nous sauvera peut être du désastre c’est que la crise aura affecté à peu près tous les pays du monde. Et comme pour un match de foot, interrompu pour intempéries, quand la compétition reprend ce sont les plus vaillants qui l’emportent. La Chine dans ces conditions est en mesure d’asseoir son leadership mondial, comme l’ont fait les USA après chacune des deux guerres mondiales.
Crise politique
Ce que révèle cette crise sanitaire, c’est avant tout la décrédibilisation, si c’est encore possible, de la parole politique et publique, de la parole des fameux « sachants », économistes et experts autoproclamés, trop souvent complices des politiciens.
Pendant plusieurs semaines, le gouvernement, la ministre Buzyn en tête, a tenu une communication rassurante sur le fait que le virus n’atteindrait pas la France, et, une fois celui-ci arrivé sur le sol français, sur le fait que le port du masque était superflu. Longtemps, le gouvernement a martelé que le port du masque n’était nécessaire que pour les personnels soignants. Dans le même temps, Emmanuel Macron se montrait au théâtre pour prouver que le risque n’était pas si grand…
Lorsque l’épidémie s’est répandue sur le sol français, l’importance des dégâts est apparue de façon fascinante : pénurie de masques pour les soignants, de tests pour la population, de lits de réanimation pour les malades.
Jour après jour, on a vu le gouvernement improviser des solutions de fortune, là où tout ce qui se produisait n’était que la redite d’événements déjà vus en Chine en janvier et en Italie en février. Le tout nous a été présenté, pour exonérer les responsables de toute faute, dans un flot de mensonges, de messages contradictoires, de dramatisations outrancières, d’accusations gratuites, de stigmatisations de catégories de Français indisciplinés qui viendrait contrarier le génie des gouvernants.
Les échelons administratifs, centraux ou déconcentrés, n’ont pas été en reste dans la nullité.
A La Réunion tout a été dit au cours de ces derniers jours sur l’incurie de l’ARS. Ces pseudos technocrates se sont révélés on seulement incompétents mais dangereusement irresponsables : incapables de faire face à cette crise prévisible, prévue, annoncée, ils ont rivalisé de médiocrité pour s’adapter aux urgences et, pour voiler leur impuissance, ils ont développé une communication ubuesque.
Cette ahurissante gestion de crise dont les pouvoirs publics ont donné le triste spectacle depuis le début de l’épidémie de coronavirus vient confirmer qu’au delà la sphère politique, la France et La Réunion ont besoin d’une profonde réforme institutionnelle qui tiendra probablement de l’électrochoc, après plusieurs décennies de laxisme et d’enfumage administratif.
Nous devons exiger un renouvellement profond de nos élites, politiques et administratives, plus soucieuses de politisation que d’efficacité, plus préoccupées de leur carrière que de l’intérêt général.
Dans cette logique on ne fera pas l’économie d’une dissolution de l’Assemblée nationale et le retour aux urnes.
Et cette fois gageons que le peuple retrouvera sa lucidité.
La décision prise par l’Union européenne de reporter l’examen de mesures fortes afin d’atténuer les conséquences économiques et sociales dramatiques liées à l’épidémie de coronavirus montre aussi ce qu’est réellement cette pseudo union. A ce niveau là aussi il faudrait peut être penser à faire rejouer le match de l’année dernière. Ce n’est pas la récente et dérisoire intervention de notre député Bijoux qui démentira cet impératif.
Pierre BALCON