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Deux chefs d’entreprises mauricien et réunionnais jugés pour exportation interdite de déchets vers l’Inde

L’enjeu est financier mais également environnemental. Dany H. puis Bissoonduth B. sont accusés d’avoir géré et exporté des véhicules hors d’usage (VHU) compactés mais non dépollués vers l’Inde. Ils ont été jugés ce jeudi devant le tribunal correctionnel de Saint-Pierre.

Ecrit par Prisca Bigot – le vendredi 11 mars 2022 à 13H50

Parce que les pays en développement n’ont pas vocation à devenir les poubelles des occidentaux, la convention de Bâle réglemente l’exportation de déchets dangereux d’un pays vers un autre. Dany H. a lui complètement fait l’impasse sur cette réglementation. En reprenant une installation de récupération de matériel métallique en 2016, dans la ZA La Cafrine à Saint-Pierre, le chef d’entreprise s’était déjà fait remarquer des autorités préfectorales pour différents manquements à l’entreposage et au traitement des VHU. Dany H. a d’ailleurs été condamné pour ces faits en 2019.

Les poursuites pour exportation interdite de déchets, gestion irrégulière et violation d’une prohibition réglementaire d’exportation de marchandise débutent en février 2018 pour le chef d’entreprise réunionnais. Les agents de la DEAL et de la Douane découvrent deux containers de 21 et 22 m3 de déchets pollués. Pour l’essentiel, des VHU compactés.  Des pneus, des sièges ou encore des réservoirs d’essence n’ont pas été enlevés avant compactage. Une procédure confirmée par l’employé de l’exploitation, « dans le but de gagner du temps ».

Les VHU, compactés quasi en l’état dans des containers, étaient réceptionnés en Inde par l’intermédiaire d’un certain Phul J. Les déchets ferreux étaient ensuite transformés en barres métalliques dans la fonderie de son frère dans la région du Penjab. Cet homme d’affaires mauricien, qui régulièrement fait le voyage entre les deux îles sœurs en passant toujours par l’aéroport de Pierrefonds, est « passé entre les gouttes », reconnait le parquet. 

De novembre 2016 à février 2018, Dany H. aurait ainsi réalisé un bénéfice de 300.000 euros, estiment les enquêteurs. 

« Trafic de nature internationale »
 
Dans le collimateur des autorités, Dany H. passe la main en avril 2018 à Bissoonduth B. Ce chef d’entreprise mauricien s’associe alors au fameux Phul J. en créant la société SCRAP Metal Export (SME). « Conscient des impératifs de réglementation, Bissoonduth B s’est formé à la CCIR sur le traitement des déchets métalliques », assure son conseil Me Farid Issé. Son client, ingénieur de formation, évoluait jusque-là comme intermédiaire entre les garages et les centres de traitement. Bissoonduth B. fait appel à un centre de dépollution agréé pour dépolluer les véhicules avant de les envoyer en Inde. Lors d’un contrôle de la Douane, il est constaté des déchets partiellement dépollués dans 3 containers. À sa reprise de l’activité jusqu’au 30 avril 2019, 200.000 euros de bénéfice aurait été engendrés par Bissoonduth B. 
 
Pour ces infractions, la Douane demande aux deux prévenus le paiement solidaire de 13.000 euros. 
 
Dany H. et Bissoonduth B. ont profité du « business au détriment de ce qui va être laissé aux générations futures », souligne le parquet. « Pour ce trafic de nature internationale », la représentante du ministère public requiert 8 mois de prison avec sursis pour chacun des prévenus, 30.000 euros d’amende et l’interdiction de gérer toute société en lien avec le traitement des déchets. 

Me Rohan Rajabali, pour la défense de Dany H., rappelle qu’on ne peut juger deux fois la même personne pour les mêmes faits, en référence à la condamnation de son client en 2019.

La situation de mon client est différente, tient à souligner Me Farid Issé. Bissoonduth B. a fait appel à un centre de dépollution. « Il connait le process mais ne peut pas être tenu responsable. Il ne peut pas faire sauter les plombs et vérifier qu’il ne reste pas un bout de gomme ou une goutte de liquide provenant des VHU ». D’autant que, souligne la robe noire, l’audition du responsable du centre de traitement dépollueur confirme qu’il y a un taux irréductible de déchets. « Avant, on attendait la grande vidange des cyclones pour nettoyer l’île de ses déchets. Nous devrions être bien contents de ne plus voir ses épaves abandonnées dans la nature », avance-t-il avant d’ironiser sur l’actualité du naufrage du Tresta Star dont l’armateur est une société indienne. 
 
Les deux chefs d’entreprise seront fixés sur leur sort le 21 avril prochain. 

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