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Océan Indien : A quoi joue la France?

OCÉAN INDIEN : À QUOI JOUE LA FRANCE ? Dans un rapport rendu public le 15 juin (« De l’eldorado gazier au chaos »), l’ONG écologiste, les Amis de la Terre, dénonce le soutien du gouvernement français à plusieurs mégaprojets gaziers aux impacts destructeurs, actuellement en cours au Mozambique et menés par les grands groupes […]

Ecrit par S.M – le jeudi 18 juin 2020 à 08H49

OCÉAN INDIEN : À QUOI JOUE LA FRANCE ?

Dans un rapport rendu public le 15 juin (« De l’eldorado gazier au chaos »), l’ONG écologiste, les Amis de la Terre, dénonce le soutien du gouvernement français à plusieurs mégaprojets gaziers aux impacts destructeurs, actuellement en cours au Mozambique et menés par les grands groupes du secteur, dont TOTAL avec le soutien des principales banques privées françaises. Car si le littoral de ce pays abrite une biodiversité́ d’une richesse exceptionnelle, il recèle aussi dans ses eaux, une des plus vastes réserves gazières au monde. Découvertes au nord du pays il y a une dizaine d’années, elles attisent de nombreuses convoitises.

En 2013, les autorités mozambicaines, sous prétexte de créer de toutes pièces une flottille de pêche au thon, ont lancé via une société publique un emprunt obligataire d’un montant de 850 millions de dollars (les « tuna bonds ») garanti par l’État. Un contrat
« douteux » selon les Amis de la Terre est passé avec les Constructions Mécaniques de Normandie (CMN), basées à Cherbourg et appartenant au milliardaire marchand d’armes franco-libanais Iskandar Safa.

En réalité le Mozambique se dotait non pas de simples bateaux de pêche mais d’armements de défense maritime (patrouilleurs, système de surveillance, etc.) destinés à contrôler la future zone gazière, chose que la France ne pouvait ignorer.

En 2016, on a découvert que ce contrat reposait sur un vaste système de pots-de-vin et de détournements de fonds et que le gouvernement mozambicain, pris dans l’engrenage des commissions occultes, avait dissimulé plus de deux milliards de dollars de sa dette publique aux institutions internationales, soit plus de 10% du PIB du pays, ce qui a entraîné la suspension des aides des bailleurs et fait exploser la dette de cet État parmi les plus pauvres d’Afrique malgré les richesses dont regorgent ses fonds marins.

Non seulement la France a fermé les yeux sur le système de corruption, sur la dette cachée et sur l’impact environnemental destructeur de ces projets, mais elle a aussi activement contribué à une militarisation accrue de toute la zone. Car outre la présence de l’armée mozambicaine, les multinationales recourent à des sociétés de mercenaires utilisant du matériel de combat sous
licence française pour protéger les sites. Plus de cent mille personnes ont été déplacées, notamment des populations de pêcheurs et les violences ont fait plus de 1100 morts, en majorité des civils.

Comme le souligne fort justement l’ONG, la manne gazière ne profitera pas à la majorité de la population du Mozambique qui est le 7ème pays le plus pauvre du monde mais aussi l’un des plus corrompus. Les grands groupes pillent les réserves gazières dont l’essentiel est réservé à l’exportation, ils arrosent généreusement une fraction de la nomenklatura locale mais la population, tenue à l’écart et dans l’ignorance des faits, le régime réprimant les journalistes trop curieux, n’en tire aucun bénéfice.

On ne peut s’empêcher de penser aux îles Éparses toutes proches où le Président Macron s’était rendu en octobre dernier et avait réaffirmé la volonté de la France d’en protéger la biodiversité, irritant ainsi Madagascar qui revendique ces territoires dont les fonds marins recèlent eux aussi de très importantes réserves pétrolifères et gazières.

Le Président de la République laissait cependant la porte ouverts aux revendications malgaches en fixant comme date le 26 juin 2020, bientôt donc, pour une ouverture des discussions. Il est clair que les grands groupes du secteur des hydrocarbures attendent avec impatience de pouvoir passer des contrats avec des sociétés malgaches pour conclure des marchés permettant d’explorer voire d’exploiter demain ces fonds marins. Mais Madagascar comme le Mozambique occupent une place peu flatteuse dans les classements internationaux mesurant la pauvreté et la corruption.

Faut-il, comme le réclament certains, restituer les îles Éparses à Madagascar au risque d’y voir se reproduire le catastrophique scénario mozambicain : corruption, endettement, militarisation, enrichissement des multinationales, destruction d’une biodiversité exceptionnelle et au final, aucun bénéfice pour les populations ? Cela aurait d’ailleurs un impact immédiat sur La Réunion qui abrite les FAZSOI (forces armées dans la zone sud de l’Océan Indien) : ce sont les navires militaires français basés au Port qui
patrouillent dans le canal et sont garants de la sécurité dans la zone.

Pour les écologistes, tous ces projets d’extraction de ressources fossiles au prix de destructions irréversibles d’écosystèmes exceptionnels, doivent être radicalement abandonnés car totalement contraire aux exigences du combat contre le réchauffement climatique. Si la France a un rôle à jouer, ce n’est pas en favorisant la fuite en avant dans l’exploitation toujours plus coûteuses des hydrocarbures mais au contraire en préservant la biodiversité de ces territoires de l’Océan indien.

Le Secrétaire Régional d’Europe Écologie Les Verts Réunion
Jean-Pierre Marchau

 

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