« Les dégâts collatéraux vont être énormes mais on ne va pas les voir tout de suite », prévient-il alors que de nombreux patients ont renoncé à voir leurs médecins les semaines passées, par peur du coronavirus. En effet, selon les données transmises par l’ARS de La Réunion à partir de celles de la CGSS, la baisse des consultations en médecine libérale est estimée à 34% (pour la période allant de la semaine du 23 mars à celle du 4 mai) et le recul des passages aux urgences à 39%.
Les consultations « moins risquées que faire ses courses »
« On va s’apercevoir que les décès vont augmenter, que les maladies chroniques se sont aggravées avec le retard de prise en charge, que les gens ont probablement augmenté leur insuffisance rénale, qu’il y aura plus de problèmes d’ophtalmologie… », s’inquiète-t-il. Le docteur illustre ses propos avec le cas d’un patient souffrant de diabète, qui a dû se faire amputer d’une jambe gangrénée après avoir repoussé la consultation.
Des problématiques qui sont selon lui la conséquence directe des discours alarmistes de l’ARS : « On a fait peur aux gens. L’ARS est la première responsable », reproche-t-il, rappelant qu’à La Réunion les cas sont peu nombreux et les consultations en cabinet « moins risquées que faire ses courses ». Si depuis plusieurs semaines, l’Agence régionale de santé insiste sur la nécessité d’assurer une continuité des soins, le médecin s’agace : « L’ARS ne fait que répéter ce qu’a dit Macron il y a quelques semaines. Mais les médecins de terrain l’ont dit depuis le début. La maladie chronique ne se confine pas ». Idem d’ailleurs pour les maladies aïgues, métaboliques ou affections longue durée, comme le cancer.
Baisse des consultations et hausse des décès à domicile
Si le pire semble à venir, on peut aussi imaginer que des décès par ricochet soient déjà à déplorer sur notre île. D’ailleurs, parallèlement à cette baisse des consultations et des passages aux urgences, l’Insee a enregistré une hausse du nombre de décès à domicile à La Réunion de 14 % pour la période du 1er mars au 26 avril, par rapport à 2019 (et de 1% par rapport à 2018, année où les décès ont bondi). Des chiffres à prendre toutefois avec des pincettes car les données étant provisoires et les facteurs multiples, il n’est pas encore possible de dresser de statistiques sur les causes de mortalité.
Mais une corrélation peut être projetée entre l’accès aux soins et la mortalité. « C’est une évidence », commente le Dr de Chazournes. « Des gens ont eu tellement peur qu’il n’ont pas contacté leur médecin et sont morts à domicile dans le plus grand silence », suppose le docteur, évoquant notamment l’infarctus ou l’AVC. Il écarte par contre la piste de décès directement liés au Covid-19 mais non recensés. « Je n’y crois pas. Il n’y en a déjà pas à l’hôpital… »
Dans ce contexte, c’est un message rassurant qu’il veut adresser à la population : « Consultez vos médecins, plus il y a de retard dans la prise en charge, plus il y peut y avoir de séquelles. Les cabinets sont ouverts. Les téléconsultations c’est bien, mais cela ne remplace pas le contact humain. » Et dans ce même objectif d’éviter des retards thérapeutiques et diagnostics, il réclame, comme de nombreux professionnels de santé, la levée du plan blanc élargi, lequel déprogramme les opérations jugées « non urgentes ».