Plusieurs agriculteurs réunionnais nous ont fait remonter il y a quelques jours des photos d’emballages d’aliments destinés à l’élevage. Sur les étiquettes on peut clairement distinguer la présence de graines génétiquement modifiées, soit des traces d’OGM dans une alimentation destinée, dans ce cas précis (voir la photo), à l’engraissement des lapins. L’Urcoopa (Union réunionnaise des coopératives agricoles) a toujours affirmé ne pas utiliser de maïs génétiquement modifié pour l’élevage. Mais la donne est légèrement différente sur le soja.
« Aujourd’hui je donne de l’alimentation à mes lapins où les pellicules de graines de soja sont obtenues à partir de graines génétiquement modifiées. Les lapins sont pour de la consommation personnelle, je ne peux en vendre car j’ai un label bio qui m’interdit d’utiliser ce genre d’aliment« , explique un agriculteur du Sud de l’île. Une inquiétude que partagent plusieurs autres agriculteurs installés à la Réunion.
Une étude récente sur des rats nourris avec un maïs OGM, publiée dans la revue Food and Chemical Toxicology, en septembre 2012, menée par le biologiste moléculaire de l’université de Caen, Gilles-Eric Séralini, avait fait l’effet d’une bombe. Dans cette étude, les rats avaient développé des tumeurs après avoir été nourris avec un maïs génétiquement modifié. Sévèrement critiqué, le biologiste s’était toujours défendu d’avoir respecté les normes de l’OCDE. Un co-auteur de l’étude avait même émis la possibilité que l’étude pouvait être « extrapolée » à d’autres OGM, dont le soja modifié génétiquement et principalement produit en Amérique du Sud.
« Pour le soja il s’agit de traces de graines génétiquement modifiées »
Si le sujet n’est pas nouveau, des zones d’ombres entourent toujours la consommation d’aliments génétiquement modifiés. Du côté de l’Urcoopa on réaffirme une nouvelle fois être dans les clous avec la réglementation européenne. « Le pourcentage est infime. Pour le soja il s’agit de traces de graines génétiquement modifiées. Mais nous utilisons une matière première respectueuse de la réglementation européenne« , explique-t-on. Un discours qui n’a pas changé d’un iota depuis le mois de septembre 2012. « La production de protéines végétales, principalement apportées par le soja, est insuffisante en France pour répondre aux besoins de l’élevage. La culture du soja étant essentiellement concentrée sur le continent américain, l’Urcoopa, à l’instar de la quasi-totalité de ses homologues européens s’y approvisionne. Ce soja, qui peut être issu de plantes génétiquement modifiées, est dument autorisé par les pouvoirs publics à la commercialisation et à l’utilisation en alimentation animale« , précisait la coopérative à cette époque.
Aujourd’hui, l’utilisation de soja génétiquement modifié, venant d’Amérique du Sud, représente la moitié des protéines végétales consommées par les animaux d’élevages en France, une alimentation destinée à doper les rendements. Si l’Urcoopa à la Réunion fournit 230.000 tonnes d’aliments pour bétail chaque année, garantis sans OGM pour le maïs mais avec la présence de traces d’OGM dans le soja, qu’en est-il de la viande importée chaque année à la Réunion ? Si elle est engraissée à base de protéines génétiquement modifiées, les conséquences sur le corps humains ne seront pas connues avant plusieurs années.
Reste que la décision d’interdire les importations de soja génétiquement modifié en Europe serait une « catastrophe » à en croire la Commission européenne. Les prix de l’alimentation d’élevage bondiraient alors de 600%, faute de production suffisante en Europe, avec une hausse des prix inéluctable pour les consommateurs, comme l’expliquait le journal l’Expansion du 9 novembre 2012. Donne économique ou santé, le choix semble difficile…