Le 29 juillet de cette année-là, en pleine nuit et dans un endroit isolé, sa compagne Julita Bénard disparaît de la circulation. Les recherches se concentrent sur le secteur du récif escarpé du Gouffre de l’Etang-Salé sur les bases de la première version de celle qui n’est, à ce moment-là, pas encore soupçonnée.
Les recherches resteront vaines en dépit d’importants moyens déployés par les autorités et l’observation permanente du plan d’eau pendant des jours par les proches de la disparue (notre photo).
Un procès sans corps
Dès les premières heures des recherches et jusqu’à ce procès d’assises, les enquêteurs et la justice ont été baladés par celle qui était devenue le suspect numéro 1 au fil des jours au vu des incohérences dans le récit de cette soirée. Claudia Lauret est d’une part la dernière personne à avoir vu Julita Bénard en vie et l’accusée a livré durant ses auditions deux versions. Dans la première, les deux femmes auraient subi une agression par un homme sur le parking du Gouffre. Claudia Lauret a réussi à prendre la fuite et à son retour, n’a plus trouvé trace de sa compagne. Dans la seconde version développée par l’accusée durant ses auditions, Julita Bénard a disparu après être allée uriner près des rochers le long du littoral escarpé de l’Etang-Salé.
C’est un peu moins de deux mois après la disparition de Julita Bénard que Claudia Lauret sera mise en examen pour assassinat. C’était le 15 septembre 2016. Un mois plus tôt, début août, le parquet de Saint-Pierre avait décidé d’ouvrir une information judiciaire pour enlèvement et agression sexuelle.
Six ans plus tard, le procès d’assises se déroule sans corps. L’accusée nie toujours avoir échafaudé ce soir-là un scénario pour éliminer sa compagne. Un mystère à la mesure des troubles psychologiques qui traversent celle qui a été examinée par une batterie d’experts.
Face à la disparition de sa compagne, l’accusée est restée campée sur sa position en niant les faits.
Ce mercredi, au troisième et dernier jour du procès d’assises, l’audience a repris avec les témoignages du père et de la sœur de Julita Benard, tous deux très émus.
« Julita était très perturbée par son cambriolage »
Ils confirment à la barre que leur proche n’était pas suicidaire et qu’ils acceptaient son homosexualité. Par ailleurs, ils ont indiqué qu’elle était bien trop prude pour s’éloigner pour uriner sur les rochers ainsi que l’a soutenu l’accusée. Autre événement trouble survenu la veille de sa disparition, « Julita était très perturbée par son cambriolage », a précisé son père. L’enquête déterminera que le téléviseur de sa fille avait été subtilisé puis retrouvé chez une autre femme avec laquelle Claudia Lauret avait des relations (notre compte-rendu du premier jour de procès, plus haut).
Au soutien des intérêts des proches de Julita Benard, l’avocate des parties civiles n’a pas hésité à charger l’accusée. Me Hélène Andriot a listé les incohérences des déclarations de Claudia Lauret après la disparition ainsi que la multiplicité des versions qu’elle a données des faits. La robe noire n’a pas manqué de citer tous les mensonges tenus par l’ancienne compagne de sa cliente et de rappeler les versants troubles de sa personnalité.
« La défense va vous dire que vous n’avez aucune preuve », débute la représentante de la société. Pas de corps, pas de preuves irréfutables, et pourtant une femme est accusée d’avoir planifié son geste. L’avocate générale en est persuadée et donne tous les éléments qui étayent sa conviction : les différentes versions de l’agression sexuelle (dont celle donnée en appelant le 17), incompatibles avec les constatations, les blessures relevées par le médecin (indiquant plutôt des traces de lutte mais aucune ne correspondant à une chute sur des rochers en tentant d’échapper à un agresseur), les déclarations des témoins au gouffre et celles de Brian M., et enfin les mises en situation des enquêteurs.
La défense ne trouve l’ombre d’aucun mobile
Mais il y a aussi les multiples mensonges de Claudia Lauret sur ses grossesses, ses expériences professionnelles, sa santé et ses relations empreintes de manipulations et de prise de pouvoir. Pour Cécile Henoux, l’accusée a volontairement poussé Julita Benard dans le gouffre parce qu’elle savait que personne n’en sort vivant. Pourquoi ? Parce que Julita Bénard avait certainement compris qu’elle était un pion entre les mains de sa compagne. Et pour Claudia Lauret, c’était insupportable d’avoir été confrontée à ses contradictions. « Julita devenait gênante. Elle l’a fragilisée en orchestrant un faux cambriolage et faisant disparaître son téléphone« .
Pour toutes ces raisons, le parquet général a requis à l’encontre de Claudia Lauret 25 années de réclusion criminelle, un suivi socio judiciaire de 5 ans et deux tiers de peine de sûreté.
Pour la défense, Me Jean-Jacques Morel en tête, Julita a chuté dans le gouffre sans intervention d’un tiers. Tout le reste n’est que supputation de la part de l’accusation. « Dans le vide sidéral de ce dossier, quel est le motif d’un assassinat ? », questionne la robe noire, écartant le crime passionnel ou crapuleux. « La vérité ne s’invente pas, elle se prouve », conclut le conseil, martelant que le doute doit bénéficier à l’accusée.
Après 1 heure de suspension de séance ce midi, un événement imprévu est venu émailler la reprise des débats. Le deuxième avocat de Claudia Lauret a été prise d’un malaise. Me Amel Khlifi-Ethève n’a donc pas pu exposer sa plaidoirie aux jurés alors qu’elle suit sa cliente depuis son interpellation en 2016.
Ce mercredi après-midi, après trois jours de procès, Claudia Lauret a été condamnée à 30 ans de réclusion criminelle. C’est 5 ans de plus que les réquisitions prononcées quelques heures plus tôt. Cette peine est accompagnée d’une obligation de 5 ans de suivi socio judiciaire.
Ce procès ne devrait pas constituer « l’épilogue » de cette affaire à entendre Me Morel qui devrait, après en avoir discuté avec sa cliente, faire appel de ce verdict.
La soeur de la disparue commente le verdict de la cour d’assises :