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Du virtuel au tribunal : L’influenceuse « La Patronne » condamnée pour chantage

L’influenceuse de 34 ans surnommée "La Patronne" a menacé une femme faisant partie, comme elle, d’un groupe Facebook dédié aux communautés mahoraises, comoriennes et malgaches, de diffuser au grand jour des photos d'elle dénudée si elle ne présentait pas des excuses en direct.

Ecrit par Prisca Bigot – le jeudi 10 février 2022 à 20H18

Nadia* est une de ces influenceuses qui fleurissent sur les réseaux sociaux se posant en leader d’opinion. La jeune femme s’exprime régulièrement en direct sur différents types de sujets. Cette mère de famille de 6 enfants a connu la victime, Raya*, en 2015 sur un groupe Facebook dédié aux communautés mahoraises, comoriennes et malgaches.

Un an plus tard, rien ne va plus entre les deux femmes pour des raisons qui restent floues. Raya aurait notamment insulté la sœur de Nadia. Des photos truquées de la prévenue auraient également été relayées sur le groupe. En message privé, l’influenceuse aurait alors intimé à Raya de lui présenter des excuses en live sur Facebook, la menaçant de diffuser des photos d’elle dénudée. Des photos que Raya a faites durant sa jeunesse et qu’elle avait envoyées à une amie avec qui aujourd’hui elle n’a plus de contact. Selon Nadia, surnommée « la Patronne », les photos « tournent depuis 2012 sur les réseaux ». 
 
« On s’envoyait des piques sur Messenger. J’ai écrit au procureur pour dénoncer le lynchage dont j’étais victime sur le groupe », explique ce jeudi Nadia à la barre du tribunal correctionnel de Saint-Pierre. « Elle m’affichait sur le groupe et elle se moquait de moi en privé », poursuit la mère de famille qui travaille en intérim.
 
Des ennemies qui ne sont jamais vues
 
Raya finit par porter plainte en août 2021 au commissariat de Vaulx-en-Velin alors qu’elle réside à ce moment-là dans cette commune de la métropole de Lyon. Constituée partie civile, Raya réfute les propos tenus par son ennemie devant le prétoire. « Tout ce qu’elle dit est faux. Je ne suis pas sa seule victime », confie-t-elle, beaucoup moins loquace que l’accusée.
 
« Il y a cette haine envers moi sachant que je ne la connais pas. Aujourd’hui c’est la première fois que je la vois », reprend Nadia. « Je ne la connais pas et je n’ai pas envie de la connaitre », lance-t-elle. Dans cet imbroglio d’insultes sur la moralité de chacune, de menaces et de chantage, Nadia reconnait le caractère improbable et sordide de cette affaire. « Du virtuel à la réalité, on en est arrivé là ». 
 
« C’est ça le chic et le choc d’internet. Même à distance, on atteint la fierté et l’intégrité d’une personne », résume Me Bruno Raffi, conseil de Raya, qui demande une interdiction de contact et 1000 euros de préjudice moral. 
 
Manque d’outils législatifs 
 
Le parquet rejoint l’analyse de la robe noire : « C’est immatériel et c’est facile d’insulter et de menacer sur internet ». Au-delà des dires de l’une et de l’autre, le chantage est caractérisé, pour la représentante de la société. La justice manque pour le moment d’outils législatifs qui auraient permis de restreinte l’accès aux réseaux sociaux, note le parquet. 

Outre le contexte communautaire établi par un groupe Facebook qui réunit des milliers de personnes, Me Stéphanie Saint-Bertin plaide la bonne foi de Nadia. « En envoyant un message privé pour ne pas justement la jeter en pâture, ma cliente ne pensait pas agir sous le coup de la loi ».
 
« La Patronne » écope finalement de 500 euros d’amende. Elle devra verser 300 euros pour le préjudice moral de la victime. Une décision de la justice accueillie sous les cris de joie à l’extérieur du tribunal. Chacune des parties est en effet venue avec un comité de soutien constitué d’une quinzaine de personnes au total. 

* prénoms d’emprunt

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