La chambre régionale des comptes de Mayotte a contrôlé les comptes et la gestion de la commune d’Acoua sur les exercices 2017 et suivants. Le contrôle ouvert en décembre 2021 et achevé en octobre 2022 a donné lieu à douze recommandations, parmi lesquelles huit recommandations, dites de régularité, ont pour objet de rappeler le respect d’une règle. Le rapport ayant été présenté en assemblée délibérante, la juridiction financière peut désormais publier ses observations définitives.
La commune d’Acoua, composée des deux villages d’Acoua et Mtsangadoua, est, avec ses 5 192 habitants, la moins peuplée de Mayotte mais avec une croissance démographique de 10 % entre 2012 et 2017. Le contrôle a porté sur la situation financière, budgétaire et comptable de la commune et l’exercice de la compétence scolaire.
La juridiction considère que la compétence scolaire n’est pas assumée par la collectivité.
1 158 enfants, soit plus de 22 % de sa population, sont scolarisés dans l’une de ses six écoles. Leur fonctionnement comme leur entretien ne sont pas au cœur de l’action communale. Si les deux écoles de Mtsangadoua ont fait l’objet de réhabilitations importantes entre 2019 et 2021, les quatre écoles d’Acoua sont en revanche en mauvais état. Pour trois d’entre elles situées en zone inondable, les inondations fréquentes nuisent à la continuité pédagogique. Le bâti subit également une pression démographique régulière due à l’augmentation de la population, à l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire, et au dédoublement des classes de CP et CE1. Les carences en matière de pilotage financier des opérations entrainent des retards de paiement des entreprises qui engendrent à leur tour des retards de chantiers considérables. Aucune école n’a été construite hormis la mise en chantier, en 2021, d’un nouveau bâtiment comptant six salles de classe. La réalisation d’investissements nouveaux est soumise à un schéma directeur attendu pour la fin de l’année scolaire 2022. Aucune école ne dispose d’un système d’extincteurs aux normes ou fonctionnel. Le groupe scolaire Acoua 1 a fait l’objet d’une recommandation de fermeture immédiate qui n’a pas été suivie d’effets faute de solution alternative. L’une des recommandations de la juridiction porte sur ces obligations réglementaires en matière d’hygiène et de sécurité.
De même, la commune n’offre que peu de services à sa population scolarisée. La chambre a reconstitué le coût de la compétence scolaire sur la base d’une méthodologie propre éprouvée à l’occasion de plusieurs contrôles simultanés. Le coût moyen annuel par élève s’élève à 552 € (967 € pour la moyenne nationale des communes de moins de 10 000 habitants). La fourniture de collations à la récréation du matin ne concerne qu’environ 60 % des élèves. Un service de livraison de repas chauds concurrent intervenant au sein des écoles sans agrément sanitaire au profit d’un tiers des élèves lui est préféré par certains parents. 10 % des élèves ne mangent pas à l’école. Cette situation atypique devrait conduire la commune à engager une démarche pour faire évoluer le système de la collation vers un véritable service de restauration scolaire.
La commune a par ailleurs tardé à mettre en place l’organisation des temps d’activité périscolaire, qui n’existe que depuis la rentrée de janvier 2022, malgré la perception du fonds de soutien spécifique versé chaque année depuis 2018 par le rectorat à cette fin. Elle s’était jusqu’alors contentée d’assurer la garderie des seuls élèves de maternelle.
La chambre considère que la situation financière reste fragile.
La situation financière de la commune, qui s’est améliorée entre 2017 et 2020, lui a permis de restaurer sa capacité d’autofinancement pour financer partiellement de nouveaux investissements, mais elle s’est de nouveau dégradée en 2021. Cette amélioration doit être toutefois relativisée par le manque de fiabilité des comptes : la commune, qui n’est pas en mesure d’adopter ses documents budgétaires dans les délais prescrits par la règlementation, ne tient pas de comptabilité d’engagement, ne procède pas aux rattachements d’un exercice à l’autre, et elle n’effectue pas correctement le suivi de ses immobilisations. Les comptes de la commune ne donnent pas une image fidèle de son patrimoine.
Le fonctionnement de la commune est en outre fragilisé par une organisation interne déficiente. Aucune des procédures nécessaires à son bon fonctionnement n’est formalisée à l’image des procédures de commande publique. Elle n’assure aucun pilotage de ses achats ni de sa masse salariale, qui commence à s’infléchir seulement en 2021, en raison d’une diminution des effectifs et des participations de l’État au titre des contrats aidés.
En remédiant à l’ensemble de ces dysfonctionnements, la commune pourrait dégager, sans alourdir ses marges d’autofinancement, les moyens nécessaires pour améliorer le cadre de vie de sa population et lui apporter une offre de services davantage en rapport avec les standards contemporains, notamment dans le domaine scolaire. Sept des douze recommandations concernent des obligations budgétaires, financières et comptables.
Ce contrôle s’inscrit dans un ensemble de plusieurs contrôles de communes de Mayotte qui ont pour point commun l’exercice de la compétence scolaire (inscriptions, investissements, services rendus à la population en matière scolaire). Jusqu’à présent, la chambre a publié ses observations pour Dzaoudzi-Labattoir, Bandraboua et Acoua. Plusieurs contrôles sont en cours d’instruction ou de contradiction.