La campagne électorale pour les régionales va-t-elle s’achever sans qu’il n’y ait eu de véritable débat sur le projet d’importation massive de biomasse pour la production électrique ? Un projet qui prolongerait la dépendance énergétique de La Réunion sur les vingt à trente prochaines années ? Un projet qui aurait de graves impacts sur la biodiversité et le réchauffement climatique ? Le débat organisé sur la chaine publique ce jeudi 10 juin interroge : le thème de l’environnement pourtant inscrit à l’ordre du jour et qui aurait permis de l’aborder, a finalement été délaissé au profit de médiocres querelles politiciennes.
La liste Naturellement Écologistes pose la question : va-t-on faire l’impasse sur la question centrale de la politique énergétique ?
Rappelons les données du problème. Notre production électrique est l’une des plus carbonée de France, elle repose notamment sur l’importation de charbon par l’opérateur privé, Albioma. Le secteur électrique est, avec le transport, le plus gros émetteur de CO2 sur notre territoire.
Le 25 novembre dernier, le Conseil Régional a approuvé la nouvelle Programmation Pluriannuelle de l’énergie (PPE) qui prévoit notamment de remplacer le charbon brulé dans les chaudières d’Albioma par de la biomasse, des résidus du bois, importée des États-Unis. Le Président de Région a présenté cette PPE comme une avancée écologique permettant de sortir du charbon et un pas important vers l’autonomie énergétique. L’opposition régionale, PLR et PS, a choisi de ne pas s’opposer à ce projet et s’est abstenue.
Or, pour approvisionner les centrales d’Albioma, il va falloir déforester, aux ÉtatsUnis ou en Afrique, puis transporter le bois par route et par mer avec un important bilan carbone que les porteurs du projet préfèrent minimiser. Mais il y a pire, contrairement à ce qu’affirment les Industriels de la biomasse, la combustion du bois n’est pas neutre. Plus de 500 scientifiques ont alerté la Commission Européenne sur les risques associés à la combustion de la biomasse forestière affirmant que la production d’électricité́à partir de la biomasse solide émet plus de CO2 que la production à partir du charbon. Depuis des mois, plusieurs ONG environnementales internationales dénoncent nommément le projet réunionnais et demandent aux investisseurs publics et privés de le suspendre en l’absence d’études d’impact environnemental.
La loi de Transition Énergétique de 2015 fait obligation à La Réunion d’atteindre l’autonomie énergétique en 2030 alors que le taux de dépendance actuel est de 87,5 %. Il est évident que l’importation de biomasse ne fait que remplacer un mal par un autre : en 2030, La Réunion sera toujours dépendante et donc « hors-la-loi climatique ».
Il est anormal que dans une démocratie, ce projet que nous sommes les seuls à contester, soit absent de la campagne électorale puisqu’il relève de la compétence de la Région et engage l’avenir de notre politique énergétique. Tous les candidats évoquent la transparence mais la première transparence consisterait à dire clairement aux électeurs quelle est leur position sur la PPE et l’importation de biomasse.
Jean-Pierre MARCHAU
Pour la liste Naturellement Écologistes