Face au président Stéphane Duchemin et ses deux assesseures, Pascal Pragout, cheveux blancs et chemise assortie, s’exprime avec assurance et réfute tout ce qui lui est reproché. Mais au fil d’un interrogatoire serré, mené par les magistrats et Me Sébastien Navarro, avocat de Xavier N. en partie civile, le vernis se craquelle.
Les deux hommes se sont rencontrés fortuitement en 2018 dans un restaurant de Saint-Denis. Les conversations se mélangent et ils s’abordent car ils ont un sujet en commun : Madagascar. Pascal Pragout y a passé une partie de sa vie et s’apprête à y retourner. Son voisin de table cherche un intermédiaire pour y acheter des stocks importants de vanille afin de les faire transiter en Guadeloupe où réside l’un de ses associés. L’idée est de vendre ensuite les gousses dans les duty free.
« On s’est revus plusieurs fois et on s’est fait confiance » s’accordent à dire les deux hommes. L’affaire est rapidement faite. Sept jours plus tard, Pascal Pragout est chargé de trouver des collecteurs, d’acheter en gros et de prévenir Xavier lorsqu’il aura suffisamment de marchandise. Exporter entre 300 et 450 kilos de vanille est l’objectif.
À plusieurs reprises, Pascal Pragout sollicite son nouvel « ami » afin qu’il lui envoie de l’argent. Des milliers d’euros sont envoyés de La Réunion vers la Grande île via Western Union. Xavier N. s’y rend deux fois pour constater sur place où en sont les stocks annoncés. Il repart déçu sans avoir pu vérifier le soi-disant travail de l’autre.
Puis, les choses se compliquent encore. Pascal Pragout met tout sur le compte de Madagascar, l’île où il est si facile d’être volé, d’être roulé. Mais « l’Afrique », comme il le décrit aux juges qui se montrent sceptiques, a bon dos. « Si Xavier N. avait eu connaissance de votre casier judiciaire quand il a fait affaire avec vous, il aurait certainement reculé », assène le président du tribunal.
La réputation du prévenu, né en 1966, n’est en effet plus à faire : neuf condamnations pour des faits d’escroquerie, d’abus de confiance ou de chèques contrefaits. Mais l’homme acculé ne se démonte pas. Il a une explication pour tout, ce qui lui porte finalement tort face aux magistrats qui ne lâchent pas le morceau.
Au fil des questions qui lui sont posées, il se contredit, multiplie les incohérences et s’enfonce. Tour à tour, il est spécialiste de la vanille et connait bien les spécificités de Madagascar. Un peu plus tard, il est néophyte et s’est fait agresser par huit hommes armés jusqu’aux dents dans les rues de Tananarive.
Lorsqu’enfin Xavier N. comprend qu’il a misé sur le mauvais cheval, environ 20.000 euros ont été envoyés. Mais aucune gousse de vanille à l’horizon malgache. Payées 300, puis 100, puis 70 euros le kilo selon sa qualité, elles se trouvent parfois dans une chambre d’hôtel, parfois chez les beaux-parents du mis en cause. « La vanille, je n’en ai jamais vu la couleur », regrette la victime.
Lors d’un ultime rendez-vous entre les deux hommes à Bellepierre, en 2019, aucun accord amiable n’est trouvé. Xavier N. n’a d’autre solution que de porter plainte. À l’issue de sa garde à vue, Pascal Pragout qui nie tout devait être jugé en comparution immédiate. Mais le tribunal avait demandé au parquet de mieux se pourvoir. Une information judiciaire avait été ouverte.
Ce vendredi, l’heure de l’épilogue de cette histoire d’escroquerie a sonné. Trois ans de prison, dont un avec sursis, ont été requis par le procureur, Philippe Léonardo. Le tribunal a suivi ces réquisitions à la lettre. Pascal Pragout dort en prison. Il devra rembourser les sommes qui lui ont été remises.