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Débat des Outre-Mer : Emmanuel Macron confisque les micros et le débat sur la chlordécone

France Ô retransmettait vendredi 1er février le grand débat du président avec des élus d’Outre-Mer. Sa position sur la chlordécone ne s’est pas plus renouvelée que celle sur l’ISF. « Il ne faut pas dire que c’est cancérigène. » Emmanuel Macron parle de la chlordécone. « Sinon, on alimente les peurs. » En attendant, le président alimente l’indignation des élus ultramarins, réunis à […]

Ecrit par Bruno Bourgeon, porte-parole d’AID – le mercredi 06 février 2019 à 11H09

France Ô retransmettait vendredi 1er février le grand débat du président avec des élus d’Outre-Mer. Sa position sur la chlordécone ne s’est pas plus renouvelée que celle sur l’ISF. « Il ne faut pas dire que c’est cancérigène. » Emmanuel Macron parle de la chlordécone. « Sinon, on alimente les peurs. » En attendant, le président alimente l’indignation des élus ultramarins, réunis à l’Elysée. Joël Beaugeande, maire de Capesterre-Belle-Eau, en Guadeloupe : « Le petit médecin de campagne que je suis vous affirme que de nombreux Guadeloupéens et Martiniquais sont malades de la chlordécone et meurent quotidiennement. »

La chlordécone, c’est cet insecticide organochloré proche du DDT dont la France a autorisé l’épandage dans les bananeraies jusqu’en 1993 alors que la plupart des pays l’avaient depuis longtemps banni, sa dangerosité ayant été prouvée dès les années 1970. Victorin Lurel prend la parole : « Vous invalidez les résultats du professeur Blanchet, du CHU de Pointe-à-Pitre, et de Luc Multigner, de l’Inserm. » « Mais Blanchet disait clairement que c’était cancérigène ? », demande Emmanuel Macron. Le sénateur confirme, il en a lui-même discuté avec l’intéressé, l’a écouté dans un colloque. « C’est l’étude Blanchet de quelle année ? », insiste le président.

Comme Victorin Lurel ne sait pas le préciser, Emmanuel Macron déduit : « Le malentendu vient de là. Vous faites référence à ce que le professeur du CHU a pu dire. Ce n’est pas ce que j’appelle une étude scientifique dans une revue avec comité de lecture. C’est une déclaration. » Ça ne vaut rien. Et puis c’est qui, ce Blanchet ? « C’est une déclaration publique qui peut inquiéter, insiste le président, moi je n’en connais pas le statut. » De quel droit le chef du service oncologie du CHU d’un territoire dont la population compte sept fois plus d’occurrences de cancers de la prostate que la moyenne mondiale pourrait-il donner son avis sur la chlordécone ?

« Je me suis prononcé sur ce que l’OMS et l’Inserm nous ont donné, précise Emmanuel Macron. L’OMS et l’Inserm indiquent qu’il n’y a pas de lien direct établi. » Le chlordécone est cancérogène, « on peut le dire de manière très officielle », l’OMS notamment l’a fait dès 1979, réplique Luc Multigner dans Le JT de Martinique 1ère et dans un communiqué cosigné avec le professeur Blanchet. Car les déclarations du président ont provoqué un tollé aux Antilles, et Luc Multigner a déploré des « propos dédaigneux » dont le président a gratifié son confère du CHU de Pointe-à-Pitre. « N’étant pas scientifique, poursuit Emmanuel Macron, je n’ai pas à conforter ou à invalider monsieur Blanchet dont je ne connais pas le statut. »« Il a publié », assure Victorin Lurel. « Mais il a publié où ? », questionne Emmanuel Macron, intraitable sur la vérification des sources.

« L’OMS a tranché, rappelle le sénateur, des études épidémiologiques ont été faites et aujourd’hui j’entends qu’il n’y a pas de lien de causalité, permettez-moi de m’interroger. » « Si vous êtes persuadé de ça… Ce n’est pas comme si vous n’aviez pas été ministre de l’Outre-Mer ! », réplique Emmanuel Macron à court d’arguments, et qui préfère s’attaquer à la personne, l’accusant d’avoir « considéré pendant des décennies comme responsable local puis comme ministre que ce n’était pas un sujet et que ça en devient un depuis mai 2017 ». En fait, cette histoire de chlordécone, c’est un complot pour déstabiliser notre président. « Mais ce qui est établi scientifiquement, c’est que personne n’a établi de lien direct, répète le chef de l’Etat. Donc je ne veux pas créer d’angoisse. » Pas plus que par le passé les communicants des cigarettiers ou des industriels de l’amiante, dont Emmanuel Macron reprend l’éprouvée technique de fabrique du doute. (Pour votre information, M. Macron, vous trouverez ci-après les publications principales sur le sujet, dont une est sortie dans la très réputée revue internationale, « Journal of Oncology ».) Assez de l’arrogance de ce président « je sais tout ».

Le one-man-show d’Emmanuel Macron s’éternise. « J’ai terminé, dit un élu se tournant vers un de ses collègues. Je te passe le micro. » « Non, s’il vous plaît, on ne va pas passer le micro, s’interpose Emmanuel Macron. Est-ce qu’il y a des questions qui n’ont pas été posées ? J’en prends deux… » Les élus protestent. « Non, les enfants ! » Ecoutez Papounet. « Non, vous avez déjà parlé, monsieur le maire. Non-non, ça ne marche pas comme ça ! Non, monsieur le maire, c’est moi qui donne le micro. » Le président lui prend le micro des mains. Comme ça, c’est réglé. « Ce n’est pas une communauté autogérée. » On est à l’Elysée. « Je vous demande de vous asseoir. Voilà, donc, vous vous asseyez. » Non mais. « Là, on a fait cinq fois la même question à chaque fois. Je vais être sincère, ce n’est pas pour mollir le papier. » Ni pour dire que c’est de la pipe. « Donc je prends deux questions. Non-non-non, c’est moi qui prend les micros. » Et Emmanuel Macron de confisquer un troisième micro. « La Réunion, Mayotte, y a eu beaucoup de questions, Martinique, on en a eu beaucoup, là. » Qu’est-ce qu’il reste ? Les Kerguelen, la Terre Adélie ? « Non, Réunion, y en a déjà eu beaucoup. » Ils sont pénibles, ces Réunionnais. « J’en prends une là et une là, et c’est une minute. » L’élu insiste, Emmanuel Macron se fâche : « Mais y en a eu plein, La Réunion, arrête ! » La dernière question est enfin posée, le président va pouvoir clore le débat. Ce qu’il fait par un monologue…D’une minute ? Non, de soixante-dix. Un débat ? Non. Une mascarade.
 
Repris de France Ô et Télérama, publié le 04/02/2019.
 
[https://www.mediaphore.com/2016/02/pourquoi-la-martinique-detient-le-record-du-monde-des-cas-de-cancer-de-la-prostate-par-habitant/]urlblank:https://www.mediaphore.com/2016/02/pourquoi-la-martinique-detient-le-record-du-monde-des-cas-de-cancer-de-la-prostate-par-habitant/
[https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/medecine-chlordecone-ex-insecticide-bananeraies-serait-bien-cancerigene-24186/]urlblank:https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/medecine-chlordecone-ex-insecticide-bananeraies-serait-bien-cancerigene-24186/
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http://ascopubs.org/doi/pdf/10.1200/jco.2009.27.2153#page=1&view=FitH
[http://gco.iarc.fr/today/data/factsheets/populations/312-france-guadeloupe-fact-sheets.pdf]urlblank:http://gco.iarc.fr/today/data/factsheets/populations/312-france-guadeloupe-fact-sheets.pdf
[http://gco.iarc.fr/today/data/factsheets/populations/474-france-martinique-fact-sheets.pdf]urlblank:http://gco.iarc.fr/today/data/factsheets/populations/474-france-martinique-fact-sheets.pdf
http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=362
[https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20566993]urlblank:https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20566993

 

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