Quel lien entre les deux événements ? Le dérèglement climatique bien sûr, qui aggrave partout l’intensité des vagues de chaleur, et la fréquence des incendies. Partout, mais l’Alberta n’est pas n’importe où : c’est la région pétrolière la plus active du Canada, lui-même le quatrième plus gros producteur de pétrole au monde. Les hydrocarbures d’« Oilberta », surnom donné à cette province qui a lié son destin à celui de l’or noir, ont une particularité : ils proviennent en partie de sables bitumineux, et nécessitent pour être extraits une des technologies les plus polluantes au monde.
Cruelle géographie : une des régions les plus émettrices en CO2 de la planète subit de plein fouet les ravages de la catastrophe climatique qu’elle contribue en partie à causer. Que dire ? Qu’il n’existe pas de pédagogie de la catastrophe. En mai 2016, rappelez-vous, je l’avais évoqué dans une même chronique, la ville de Fort McMurray, considérée comme la capitale des sables bitumineux, avait été ravagée : Smaug était passé par là. 100 000 personnes avaient été déplacées. Chiffrage des dégâts = 7,5 milliards d’euros : l’accident industriel le plus coûteux de l’histoire du Canada.
Huit ans plus tard, l’Alberta continue d’extraire le pétrole. Les spécialistes du marché pétrolier s’interrogent sur l’impact des feux de mai 2023 sur la production et les prix. Comme si les incendies n’étaient qu’une épreuve, pas le signe d’un mur climatique que cette industrie ne pourra éviter. Décidément, ils ne comprendront jamais rien. L’argent, le « greed », trop n’est jamais assez, plutôt que la vie. Pauvre monde.