Commence un long parcours pour le diagnostic de la maladie et sa prise en charge médicale. « Il faut attendre 6 mois à 1 an pour obtenir un rendez-vous au centre anti-douleur ». En attendant, la maman auparavant active ne peut plus cuisiner, faire le ménage, les courses, et sortir avec ses enfants et son mari. « A un moment donné, j’ai cette sensation de n’être plus bonne à rien », confie Hannah. « J’ai l’impression d’être une mamie de 80 ans, j’ai mal tout le temps, partout ». Les répercussions sur sa vie familiale, sociale, professionnelle sont importantes.
« Il y a autant de fibromyalgie que de personnes fibromyalgiques »
mais comme beaucoup de personnes atteintes de la maladie, Hannah cumule d’autres pathologies. Ses longues démarches auprès de la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) pour une ouverture de droits ne débouchent que vers une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) mais sans aménagement de son poste. Hannah est donc en arrêt maladie depuis plus d’un an mais peut heureusement compter sur le soutien et la compréhension de son mari. « Avec la douleur, je peux rester des jours prostrée dans mon lit ».Le premier traitement fourni par le médecin du centre anti-douleur se révèle inefficace ou aux effets secondaires catastrophiques sur Hannah. En attendant son rendez-vous quadrimestriel, cette professionnelle médicale a trouvé un peu de soulagement récemment en se soignant par les plantes. Une méthode alternative qui a un coût car non remboursée par la Sécu. « Il faut compter 22 euros par boite » et il y en a une douzaine à acheter par mois. Outre pour le traitement, le foyer a dû se serrer la ceinture en engageant une aide ménagère et un jardinier. « Puisque je ne peux plus faire grand chose et que mon mari travaille beaucoup ».
Pourtant, la fibromyalgie reste une maladie invisible. Régulièrement, Hannah doit faire face au jugement. « Vous avez l’air d’aller bien. C’est ce genre de réflexions qui font le plus mal. C’est une maladie culpabilisante parce qu’on est sur ses deux jambes mais on n’est plus une bonne maman, une bonne épouse, une bonne employée… », ajoute-t-elle, laissant s’échapper une larme.
Le risque est bel et bien réel de s’enfermer dans sa douleur. Selon le président de l’Association Fibromyalgie Maladie Incomprise, Nicolas Vignali, les taux de tentative de suicide sont 38 fois plus élevés chez les fibromyalgiques. Des chiffres issus d’un sondage réalisé au sein de son association en 2018. « Avec une réelle prise en charge médicale et sociale ça n’arriverait pas », peste-t-il. Lui-même a été diagnostiqué il y a 14 ans de cela et a créé l’association en 2015 pour accompagner et informer les malades mais aussi demander la reconnaissance de la fibromyalgie en Affection Longue Durée (ALD).
L’objectif est également de faire reconnaitre les handicaps et les difficultés que la maladie engendre. Bien que l’Organisation Mondiale de la Santé ait reconnu la maladie en 1992 et qu’une Journée mondiale lui soit même réservée le 12 mai, la France ne l’a toujours pas fait malgré la mobilisation des associations. Des courriers ont été envoyés aux présidents de la République, des questions ont été posées à l’Assemblée nationale par des députés…
Selon les chiffres du ministère des Solidarités et de la Santé, 1,6 % de la population adulte française est atteinte de fibromyalgie. Les recommandations des autorités de la santé (HAS, Inserm) pour une meilleure information, prise en charge médicale et administrative, se font toujours attendre. « La plupart des études sur la maladie viennent de l’étranger et la communauté médicale s’approprie très peu le sujet », déplore Nicolas Vignali. Le militant associatif s’insurge également contre les médecins « fribrosceptiques », appréhendant la fibromyalgie comme « la maladie des tire-au-flanc ». Des doutes persistent en raison du « caractère subjectif « des troubles multiples invoqués, avait répondu l’Académie nationale de médecine à la Haute autorité de la Santé dans un rapport de 2010.
L’incompréhension et la frustration sont d’autant plus grandes que d’un département à l’autre sur le territoire national, les fibromyalgiques obtiennent davantage de reconnaissance. « Dans l’Hexagone, plus on va vers le nord, plus on a de chance d’être reconnu », a constaté le président d’association fort de ses 24.000 membres. Pour mobiliser et atteindre l’égalité, l’association poursuit son « lobbiyng politique » avec son Manifeste pour la reconnaissance de la fibromyalgie en France. Cette reconnaissance qui passe par une meilleure prise en charge a évidemment un coût. Par exemple, en cas de reconnaissance par la Sécurité sociale en Affection longue durée, les soins médicaux engagés pour la pathologie sont remboursés à 100%.
A La Réunion, l’association Fibromyalgie Réunion Océan Indien, un temps en sommeil, devrait d’ici un mois reprendre ses activités.
*prénom d’emprunt