C’est la bâtonnière Isabelle Lauret qui résume le mieux cette histoire : « Politique et urbanisme ne font jamais bon ménage ». Mais si la politique a un rôle prépondérant dans ce dossier, seul Paul Caro était à la barre des prévenus. Loin de tous ces enjeux politiques, la juge Véronique Gimeno-Cabrera a rappelé à tous en début d’audience qu’elle n’était là que pour constater les faits et les preuves, pas le reste.
Ici, les faits sont matérialisés par la construction d’une grande villa et d’un poulailler sans permis de construire. Le tout sur le site du domaine de Maison Rouge, classé comme monument historique depuis 2004.
Un projet municipal flou
« Je suis étonné d’être là. C’est la mairie qui est venue me voir en 2004 pour un projet », lance d’entrée Paul Caro. Sans le nommer, il explique que Cyrille Hamilcaro est venu le voir en 2004 pour monter un équilodge, hôtel thématique sur les chevaux, afin de dynamiser la ville. Il lui propose alors un terrain en friche, classé en zone naturelle, qui sera constructible lors du prochain plan local d’urbanisme (PLU). Une partie de ce terrain se trouve sur la parcelle du domaine de Maison Rouge.
Le projet n’avance pas vraiment pendant des années et en 2008, la mairie bascule du côté de Claude Hoarau. Ce dernier demande à Paul Caro de transformer son projet en agrilodge, hôtel thématique autour du monde agricole. Agriculteur à l’origine, Paul Caro commence à transformer les friches en verger.
En 2010, la commune et Paul Caro signent un bail d’exploitation devant un notaire. Le contrat prévoit que l’ancien élu de la CCIR rétrocède les constructions à la fin du bail. Le permis de construire lui n’arrive toujours pas, car le nouveau PLU n’est livré qu’en 2013. Une fois celui-ci publié, le verdict est sans appel : le terrain n’est toujours pas constructible.
Paul Caro va expliquer qu’un des maires, sans dire lequel, va lui demander de transformer son projet d’agrilodge en hôtel 4 étoiles. Ce qu’il va faire. En 2016, il tente de nouveau de demander un permis de construire, qui lui sera encore refusé. Il explique que c’est le maire, Patrick Malet, qui lui a demandé de « réduire ce projet trop ambitieux ».
En février 2021, il reçoit un nouveau refus de permis de construire. Pourtant, les constructions existent bel et bien.
La commune contre-attaque
Aujourd’hui, c’est Juliana M’Doihoma qui se retrouve avec le bébé sur les bras. Ce n’est que le 17 novembre dernier que la majorité actuelle a pris connaissance de l’affaire.
Me Judicaël Mangataye, qui représente la mairie, rappelle que lors de la signature du bail en 2010, Paul Caro avait été averti que la zone était non constructible et que le bail était soumis à l’obtention d’un permis de construire. La robe noire souligne donc que la modification du PLU n’ayant pas changé la zone, le bail ne pouvait pas être exécuté.
Me Mangataye rappelle également un évènement survenu en 2015. Un incendie s’était déclaré à partir d’un tas déchets dans la propriété créée par la société en charge des travaux. Le sinistre s’était ensuite propagé dans la zone protégée. La mairie avait déposé plainte.
Enfin, il accuse Paul Caro d’avoir changé la destination du projet en ayant transformé ce qui devait être un hôtel 4 étoiles en maison d’habitation. Pour toutes ces raisons, la municipalité a décidé de se constituer partie civile.
« Un bâton merdeux »
« Ce dossier est un bâton merdeux, on ne sait pas par quel bout le prendre », lâche la bâtonnière Isabelle Lauret dès le début de sa plaidoirie. Si elle ne conteste pas la matérialité des faits, elle refuse d’entendre parler d’intentionnalité.
« Il n’est pas arrivé comme ça à la mairie. Les conclusions et les demandes (de la mairie) sont indécentes », affirme la défense avant d’expliquer la chronologie du dossier. La bâtonnière revient sur l’avis favorable de la mairie en 2006 et celui de la préfecture l’année suivante. La préfecture qui avait contrôlé la signature du bail en 2010.
« Après la sortie du nouveau PLU en juin 2013, on lui reproche que le projet ait muté. Mais quand le bail a été signé, on lui parlait de modification rapide du zonage. Urbanisme et politique ne font pas bon ménage », ajoute la bâtonnière. Elle explique ne pas avoir saisi le tribunal administratif de l’époque, car son client avait reçu un courrier de la CIVIS l’informant qu’il devait payer une taxe car il avait reçu un permis de construire. Permis n’ayant jamais existé.
« L’infraction n’est pas intentionnelle, car il y a deux actes administratifs contradictoires », argumente-t-elle. Elle rejette la demande de constitution de partie civile de mairie, « car elle a participé à la situation. »
Des réquisitions lourdes
La procureure Coralie Sutra n’a pas été convaincue par les arguments du prévenu. « Dès le départ, ça a mal commencé. Rapidement, on lui a confié le caractère illusoire du projet. La zone est inconstructible depuis 2004. Cela s’impose à lui, même si cela ne lui plaît pas. Il n’a pas renoncé à ses illusions, il n’a pas renoncé à sa construction », indique-t-elle avant de confirmer que tous les faits sont caractérisés.
Elle requiert donc une amende de 30.000 euros, l’affichage de la décision de justice pendant un mois, la démolition des ouvrages et la remise en état des lieux. Elle demande en plus 1000 euros par jour de retard sur l’exécution de la peine. Le délibéré est attendu le 8 février.