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Raimbault, Riana et jeunes bagnards : Une magnifique fresque créole

Bonjour à tous. Je viens de lire la trilogie créole de Pascale Moignoux. C’est de très haute volée et, parole d’écrivain, j’aimerais lui rendre justice car on ne parle pas assez de son œuvre. Merci et bon courage à tous. Texte : Raimbault, Riana et jeunes bagnards : Une magnifique fresque créole Evoquer des sujets […]

Ecrit par – le vendredi 30 mars 2012 à 15H51

Bonjour à tous. Je viens de lire la trilogie créole de Pascale Moignoux. C’est de très haute volée et, parole d’écrivain, j’aimerais lui rendre justice car on ne parle pas assez de son œuvre. Merci et bon courage à tous.

Texte :

Raimbault, Riana et jeunes bagnards : Une magnifique fresque créole

Evoquer des sujets graves, poignants, sans sombrer dans le misérabilisme, relève du grand art. Tout l’art de Pascale Moignoux. En trois œuvres magistrales, empreintes de sensibilité, avec un constant souci de l’authenticité historique, elle nous délivre des aspects peu ou méconnus de notre histoire récente. Pour notre plus grand plaisir, le style est volontairement romanesque. J’ai aimé sans réserve. Parole d’écrivain.

J’avoue à ma grande honte que voici six mois, j’ignorais jusqu’à l’existence de Pascale Moignoux. Nul n’est parfait. Mais il n’est jamais trop tard pour se refaire et c’est valable dans tous les domaines de la vie, j’en sais quelque chose. C’est donc avec un plaisir sans mélange que je me suis plongé dans les trois tomes que m’ont offerts mes amis Vittori et Naze. A charge pour moi d’aimer ou de détester. Vous savez déjà ce que j’en pense et je vais les évoquer sans ordre préférentiel car les trois œuvres sont estimables à plus d’un titre, avec cependant un point commun essentiel : un charme fou.

Le père Raimbault, loin des chênes que l’on abat, est un indéracinable héros de l’histoire commune malgache et réunionnaise. Personne mieux que Pascale ne pouvait « raconter » cet homme hors du commun, hors norme même pour un curé. Et pour cause : elle est sa petite-nièce. A ce titre, elle aurait pu se contenter des souvenirs familiaux, très riches au demeurant, assaisonnés de témoignages divers. Ce serait mal la connaître. Comme un fin limier, elle a recherché les moindres traces de son grand-tonton dans les archives coloniales civiles et religieuses, et en a retiré une histoire où chaque phrase est un petit tableau historique.

Au fil des pages se brosse le portrait attachant d’un homme qui fut curé, missionnaire, bâtisseur, meneur d’hommes, administrateur, planteur, gérant, gestionnaire agricole et civil, pêcheur d’âmes et d’êtres, financier, comptable, chercheur, botaniste, chimiste, tisaneur et, bonheur inexprimable, grande gueule et sale caractère. On aime.
Le père Raimbault, entre l’ouest malgache et le nord réunionnais, s’est liuttéralement tué à la tâche. Car la maladie ne s’attaque jamais avec plus de succès qu’aux organismes amoindris par l’effort incessant qu’ils s’imposent à eux-mêmes. Cet épuisement a été favorisé par les batailles incessantes qu’a dû livrer notre homme contre le pouvoir civil et contre sa propre hiérarchie (jusqu’à Rome !) Etre grande gueule suppose de menus inconvénients.

En ce sens, Raimbault est très proche d’un autre grand bonhomme, le gouverneur Desforges-Boucher, qui fut le seul à défendre les colons contre ses propres supérieurs de la Compagnie des Indes. Et se tua à la tâche à Saint-Louis. On l’aura compris, j’aime les gens qui ne ressemblent à personne ; mes surprenants amis en sont la preuve encore vivante, pour certains du moins.
Raimbault le bienfaiteur est un héros. Le cantonner au rôle d’herboriste, fût-il de génie, serait réducteur et injuste. L’autre mérite de Pascale Moignoux, outre le plaisir de la lecture, est de nous restituer cet homme dans toute sa dimension historique… et humaine.
Dans la foulée, je me suis jeté sur « Graine de bagnard ». Ouf ! Encore un aspect très méconnu, sombre, sinistre, de notre « petite » histoire locale.

Le site touristique d’Ilet-à-Guillaume n’en finit plus d’épater les visiteurs. Mais bien peu savent que d’innombrables drames se sont noués dans ces paysages enchanteurs. Il y eut là, voici plusieurs décennies, un centre de redressement pour jeunes délinquants ou supposés tels. C’est du moins le qualificatif que leur collaient les autorités judiciaires. Ce n’était ni plus ni moins qu’un camp de travaux forcés permettant à la bonne société dionysienne de vider de ses rues les enfants pauvres, errance, isolés familialement ou fortuitement. Les autorités religieuses gérant l’Ilet-à-Guillaume devaient les « redresser » socialement, moralement, physiquement et religieusement. Accessoirement leur inculquer des rudiments de calcul, lecture et écriture. Des drames affreux… mais je ne vous en dis pas plus pour ne pas déflorer votre plaisir. Lisez-le.
Troisième volet de la trilogie « moignesque », « Riana ». Encore un drame dans toute sa splendeur et son horreur. Presque une tragédie antique et c’est arrivé près de chez vous.

Il n’y a pas très longtemps, s’érigeait sur les hauteurs de Sainte-Marie un centre d’accueil recevant des enfants de tous horizons géographiques. Beaucoup de ces jeunes déracinés furent de petits Malgaches. Ils venaient, en quelque sorte, pour réapprendre à vivre. L’enseignement, bien réel, se doublait d’une instruction religieuse qui se posait un peu là.
La jeune Riana ne comprend pas ce qu’elle fait ici. Elle est une rebelle au sens noble du terme. Malgré toute l’attention et les soins réels dont on l’entoure, une seule chose lui importe : elle n’est plus chez elle. Le reste, prenant, émotionnel, poignant jusque dans l’apothéose finale, digne là encore d’une tragédie antique… vous le découvrirez bien tout seul.
Le propre d’un bon livre est qu’il est toujours trop court. On plonge dedans, on en ressort quelques heures après, un peu épuisé mais pas assez. Parce que, comme l’écrivait un critique, nous aimons les livres « délicieusement interminables comme un roman russe » ! J’ai dévoré les trois livres de Pascale Moignoux en cinq jours. Je vous souhaite de vous réjouir autant que moi-même.

Jules Bénard

 

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