Communiqué :
Monsieur le Député Jean Hugues Ratenon,
Vous avez adressé un courrier au préfet de La Réunion, le 7 mars 2024, dans lequel vous exposez votr inquiétude face à l’escalade de la violence dans le département de la Réunion. Votre discours passe sous silence un point crucial : la solidarité et le soutien que Mayotte, en tant que département français, est en droit d’attendre de la nation, et en particulier de ses voisins. Rappelons que votre engagement contre l’opération Wumbushu visant à combattre l’immigration clandestine et à restaurer la paix à Mayotte a été marqué par des accusations virulentes, allant jusqu’à qualifier cette initiative de « honte pour la France ».
Cette posture, loin d’exprimer un soutien aux droits humains, ignore le droit fondamental des mahoraises et des mahorais à la sécurité et à la tranquillité, droit que vous réclamez aujourd’hui pour La Réunion. Vous acculez l’ile de Mayotte, un territoire en souffrance depuis plusieurs décennies par manque de solidarité de la nation et de son voisin le plus proche. Dans votre courrier, vous indexez le territoire comme un territoire de violence, oubliant que celle- ci est importée et surtout cantonnée à Mayotte depuis des décennies, dans l’indifférence
générale en dépit des cris d’alertes répétés de la population mahoraise. Il est déplorable de constater qu’en tant qu’élu de gauche, votre solidarité semble conditionnée par des intérêts politiques plutôt que guidée par les valeurs d’équité et de justice. La gestion des fonds destinés à Mayotte en est un exemple frappant !
Pendant des années, les ressources allouées à Mayotte, notamment dans les domaines de la justice et de la santé, ont été gérées depuis la Réunion, souvent – pour ne pas dire systématiquement – au détriment de notre territoire. Les conséquences de cette gestion délocalisée sont palpables : retard dans le développement des infrastructures et manque criant de moyens, notamment pour les services judiciaires et de santé, entravant l’accès des mahorais et des mahoraises à des services essentiels. L’exemple de l’Agence de Santé Océan Indien (ARSOI) illustre parfaitement cet état de fait.
Créée en 2010 et regroupant Mayotte et La Réunion, l’ARSOI avait pour objectif de faire rayonner la France dans l’Océan Indien dans le domaine de la santé. Huit ans plus tard de vie commune dans cette même agence, le budget pour Mayotte ne représentait qu’environ 10% du budget de l’ARSOI au lieu des 25% auxquels Mayotte avait droit au regard du pourcentage que sa population représentait – 25% – sur l’ensemble de la population des deux iles réunies. 15% de différence ! Nous ne pouvons que constater et surtout souligner une mauvaise volonté de La Réunion à accompagner Mayotte dans le développement de son système de santé (rattrapage structurel et fonctionnel).
En toute état de cause, Mayotte est restée le parent pauvre de cette association, hélas comme sur tant d’autres domaines ! L’utilisation des fonds destinés à Mayotte pour des projets à La Réunion, en lieu et place du renforcement du système de santé de Mayotte, est une injustice qui a des répercussions directes sur la vie des mahoraises et des mahorais. Votre position, focalisée sur les intérêts réunionnais au détriment de ceux de Mayotte, soulève des questions quant à votre engagement envers les principes d’équité et de fraternité républicaine. A titre indicatif, une dépense annuelle de santé par habitant évaluée à moins de 1 000 € pour les mahoraises et les mahorais contre 2 700 €au niveau national et 88 médecins pour 100 000 habitants contre 334 médecins au niveau national, sont des indicateurs qui soulignent la situation dramatique du système de santé à Mayotte !
Alors que Mayotte et la Réunion partageaient la même structure de financement, l’ARSOI, Mayotte compte 107 lits et place de médecine et chirurgie pour 100 000 habitants contre 213 pour la Réunion ! Encore une fois, proportionnellement moitié moins !! Sur le volet de la justice, l’absence d’une Cour d’appel à Mayotte, qui contraint notre système judiciaire à dépendre de La Réunion est une autre illustration de ce déséquilibre. A titre d’exemple, pour ne citer que celui-ci, plus de 5000 dossiers de mahoraises et de mahorais sont restés en souffrance pendant près de 10 ans pour une simple révision de leur état civil avec les conséquences que vous pouvez imaginer sur leur quotidien ! Votre silence sur ces questions, tout comme votre manque de soutien aux parlementaires mahorais qui luttent pour une justice équitable, met en lumière un manque de solidarité qui ne peut être ignoré.
Le combat des mahoraises et des mahorais, matérialisé notamment par un nouveau soulèvement populaire en ce début d’année 2024 est un cri d’alerte pour une reconnaissance et surtout une réparation des injustices subies des décennies durant. Votre rôle en tant qu’élu et représentant de la nation ne se limite pas à défendre uniquement votre circonscription ; il vous incombe également de promouvoir les valeurs de solidarité et d’égalité sur l’ensemble du territoire national, y compris à Mayotte. Nous attendons de vous une prise de position claire en faveur d’une répartition équitable des ressources et d’un soutien inconditionnel aux efforts visant à améliorer la qualité de vie de tous les citoyens français, sans distinction de territoire ; à défaut d’excuses publiques pour tout un peuple mahorais et français que vous stigmatisez alors même qu’il est victime, à minima, d’un silence complice des difficultés qu’il traverse depuis des décennies.
Les Forces vives de Mayotte, Ra Ha Chiri !
« On ne peut pas laisser La Réunion devenir le Mayotte bis en matière de violence »