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A Saint-Louis, le vrai scandale

Au risque de choquer, de susciter la réprobation générale, voire d’attirer sur moi un déferlement d’injures, je m’en vais prendre le contre-pied de tous ceux qui se sont exprimés dans les colonnes de nos journaux sur ce sujet controversé. Bien que n’ayant aucune tendresse pour l’Islam en général (bien au contraire !), je ne suis pas […]

Ecrit par – le mercredi 06 avril 2016 à 14H25

Au risque de choquer, de susciter la réprobation générale, voire d’attirer sur moi un déferlement d’injures, je m’en vais prendre le contre-pied de tous ceux qui se sont exprimés dans les colonnes de nos journaux sur ce sujet controversé.

Bien que n’ayant aucune tendresse pour l’Islam en général (bien au contraire !), je ne suis pas loin d’être révolté par le sort qui a été réservé à ces jeunes musulmanes de Saint-Louis qui n’ont fait de mal à personne, dont le seul crime est d’avoir voulu vivre une version piétiste et mystique de l’Islam relevant du soufisme, une pratique religieuse (d’après ce que je crois savoir, car je ne prétends pas, comme d’autres, être un islamologue autorisé) prioritairement orientée vers la méditation et la contemplation, une façon de vivre leur foi pouvant, mutatis mutandis, être rapprochée de celle que l’on trouverait chez les béguines ou les moniales de chez nous.

Pour mieux disqualifier ces jeunes femmes, pour les « stigmatiser » comme il est de bon ton de dire aujourd’hui, on a eu vite fait d’en faire les membres d’une secte fanatique, disciples d’un affreux « gourou » qui les aurait envoutées et embrigadées, mises sous sa coupe. Peut-être. C’est possible. Après tout, je n’y suis pas allé voir de près.

Ce que je sais bien cependant, parce que cela je l’ai lu dans le journal, c’est que les troubles qui ont naguère agité Saint-Louis ne sont pas venus d’elles, ni de leur prétendu gourou, mais d’une milice islamiste qui est venue assiéger la maison où elles s’étaient paisiblement installées et tenter de lyncher le prédicateur sénégalais dont elles avaient voulu suivre l’enseignement, le fameux « Papa Sané ».

Chose curieuse, les forces de l’ordre, au lieu de s’en prendre aux émeutiers intolérants qui prétendaient, par la violence et l’intimidation, faire régner la charia à Saint-Louis, ont préféré arrêter et retenir en détention provisoire, depuis le mois d’octobre, le dangereux prédicateur ainsi que sa femme (que peut-on bien reprocher à celle-ci, si ce n’est d’être la femme d’un vilain gourou ?).

De plus, non contentes de persécuter (sous quels chefs d’inculpation au juste ?) les « meneurs » de la secte, les autorités ont décidé de persécuter également les pauvres jeunes femmes qui l’ont rejointe, lesquelles, pour s’être seulement permises d’organiser un « sit-in » pacifique de protestation devant la gendarmerie, vont être bientôt présentées au tribunal de Saint-Pierre. On croit rêver !

On en vient alors à se poser de sérieuses questions. Sommes-nous encore dans un état de droit où la liberté de conscience, c’est-à-dire la liberté de pratiquer la religion de son choix ou de n’en pratiquer aucune est garantie à tout citoyen ? Qu’en est-il des libertés d’expression et de manifestation, également garanties par notre république, en théorie, à tout citoyen ?

Ces libertés seraient-elles donc réservées aux seuls énergumènes violents, ceux qui (on vient encore d’en avoir de nombreux exemples ces jours-ci à travers le pays) n’hésitent pas à saccager les rues de nos villes et à agresser violemment les forces de l’ordre tandis que, dans le même temps, en seraient privés ceux et celles qui ne font que tenter d’informer pacifiquement la population du déni de justice dont ils/elles s’estiment victimes ? Qu’en est-il de l’habeas corpus quand, depuis plusieurs mois, on maintient non seulement un homme, mais aussi sa femme, auxquels rien de grave apparemment ne peut pourtant être reproché, proprement embastillés ?

Qu’attendent donc les organisations qui font profession de défendre les droits de l’homme pour se manifester et protester publiquement contre ce véritable scandale, ce patent déni de justice ? Qu’attendent nos élus de tous bords, tous nos démocrates proclamés, qu’attendent nos si vigilants humanistes et nos féministes si sourcilleuses, pour aller demander des comptes aux autorités ?

André Pouchet, le 5 avril 2016

 

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