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L’océan de plastique atteint les oiseaux de l’océan Indien

Il n'y avait aucune raison pour que les oiseaux de la Réunion et de l'océan Indien soient épargnés par la pollution. En l'absence d'études définitives sur le sujet, les chercheurs réunionnais dressent un état des lieux, froid de vérité, sur la pollution marine.

Ecrit par zinfos974 – le mercredi 24 avril 2013 à 11H59

Ces images d’oiseaux marins disséqués dont l’estomac est rempli de bouts de plastiques ne sont pas le quotidien nos chercheurs réunionnais. Mais la tendance n’est pas pour autant bonne.

« Nous n’avons pas de programme de recherche spécifique sur l’ingestion des matières plastiques par les oiseaux mais plutôt un ensemble de programmes de recherche sur le pétrel de barau », explique Matthieu Le Corre, professeur et directeur du laboratoire ECOMAR (Ecologie Marine) de l’Université de La Réunion. D’autres espèces sont également étudiées comme les puffins tropicaux, les puffins du Pacifique (également présents dans l’océan Indien contrairement à ce que pourrait laisser croire leur appellation) et le paille-en-queue à brin blanc.

« Nous constatons sur les oiseaux morts une ingestion de fibres de plastique à l’échelle de fragments. Les photos ne sont pas aussi parlantes que ce qu’on peut retrouver dans les autres océans », relève Matthieu Le Corre. Chaque année, ce sont environ 40 oiseaux qui sont disséqués, à des fins d’analyse. « Nous réalisons des échantillons des contenus stomacaux, du foie, de traces de métaux lourds… Les données sont gardées pour être analysées », précise-t-il.

Le piège des monofilaments de fils de pêche

Autre écueil dans la vie d’un oiseau marin : l’ingestion accidentelle de « monofilaments de fils de pêche », ajoute le chercheur. « Notre activité de dissection est une activité récurrente. Nous effectuons des dissections depuis une vingtaine d’années« , explique-t-il. Aucune étude publiée ne peut pour le moment délivrer une proportion chiffrée ainsi qu’une évolution dans le temps, mais l’oeil des chercheurs est là, à chaque cadavre qui est ramené.

 

« Nous récupérons environ 10% des oiseaux de la SEOR qui n’ont pas pu être remis sur pied« , assure Matthieu Le Corre. Du côté de la Société d’Etudes Ornithologiques de La Réunion justement, le constat est quasiment le même. « Nous avons quelques cas de hérons (appelé le « butor » à la Réunion), qui avale les hameçons au bout des poissons. Idem pour les morceaux de plastique qui sont souvent pris pour des méduses par les oiseaux », explique François-Xavier Couzi, directeur de la SEOR. Evidemment, inutile de le rappeler ici, les passionnés de la SEOR ont déjà fort à faire avec les collisions de pétrels contre les spots lumineux terrestres. « Chaque année, nous récoltons environ 200 oiseaux. 10% nécessitent des soins », conclut François-Xavier Couzi.

Le laboratoire de recherche ECOMAR se veut rassurant sur un point. « Sur les lieux de nidification du pétrel, à savoir le Piton des neiges et le Grand Bénare (dans la planèze des hauts sous le vent), nous n’avons pu faire de lien direct entre mortalité des pétrels et ingestion de matières plastiques. Le phénomène est nettement plus marqué chez l’albatros de Hawaï », sous d’autres cieux.

Le pétrel : de l’Australie à Madagascar en passant par la Réunion

Toujours dans l’analyse post-mortem, le pétrel livre un autre marqueur inquiétant sur la pollution des océans. La présence des métaux lourds est un fait admis, reste à faire la différence entre les matières naturellement présentes par bio-accumulation et celles imputables aux activités humaines. « Le pétrel cumule du cadmium*. Le plus souvent, cette présence est due à leur alimentation en calamars et autres poissons », avance Matthieu Le Corre. Des premières analyses qui nécessitent des approfondissements.

A ce titre, afin de cerner l’origine potentielle des pollutions dont sont victimes ces grands voyageurs, les chercheurs disposent de moyens technologiques de pointe avec le procédé du tracking. « Ce sont des balises argos de 9 grammes alimentées par de minuscules panneaux solaires et fixées sur le dos des pétrels qui nous donnent leur signalement », précise-t-il. Une traçabilité qui témoigne de la zone très étendue de la vie d’un pétrel de Barau. Son alimentation se passe essentiellement dans le Sud de Madagascar. Il effectue des migrations jusqu’à l’Est de l’Australie et il se reproduit au Piton des Neiges et au Grand Bénare. « Les pétrels bagués les plus anciens que nous suivons ont 15 ans », ajoute le chercheur. Assez pour cumuler les déchets de soupe plastique de nos océans.

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* Le cadmium est très toxique sous toutes ses formes (solide, vapeur, sels, composés organiques), c’est l’un des rares éléments n’ayant aucune fonction connue dans le corps humain ou chez l’animal.

 

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