« L’appel d’offres ainsi rédigé engendrera obligatoirement la réponse de sociétés métropolitaines et comme il y a cette clause où un candidat ne peut répondre qu’à un seul lot, la Région et le Département seront forcés de travailler avec une société métropolitaine », craint la petite dizaine de gérants de sociétés d’informatique (Océan Indien Informatique, Equinoxe, Run Informatique, MC3 Océan Indien, AtoutPC’S, EURL Infaut, MTSI, SOGELEC, Athéna, CIS ou encore SDBI) présents lors d’un point presse organisé ce vendredi à Saint-Denis et nombreux à travailler depuis des années avec les collèges et lycées de l’île. Des consultations informatiques qui font vivre tout un secteur à La Réunion.
Pour rappel, la Région et le Département ont publié quasiment en même temps leur appel d’offres le mois dernier pour reprendre en main les commandes de matériels informatiques des lycées et collèges de l’île, mettant en avant une rationalisation des achats.
Dans un premier temps, le Département avait lancé un accord cadre mono attributaire le 30 juillet dernier pour l’équipement des collèges pour un montant total de 27 millions d’euros. Dans cet accord, la collectivité départementale avait également inscrit une clause pour que seules les sociétés réalisant plus de 3 millions d’euros de chiffre d’affaires puissent prétendre au lot n°2 de cet AO. Une consultation par ailleurs mono attributaire sur 4 lots, soit 4 fournisseurs par an maximum.
Des critères exigeants qui excluent 190 entreprises locales…sur 196
Mais face aux remontées de nombreuses sociétés qui assuraient que cette clause allait de fait exclure plus de 192 d’entre elles, puisque ces dernières sont très loin de réaliser un tel CA annuel, le Département est revenu le 16 août sur sa décision en déclarant sa consultation sans suite.
Une décision saluée par Myriam Boullay, gérante de la société OC2I, qui aurait pu prétendre à cet appel d’offres, mais l’enjeu est ailleurs pour cette dernière. « Le but aujourd’hui c’est de faire travailler 196 entreprises du secteur informatique de La Réunion dont 191 qui ont entre 0 et 9 employés. Cela va à l’encontre des politiques réunionnaises en matière d’emploi local. On connaît leurs parcours (NDLR: Cyrille Melchior et Huguette Bello) et ils oeuvrent depuis des années pour l’économie locale et ils ne sont pas au courant de ça. Mais ils ont laissé les services faire », regrette-t-elle, attendant toujours que la Région revienne également sur sa décision.
En effet, la collectivité régionale avait lancé un accord cadre mono attributaire le 30 juillet dernier pour l’équipement des lycées sur 4 ans. Montant total des 6 lots : un peu moins de 21 millions d’euros. Et comme pour l’AO initial du Département, cet accord « exclut de facto 190 sociétés locales à minima », assurent les représentants du secteur informatique.
Suite au courrier envoyé par ces derniers, la Région avait revu son AO le 18 août dernier mais en divisant cette fois-ci le lot 2, qui passe de 11,4 millions d’euros à 5,7 millions d’euros sur 4 ans. Mais là encore, la collectivité régionale est encore loin du compte pour les entreprises du secteur, qui indiquent que de nombreux points du Dossier de consultations des entreprises (DCE) « ne sont pas en adéquation avec l’état de l’économie informatique mondiale actuelle ». « Combien de sociétés informatiques locales peuvent s’engager sur un montant de 1,25 million d’euros par an ? Par ailleurs, il n’y a pas de minimum de commandes : comment faire une offre cohérente sans cette donnée ? », s’interrogent-ils dans un courrier adressé aux présidents des deux collectivités.
« La mort assurée de plusieurs dizaines de petites sociétés ou auto-entrepreneurs informatiques »
Un cahier des charges particulièrement exigeant pour les sociétés locales alors que la date prévisionnelle de démarrage des prestations est prévue au 1er semestre 2022. Le gros des commandes, lui, devrait se faire au second semestre de cette même année. « Sachant que nous devons garantir nos prix 1 an à partir de la notification du marché, qui aujourd’hui peut affirmer qu’à cette date, soit au second semestre 2022, l’informatique sera disponible ? C’est très compliqué actuellement avec la rupture des composants électroniques. Par ailleurs qui peut nous garantir que le prix sera le même ou que le prix du fret ne continuera pas à exploser ? », poursuivent-ils.
Dans leur courrier, ils demandent aux chefs de file des deux collectivités de revoir « de toute urgence » ces AO, en privilégiant la mise en place d’un accord cadre multi-attributaires avec marchés subséquents. Objectifs : « permettre aux attributaires de répondre en fonction des disponibilités du marché au moment de chaque marché subséquent ou d’établir un moratoire d’un ou deux ans en laissant les lycées et les collèges évaluer eux-mêmes leurs besoins et de commander en fonction ».
Deux mesures qui permettraient ainsi « de faire vivre les sociétés locales », estiment les représentants des TPE-PME du secteur informatique car dans le cas contraire, « c’est la mort assurée de plusieurs dizaines de petites sociétés ou auto-entrepreneurs informatiques qui travaillent aujourd’hui avec les lycées et les collèges ».