A lire à tout prix
LA TURQUOISE
de Jean-Régis Ramsamy
Ne loupez surtout pas le nouvel opus de Jean-Régis Ramsamy, La Turquoise ! Ca se lit comme un polar et c’est un compliment d’auteur.
Il n’en est pas à son coup d’essai, notre ami de la télévision, mais chaque fois, c’est un coup de maître. Il nous avait déjà gratifiés d’une Histoire des bijoutiers indiens à La Réunion en 1999, suivie du Journal d’un Réunionnais en Inde en 2003, de La galaxie des noms malbars en 2006 et enfin de Nalgon, le bal tamoul à La Réunion en 2009, édités par feue Azalées. Ainsi qu’on le voit à ces dates, notre homme prend son temps car c’est un minutieux, un tatillon, voire un obstiné. Il progresse en écriture à pas mesurés, comme toute personne désireuse de ne pas commettre le moindre écart : ce qu’il avance, il en est sûr.
« La Turquoise » est le nom d’un voilier, emblématique de notre histoire créole comme le fut le « Saint-Charles » de Louis Payen et de ses dix compagnons malgaches.
« La Turquoise », on ne le savait pas jusqu’ici, emmena à Bourbon les tout premiers engagés indiens en 1828, donc bien avant l’engagisme de masse d’après 1848. Ils étaient quinze à bord, « quinze parias », précise même l’auteur qui pousse très loin le souci du détail.
Notre écrivain, au-delà de l’histoire de ces premiers engagés, va plus loin dans la compréhension de l’intégration des Indiens à La Réunion. Travail, religion, assimilation, mariages inter-raciaux, réussites fulgurantes et échecs désastreux, tout est passé en revue, documents à l’appui.
Je veux préciser ici que je ne remets nullement en cause les excellents ouvrages de Prosper Eve ou du regretté Sudel Fuma, qui éclairent bellement notre histoire réunionnaise. Mais si Jean-Régis fait œuvre d’historien, il se révèle aussi comme un auteur « grand public », ce qui est tout à son honneur.
Il faut y voir le résultat de son métier « officiel », le journalisme, qui consiste à comprendre de quoi on parle et le faire comprendre aux autres. Je le répète, je ne dénigre nullement les thèses des historiens de métier. Mais les ouvrages de ces derniers réclament, pour être bien compris (et appréciés comme ils le méritent), une certaine habitude dans la fréquentation des thèses universitaires.
Jean-Régis Ramsamy écrit comme le bon journaliste qu’il est : son livre est d’une clarté, d’une aisance de lecture confondantes. Il fourmille de détails, de chiffres, de références, mais ça se déroule sous nos yeux avec un plaisir jamais pris en défaut. S’il écrivait des romans, il se poserait comme un redoutable concurrent pour les Samlong, Vaxelaire, Gauvin et autres Bénard !
« La Turquoise » arrive à point nommé pour préciser et conforter le « roman familial » de Gilbert Canabady, « L’Indien du domaine Mon Caprice ».
Des ouvrages comme ça, on en redemande.
Jules Bénard
« La Turquoise », de Jean-Régis Ramsamy. Disponible dans les deux grandes librairies de Saint-Denis et Saint-Pierre, 30 euros.