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Juliette Dodu – Héroïne controversée

Héroïne de la guerre Franco-prussienne de 1870, accusée d’espionnage par l’ennemi, Juliette Dodu est condamnée à mort.

Ecrit par Sabine Thirel – le samedi 06 juin 2009 à 06H01

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Juliette Dodu née à Saint-Denis de la Réunion le 15 juin 1848, est la fille d’un chirurgien métropolitain (Alphonse Dodu) officiant dans la marine et d’une créole née Desaïffre de Pellegrin. Deux ans après sa naissance, son père meurt de la fièvre jaune. Sa mère se  remarie et donne naissance à deux autres enfants. En 1864, Juliette a seize ans lorsqu’elle quitte la Réunion pour la France avec sa famille . Mme Dodu, devenue veuve à nouveau, obtient, grâce au soutien de l’impératrice Eugénie, la direction d’un bureau télégraphique à Pithiviers.

En 1870, la guerre franco-prussienne (1870 – 1873) oppose la France du Second Empire aux Allemands assemblés derrière le royaume de Prusse. Après avoir occupé les régions françaises de l’est et du nord, les Prussiens arrivent dans le Loiret et à Pithiviers le 20 septembre 1870.

 

Les locaux du bureau du télégraphe sont immédiatement occupés par l’ennemi et les fils coupés. La famille Dodu est repoussée au premier étage de la maison. Les fils du télégraphe passent par une des chambres et Juliette y installe une dérivation, connecte au réseau un récepteur qu’elle avait conservé et rétablit une liaison en morse. Ainsi elle a accès à tous les messages télégraphiques de l’ennemi qu’elle transmet intégralement aux forces françaises. Elle les informe également des faits et gestes des soldats prussiens dans Pithiviers. C’est de cette manière que 40 000 soldats du général Aurelles de de Paladines en faction aux environs d’Orléans, ne tombent pas dans les pièges ennemis.

Usant de son charme, elle aguiche les hussards qui ne se doutent de rien et se fait des relations au sein de leur état-major. Ce petit jeu dure 23 nuits jusqu’au moment où au cours d’une dispute avec sa gouvernante, un occupant comprend ce que se disent les deux femmes.

Le stratagème de Juliette est découvert. Le récepteur télégraphique est confisqué.

 

Accusée d’espionnage, conduite devant une cour martiale. Juliette Dodu leur lance alors :  » Je suis Française et ma mère aussi, j’ai agi pour mon pays. Messieurs, faites de moi ce que vous voudrez « . Elle est condamnée à la peine de mort. Heureusement, quelques jours plus tard, l’armistice est signé et elle est graciée par le Prince Frédéric-Charles de Prusse.

Symbole de la résistance française, Juliette Dodu est la première femme à obtenir la médaille militaire et la croix de la Légion d’Honneur à titre militaire. Le président Mac Mahon signe le décret du 30 juillet 1878 où il est stipulé :  » a intercepté des dépêches au péril de sa vie en 1870, a été condamnée à mort par l’ennemi et sauvée par la cessation des hostilités « .

En 1880, elle devient inspectrice des écoles et des salles d’asile et s’installe en Suisse Juliette meurt le 28 octobre1909 chez son beau-frère, le peintre Odilon Redon. Son corps, ramené en France, est exposé au Val de Grâce. Elle reçoit des funérailles nationales.

 

Cependant les voix s’élèvent et plusieurs questions se posent.
Pour ses détracteurs, Juliette n’a jamais rien intercepté au péril de sa vie. Il y a eu erreur sur la personne, puisqu’elle n’a pas été receveuse des postes, il s’agissait sûrement de sa mère. Ils avancent que si c’était vraiment la jeune fille qui avait agi héroïquement, comment aurait-elle pu comprendre les messages en Allemands et les traduire, sans avoir fait d’études. De plus, aucun rapport militaire ne cite le sauvetage de 40 000 soldats où que ce soitl. D’autres avancent qu’elle aurait été la maîtresse du Prince Frédéric-Charles de Prusse et qu’elle aurait collaboré avec l’ennemi et même, qu’elle aurait été un agent double.

 

On parle aussi de l’honneur de la France qui a subit une cuisante défaite lors de cette guerre de 1870, la honte de la débâcle  et la perte de l’Alsace-Lorraine. M. de Villemessant, journaliste, protecteur de Juliette et intime de Mac Mahon et de Gambetta, aurait monté une escroquerie journalistique. Le pays avait besoin d’une héroïne pour conserver son nationalisme et l’esprit patriotique intact.

Dans l’affaire Juliette Dodu, à ce jour le problème reste entier. De nombreuses prises de position contre sa personne, la traitant de Jeanne D’arc ou de Mata Hari, ont longtemps secoué l’opinion publique pendant une grande partie du XXe siècle.
A Saint-Denis, une rue et un lycée de fille devenu collège porte son nom.

 

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